Depuis le 1er janvier, toutes les entreprises de plus de 11 salariés sont dans l’obligation de verser une prime à leurs équipes si elles ont réalisé des bénéfices d’au moins 1 % de leur chiffre d’affaires HT et ce, depuis au moins trois ans. Bien sûr, il est louable d’agir ainsi pour remercier et motiver son personnel qui, tout au long de l’année, œuvre pour le bien-être des clients. De plus, cette mesure peut permettre de renforcer les liens entre la direction et son équipe.
Plusieurs choix sont disponibles pour la distribution de cette prime (participation, intéressement, épargne salariale…), mais peu importe la méthode utilisée : ces versements influenceront mécaniquement la trésorerie de l’entreprise. Car, cette initiative impulsée par l’Europe se confronte à la réalité financière du terrain qui est bien plus complexe.
Le poids des PGE non pris en compte
La théorie présume qu’avec plus de 1 % de bénéfice après impôts, l’entreprise sera en mesure de verser des primes, ce qui n’est pas le cas car cette mesure ne prend pas en compte une notion-clé : la capacité d’autofinancement (CAF) de l’entreprise.
Effectivement depuis 2022, de nombreuses entreprises sont dans l’obligation de rembourser des prêts garantis par l’État (PGE), qui ont été consommés pour assurer leur survie pendant et juste après le Covid. De façon logique, ces PGE n’ont pas été intégrés dans les investissements, et ne donnent nullement lieu à des dotations aux amortissements dans le compte de résultat.
Pour rappel, les entreprises remboursent leurs prêts d’investissement, dont une partie figure comme dotations aux amortissements dans le compte de résultat. Une fois que le montant des dotations est rajouté aux bénéfices, cela constitue la CAF. Il s’agit du montant disponible pour assurer les remboursements annuels.
Les remboursements des PGE s’ajoutent eux comme un montant supplémentaire à financer, souvent ‘non couvert’ par la CAF. Résultat : l’entreprise voit sa trésorerie diminuer, et cela sera le cas tant que les PGE ne seront pas totalement remboursés (en 2026 ou 2027).
Un risque de fragiliser l’exploitation
Mais, avec cette nouvelle mesure, si l’entreprise est bénéficiaire, elle devra obligatoirement verser cette prime. Et c’est justement là que le bât blesse : comment faire pour payer des primes quand la trésorerie ne suffit pas ? Au niveau de l’État, un prêt ou une augmentation des impôts sont les solutions. Par contre, l’entreprise ne peut pas avoir recours aux banques, qui sont peu enclines, voire hostiles, à prêter plus, surtout si c’est juste pour payer des primes. Augmenter certains prix de vente pour créer de la trésorerie est éventuellement une autre possibilité, mais qui pourrait se révéler fatale pour l’établissement, sachant que 67 % des clients ont déjà réduit leur budget restauration en 2024.
Parce qu’elle prend en compte les bénéfices réalisés par l’entreprise et non sa capacité de payer, cette mesure risque donc de fragiliser encore un peu plus l’exploitation.
Malheureusement, le technocrate qui a imaginé les versements basés sur les bénéfices ne semble pas avoir compris le mécanisme de la capacité d’autofinancement, mais quand on travaille dans une usine à gaz, la visibilité est souvent réduite.
Pour conclure, si le versement de primes n’est pas à mettre en question, il sera nécessaire de bien définir des critères et des montants envisagés. En prévoyant et en planifiant, il faudrait juste essayer d’éviter que cette prime de partage de valeur, ne se transforme en ‘trime’ de partage de valeur !
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Publié par Christopher TERLESKI