Michelin 2020 : "La réouverture des restaurants sera l'occasion de fêter les nouveaux promus"

Gwendal Poullennec, directeur international des guides Michelin fait le point sur un cru 2020 à la saveur douce-amère, les chefs étant partagés entre joie et inquiétude pour l'avenir.

Publié le 01 juillet 2020 à 11:43

Six mois plus tard, que gardez-vous en mémoire de la sélection 2020 ?

La crise sanitaire que nous avons traversée ces derniers mois a pu occulter le souvenir de cette célébration de la gastronomie. La réouverture des restaurants sera l’occasion de fêter les nouveaux promus et de redécouvrir toutes ces belles tables.

Pendant cette période de confinement, j’ai souvent pensé à la cérémonie au cours de laquelle nous avons dévoilé la sélection 2020 ; elle reste un véritable temps fort de l’année. Elle a été particulièrement émouvante, marquée par le décès le jour même d’Emile Jung, ancien chef du Crocodile à Strasbourg, 3 étoiles Michelin, à qui nous avons rendu hommage mais aussi par le fait que la famille Michelin s’est largement agrandie : 49 nouveaux 1 étoile, 11 nouveaux 2 étoiles et 3 nouveaux 3 étoiles.

La sélection 2020 est également empreinte des fortes convictions et initiatives des chefs pour tendre à un modèle de gastronomie plus durable. C’est pour mettre en avant ces prises de position courageuses et vertueuses que nous avons d’ailleurs dévoilé notre nouvel emblème durable. A ce sujet, nous avons lancé un petit concours au niveau mondial sur nos réseaux sociaux pour trouver l’appellation qui aura du sens pour le plus grand nombre. Nous aurons bientôt une réponse.

Je garde aussi en mémoire une sélection qui met en valeur l’audace, le courage et la créativité entrepreneuriale des chefs, qui sont des chefs d’entreprise, ne l’oublions pas, et qui se sont jetés dans des aventures, souvent collectives, au long cours et qui sont bien souvent de véritables projets de vie.

L’émotion, les convictions, l’audace, le talent, toutes ces caractéristiques, je n’ai pas cessé un seul instant de les retrouver dans les comportements que les chefs ont eus en réponse à la crise qui les a violemment frappés. Ce sont sur ces valeurs que se fonde la reprise. Les chefs n’ont rien perdu de leur talent. Ils ont eu le temps d’échanger entre eux, de travailler avec leurs équipes pour pousser encore plus loin leur créativité, leur réflexion sur l’avenir du métier, sur leurs propres initiatives, mais aussi sur des sujets bien particuliers tels que l’approvisionnement ou le sourcing local. Ces valeurs, qui sont les points forts du guide Michelin France 2020, sont également les piliers sur lesquels les professionnels sont aujourd’hui en train de bâtir la reprise du secteur.

 

Avec le recul, comment a été perçue la première sélection Gastronomie Durable ?

Cette initiative de Michelin est née d’échanges avec des professionnels du monde entier. En revanche, nous avons volontairement choisi de la lancer en France, l’un des berceaux de la gastronomie mondiale. Nous avions mis en avant une cinquantaine d’établissements dans lesquels nous avions pu observer ces développements. J’ai été touché par les réactions que cette mise en valeur du développement durable a suscitées dans les communautés professionnelles du monde entier. On a senti une réelle adhésion de la part des professionnels, mais aussi du grand public car cette valorisation répond à une réelle attente. C’est un appel à continuer à aller encore plus loin.

Chez certains, ces initiatives et cette attention pour tendre à une gastronomie plus durable étaient anciennes. Nous n’avons fait que les reconnaître, mais pour d’autres, cela a été un encouragement à ajouter une responsabilité écologique aux responsabilités gastronomiques et économiques qu’ils ont déjà. Les chefs comme le grand public ont pris conscience de la nécessité de préserver cet écosystème local de qualité dont dépend non seulement la gastronomie mais aussi tout notre tissu social. Je suis convaincu que cette crise sera un accélérateur de cette tendance. Les chefs en sont d’ores et déjà le relais en France et à l’étranger. Ils nous pousseront à aller toujours plus loin dans une dynamique réellement positive.

 

Pour le guide 2021, vous avez déclaré dès la fermeture des restaurants : « Nous nous adapterons pour évaluer vos restaurants de façon juste et équitable une fois que vous aurez repris le cours normal de vos activités. ». Beaucoup se demandent quand ils pourront retrouver ce cours normal. Comment se fait le choix des restaurants inspectés depuis la réouverture ?

