Le 15 avril 1982, fraîchement débarqué de Rennes, Patrick Bertron s’apprête à intégrer le restaurant La Côte d’or, à Saulieu (Côte-d’Or). Du haut de ses 20 ans, il vient d’achever quatre années de formation à Saint-Nazaire et a, pour toute expérience, un poste sur le littoral vendéen puis dans un restaurant gastronomique à Rennes. Aucune table étoilée. En poussant la porte de sa nouvelle maison, à Saulieu, l’idée est “de ne rester que deux ans, au maximum”, se souvient avec amusement Patrick Bertron. C’était sans compter “l’attachement à monsieur Loiseau, précise aujourd’hui le chef, à sa façon de donner de l’enthousiasme, de l’entrain, de la bonne humeur et de la dynamique. Cette cuisine novatrice avec l’épure dans l’assiette. Cette façon de partager les choses, d’amener les jeunes à découvrir le monde.” Tous ces éléments réunis font qu’il est “arrivé en 1982 et plus jamais reparti.”
Quarante années durant lesquelles Patrick Bertron a gravi tous les échelons - second de cuisine, sous-chef, puis chef exécutif - et poursuivi tous les objectifs : “Gault&Millau, guide Hachette, 3e étoile Michelin...” Un parcours “qui s’est fait naturellement, comme un contrat de travail, de lien même pas moral, sur la confiance.” Une confiance qui a primé en 2003 après de la disparition de Bernard Loiseau. “À ce moment-là, quand on m’a demandé ce que je souhaitais faire, j’ai choisi de poursuivre.” Et la question ne s’est plus jamais posée.
L’histoire continue
Pérenniser l’héritage culinaire de Bernard Loiseau “dans ses constantes : goût marqué, saveurs bien présentes, cuisine identitaire, ancrage au terroir du Morvan” et transmettre le savoir-faire aux équipes, telles sont les deux missions dont s’est emparé Patrick Bertron. “J’ai eu la chance que Bernard Loiseau me nourrisse, lui, de son expérience”, confie-t-il. Devenir le mentor Blanche Loiseau, qui a rejoint la brigade comme demi-cheffe de partie est apparu comme une évidence. “Elle est l’avenir, pas moi. J’ai 60 ans et je suis le présent, admet le chef. Elle a accès à ce que son père véhiculait, elle voit ce que j’en ai fait. À elle, ensuite, d’être Blanche Loiseau, d’avoir sa propre signature. Je lui souhaite de devenir une grande cheffe. Elle a tous les ingrédients pour réussir : investissement, curiosité, implication, volonté, enthousiasme et écoute.”
En attendant, Patrick Bertron poursuit ses engagements : “La satisfaction du client, faire vivre et porter ce beau et grand Relais & Château”, avec, en ligne de mire, la troisième étoile.“Quand on la perd, c’est qu’on ne la méritait plus. Point. Aujourd’hui, on reconstruit, on engage une autre approche, un autre ancrage, et cette dynamique est bien partie”, analyse le chef, pragmatique, qui regarde avec sérénité son parcours. “Je suis très content d’avoir fait tout ça. C’est mon histoire, et elle se finira ici, car je ne me vois pas changer : je suis rennais, mais ma vie s’est réalisée à Saulieu.”
Publié par Myriam HENRY
mardi 29 mars 2022