Qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser ce livre ?
Quand on démarre un livre, il faut du temps et de l'implication. Il faut s'y consacrer à 100 %, trouver le bon photographe, penser aux détails en amont. Avec Cuisinier Chasseur, je suis à contre-courant. Aujourd’hui, on parle beaucoup du végétal, mais on oublie que le gibier est un produit noble, sain, qu'il faut respecter dans sa saisonnalité. Il devrait être consommé en été, au moment où les animaux sortent de l’hivernage et ont retrouvé leurs forces. Or, les traditions de chasse et les réglementations concentrent tout en fin d’année. C’est dommage. Ce livre est un moyen de transmettre ce que je sais sur le gibier.
Un plat emblématique ?
Cela fait quinze ans que je propose "L'insolite de cerf", un plat signature où je travaille le cerf - que je fais maturer - en tartare avec du caviar. Cette association fonctionne parfaitement : la viande peut être métallique, fine et délicate, et l’iode du caviar apporte une dimension supplémentaire. C’est un plat qui résume ma philosophie : sublimer le gibier tout en finesse.
Comment la gastronomie évolue-t-elle ?
La restauration va très vite. L’authenticité est essentielle. Les clients ne veulent plus seulement un repas, ils cherchent une expérience. C’est devenu une attente fondamentale.
Comment créer une expérience unique ?
Tout commence dès l’accueil. L’art de la table retrouve une place centrale. Il ne faut pas mentir : quand un client vient à la table d’un chef, il veut découvrir son univers. Je partage avec mes équipes ce que j’observe en montagne, comment vit un animal, pourquoi il faut respecter son cycle. J’ai dédié une salle aux animaux naturalisés, que je présente aux clients les plus curieux. L’objectif n’est pas de provoquer, mais d’expliquer avec délicatesse.
Le Festival de la Chasse, qu’est-ce que c’est ?
Nous avons lancé ce festival il y a deux ans pour dynamiser octobre et novembre. La troisième édition aura lieu du 13 octobre au 18 novembre 2025. Chaque semaine on met en avant un gibier différent. Nous accueillerons des chefs comme Bruno Doucet, Joseph Viola… qui ont une approche similaire de la cuisine du gibier. Mon bras droit, Mathieu Sylvestre, champion du monde du lièvre à la royale en 2019, supervise la production culinaire. Ce festival est une façon de valoriser une viande saine, respectueuse et inscrite dans un terroir. L’Alsace est une terre de chasse.
Comment ces dernières années vous ont-elles changé ?
Le confinement m'a fait peur, j’ai eu peur de perdre mon entreprise. J’ai dû contracter des PGE, que je suis en train de rembourser. Je suis comme tout le monde, j’ai fait face à la difficulté. J’ai eu une résilience immense. J’ai tout de suite voulu montrer que j’étais là. Cela m’a fait prendre conscience qu’il fallait à aller à l’essentiel. Je suis aujourd’hui dans une démarche encore plus sincère.
Vous voyez votre entreprise comme familiale…
Mon épouse est à mes côtés depuis le début. Mes filles ont aussi rejoint l'aventure : Manon a ouvert un restaurant à quelques kilomètres avec son compagnon, et Clara, avec son mari, a intégré notre maison après l’école hôtelière de Lausanne. La transmission est essentielle.

Publié par Romy CARRERE