Pass sanitaire, restaurants clandestins, couvre-feu, vaccination du personnel… à chaque jour son nouveau sujet clivant. Sollicités par les médias, lorsque des restaurateurs acceptent de se positionner, ils exposent la réputation de leur établissement à des internautes qui, déguisés en clients, se vengent par des volées de faux avis sur internet, avec la volonté de nuire commercialement.
C’est ce qui est arrivé au restaurateur Mathias Danjou (La Salle à Manger, à Boulogne-Billancourt) : “Cinq minutes après avoir quitté le plateau, alors que je montais dans un taxi mis à ma disposition par BFMTV, mon téléphone s’est mis à signaler des notifications. Des avis négatifs pleuvaient sur mon restaurant, avec beaucoup d’une étoile sans commentaire pour faire baisser ma moyenne de satisfaction sur Google Avis, s’emporte-t-il. Les attaques ne sont pas nouvelles mais la situation s’est durcie. Nous sommes passés des insultes directes à des agressions plus machiavéliques. Des commentaires négatifs de faux clients visent nos établissements avec l’objectif de nuire à notre activité car nous avons eu l’outrecuidance de donner notre avis sur une situation liée à notre métier”.
Après le reportage filmé par BFMTV sur le pass sanitaire et sur la vaccination obligatoire des salariés des CHR, la crainte des ‘antivax’
Et Mathias Danjou de poursuivre : “Je me suis exprimé en faveur du pass sanitaire, ce qui a provoqué une vague de faux-avis. Une cliente imaginaire invoquait par exemple la cuisine infecte de mon établissement pourtant fermé depuis début août. En répondant à cette attaque, j’en provoquais une autre : une internaute s’indignait que nous osions prendre des vacances après nous être plaints des fermetures administratives. C’est sans fin !”, dénonce le restaurateur, qui anticipe de nouvelles critiques déguisées : “BFMTV est venu tourner chez moi car toute mon équipe, volontaire, a été vaccinée le même jour. Je ne sais pas quand sera diffusé le reportage mais je pourrais faire les frais de la colère des antivax.”
De Paris à la Franche-Comté, les expériences se ressemblent. Stéphane Turillon, chef de l’Auberge de La Source Bleue, à Cusance (Doubs), confirme ce climat nauséabond : “En février, j’ai été lynché après avoir faire la une des chaînes d’infos. Plus de 200 avis négatifs de faux clients mécontents. Google et Tripadvisor ont tout effacé. Et pour cause, j’étais fermé ! Je me suis exprimé récemment contre le pass sanitaire avec, à nouveau, des vagues par dizaines d’avis une étoile sur Google. Mais aussi des cinq étoiles attribuées par d’autres anonymes, opposés au pass sanitaire cette fois ! Le public estime que vous leur appartenez. Ils n’acceptent pas d’avis contraire à leur opinion.”
“Google avis est devenu le ‘mur des cons’ des restaurateurs qui s'expriment”
“Très déçu, le vin avait un goût de Pfizer”, “C’est du surgelé”, “Lamentable, à fuir”, “Un restaurant de bobos et un patron arrogant”... À chaque passage télé, Stéphane Manigold, un habitué des plateaux, constate un pic de mauvaises notes et critiques de clients qu’il n’a jamais vus dans ses établissements. “Les mêmes reproches apparaissent simultanément sur chacun de mes restaurants. Lorsque je suis traité de collabo, c’est simple d’obtenir le retrait du commentaire, voire de donner les suites juridiques qui incombent mais les ‘haters’ [haineux, NDLR] se perfectionnent. Le dénigrement commercial sous forme d’avis négatifs délivrés en meute anonyme, en rétorsion d’une prise de position sur les médias, est plus compliqué à caractériser. Le problème, c’est que Google ne filtre rien et est devenu le ‘mur des cons’ [en référence à un panneau d’affichage présent au sein du Syndicat de la magistrature, qui dénigrait plusieurs hommes et femmes politiques, journalistes et intellectuels] pour les restaurateurs qui s’engagent”, regrette le patron de Substance (Paris, XVIe) et de Contraste (Paris, VIIIe) qui continuera pourtant de s’exprimer sur son métier dans les médias.
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Publié par Francois PONT