Depuis le début de la crise sanitaire et la fermeture des restaurants décidée par le gouvernement, nos équipes et moi-même avons été attentifs à être des interlocuteurs réguliers des restaurateurs, afin de nous tenir au courant du rythme de reprise de leur activité. Depuis le 2 juin, tous nos inspecteurs sont à nouveau sur le terrain. Nous avions annoncé qu’ils seraient parmi les premiers clients lors de la réouverture. Beaucoup de restaurateurs viennent également vers nous soit par téléphone soit par mail pour nous informer de leurs projets. Ces échanges et ces remontées du terrain nous permettent également aussi de mettre à jour les informations sur nos sites internet pour renseigner au mieux les clients pendant ces semaines de réouverture.

Aujourd’hui, seuls 2/3 des restaurants étoilés sont ouverts en France. Chaque établissement reprend à son rythme. La crise est d’une telle ampleur qu’il est normal que certains restaurants aient besoin de temps pour revenir à leur meilleur niveau. Nous nous adaptons donc au rythme de chacun pour procéder aux premiers repas d’évaluation.

 

Au regard de la grave crise que traverse la profession, ne pourrait-il pas être envisagé de suspendre toute perte d’étoile ?

Le plus important, c’est que les restaurateurs se relèvent de cette crise, qu’ils sauvent leurs maisons. Michelin s’adaptera à leurs situations et à leurs choix d’entrepreneur. Les étoiles doivent conserver la même valeur. Aussi, deux cas de figure se profilent : soit les établissements ont repris une activité normale et ont pu être visités, soit ils ne peuvent être évalués en raison d’une ouverture tardive. Dans ce dernier cas, les distinctions pourront être conservées sur la base des repas effectués avant la crise mais nous le mentionnerons explicitement dans le guide. 

Je veux souligner que le guide Michelin 2020 n’était pas encore révélé que les inspecteurs continuaient sur le terrain leur travail d’investigation pour déceler les talents qui seront valorisés dans l’édition de l’année prochaine. Il y a des talents qui continuent à émerger en France et notre devoir est de renseigner les clients en assurant leur promotion. Les distinctions attribuées en 2021 auront la même valeur que les années précédentes. Et je ne peux qu’encourager tous ces talents qui émergent dans un contexte particulièrement difficile.

 

Comment se sont passés vos premiers repas en configuration post-covid avec masques et distanciation ?

Je les ai vécus avec émotion et plaisir car c’était avant tout l’occasion de retourner au restaurant après des mois de confinement et de retrouver ces lieux de vie merveilleux. J’ai aussi été très impressionné car les équipes n’ont rien perdu de leur talent et de leur savoir-faire. Elles ont gardé intact leur sens de l’accueil, l’attention portée aux clients. J’ai également ressenti leur joie communicative de professionnels qui peuvent enfin exercer leur métier. L’expérience vécue comme simple client n’a rien perdu de sa chaleur ni de sa convivialité.

Et au-delà des contraintes sanitaires, les professionnels ont réussi à me faire vivre de belles expériences gastronomiques riches et authentiques. Ce sont les mêmes impressions que m’ont fait remonter les inspecteurs qui sont aussi très impressionnés par la combativité positive des professionnels malgré les difficultés qu’ils peuvent traverser. Nous sentons également la volonté portée par les restaurants de reconstruire le tissu économique local autour de leur réseau de petits producteurs. De nombreux chefs souhaitent poursuivre des initiatives généreuses comme celles au bénéfice des soignants. C’est dans cet esprit que Michelin a souhaité les accompagner avec l’opération Le Bon Menu. Chaque jour, de nouveaux établissements rejoignent cette initiative en proposant des menus qui valorisent les producteurs de proximité et en y associant un geste de générosité pour inviter avec « A table, les soignants » des personnels de santé. Cette opération incarne bien cet élan de reprise, ce talent que les chefs ont conservé, cette générosité pour leurs clients, leurs producteurs et les causes qui leur sont chères.

Il faut être néanmoins réaliste sur l’impact de cette crise dont on ne voit pas encore le bout et qui aura peut-être de nouvelles conséquences sur le secteur. En revanche, la profession est bel et bien au rendez-vous avec une réelle combativité.

 

Gwendal Poullennec Michelin 


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Publié par Nadine LEMOINE



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