Comme
vous le savez, la profession s'élève contre les dérives de l'économie dite
collaborative. Est-ce normal, qu'à activité similaire, les règles varient ? Les
avancées qui ont eu lieu ne sont pas suffisantes. Quelles mesures mettrez-vous
en place pour que les hôteliers, comme les restaurateurs, puissent travailler à
« armes égales » ?
Bruno Le Maire : Il est
essentiel que les professionnels du tourisme, qui doivent investir souvent
lourdement pour moderniser leurs équipements puissent bénéficier de
conditions économiques équitables avec les plateformes internet. Les évolutions
de mode de vie des Français doivent être accompagnées et il n'est pas question
d'interdire qu'un particulier puisse louer de temps en temps sa résidence
principale pour compléter ses revenus par exemple. En revanche, il faudra aller
plus loin que ce qui est fait aujourd'hui et obliger les sites de meublés
touristiques à déclarer aux services fiscaux ainsi qu'aux communes concernées les
loueurs ayant recours à leur plateforme. Si la croissance de cette activité ne
doit pas être entravée (150 000 annonces en 2015 contre 7 000 en
2012), un cadre doit être fixé pour éviter les abus et les distorsions de
concurrence.
Le
tourisme est reconnu depuis peu comme un secteur économique à part entière.
Quelle place, quel 'ministère' doit-on lui accorder selon vous et pourquoi ?
Il est
objectivement trop tôt pour aborder dans le détail l'architecture
gouvernementale de 2017. Je souhaite un gouvernement resserré pour plus
d'efficacité et de cohésion. Ce qui est certain, c'est que le tourisme pèse de
plus en plus lourd dans l'économie française et doit être considéré comme une
industrie à part entière au sens noble du terme. Par ses impacts bénéfiques
transverses avec de nombreux autres secteurs économiques (construction,
agriculture, sport, culture, numérique…) le tourisme devra pouvoir bénéficier
d'arbitrages interministériels suivis au plus haut niveau.
L'Umih, qui est le plus important syndicat patronal, a dénombré que des
centaines de normes et de règlements s'appliquaient aux entreprises de
l'hôtellerie et de la restauration, dont 90% emploient moins de 8
salariés. 50 nouvelles réglementations tombent tous les ans, soit environ 150 gestes
nouveaux pour l'exploitant. Votre sentiment ?
Le
secteur de la Restauration et de l'hôtellerie souffre comme de très nombreux
autres secteurs dans notre pays (agriculteurs, artisans, bâtiment…) d'un excès
ahurissant de normes. Il faut désormais en finir. Je propose d'appliquer
à l'administration des contraintes qui la forcent à réfléchir aux implications
de ce qu'elle décide souvent pour se protéger elle-même. Nous instaurerons donc
la suppression préalable de deux normes avant toute création d'une nouvelle.
Dans le cas contraire, cette norme pourra être dénoncée devant la justice.
Par
ailleurs, nous proposons dans notre Contrat Présidentiel que chaque
organisation professionnelle puisse définir par elle-même 10 normes qui
seraient jugées inutiles ou nuisibles pour son secteur d'activité. Si dans un
délai court, l'administration n'a pas justifié et prouvé l'intérêt de son
maintien, le ministre en vigueur serait tenu de supprimer ces règles
Quels sont les leviers à mettre en oeuvre pour préserver et développer
les TPE et les PME qui sont vecteurs d'emplois, non délocalisables ?
La France
souffre du faible emploi dans les TPE PME et de la faible capacité qu'ont ces
entreprises à pouvoir se développer comme certaines le souhaiteraient. Pour que
les entreprises retrouvent le goût et la capacité de croître, nous nous
attaquerons à quatre grandes séries de mesure dès l'été 2017 : la première des
réformes concerne le marché du travail qui sera traitée par ordonnance. Nous
mettrons en place un CDI plus souple où les conditions de licenciement seront
considérablement simplifiées pour casser la peur de l'embauche. Nous créerons
également un Contrat à Objet Défini qui remplacera les CDD et sera également
plus souple dans ses modalités de renouvellement et pourra durer jusqu'à trois
ans. En contrepartie, le salarié bénéficiera d'une prime de précarité qui
augmentera avec le temps et qui rendra le basculement en CDI plus intéressant
pour l'employeur qui souhaite conserver ce salarié.¨Par ailleurs, les
indemnités prud'homales seront plafonnées.
Nous
fluidifierons également l'offre et la demande de travail en réformant la
formation initiale et la formation continue. La formation sera profondément
réformée pour orienter plus fortement les fonds vers les besoins des entreprises
en confiant les fonds aux régions et non plus aux syndicats. Nous
revaloriserons la filière professionnelle en créant des écoles de métier gérées
par les entreprises et les régions en remplacement de l'enseignement
professionnel et permettrons à nos enfants dès le collège de choisir des
options professionnelles avec comme objectif de permettre à chaque jeune de
trouver un emploi à la sortie de son cursus scolaire. Il est vital que les
entreprises puissent trouver les talents dont elles ont besoin. C'est quand
même un comble de constater que ce n'est pas le cas aujourd'hui dans un pays
qui compte un chômage aussi élevé.
La
troisième réforme porte sur les charges et la fiscalité. Il faut
augmenter les marges des entreprises pour pouvoir leur dégager des marges de
manoeuvre financières et investir. Pour cela nous basculerons totalement le
CICE en baisse des charges immédiates et nous amplifierons les baisses de
charges en supprimant les cotisations 1% logement et en baissant les taxes sur
la formation et l'apprentissage. Nous baisserons l'impôt sur les sociétés à 30%
en conservant le taux dérogatoire de 15% pour les TPE /PME. Nous garantirons
enfin la stabilité sur le quinquennat des mesures prises dès l'été 2017 pour
offrir de la lisibilité aux entrepreneurs.
Dernier
chantier auquel nous nous attèlerons dès notre arrivée aux commandes de la
France : nous accélèrerons considérablement le chantier de simplification des
normes et des pratiques administratives. Ce travail est un chantier de longue
haleine mais qui est crucial car il doit apporter une réponse au ras-le-bol
général des Français face à la complexité croissante de notre pays. Ce chantier
sera contrôlé directement depuis l'Elysée par une cellule de suivi des
réformes. Le gouvernement actuel a tellement pêché par des effets
d'annonce si peu suivis d'effet! La méthode sera cruciale pour redonner de la
crédibilité aux décisions politiques. Il faudra de la ténacité.
Il
existe un certain nombre de mesures qui sont utiles au secteur de l'hôtellerie
et de la restauration. Citons-en trois : Réductions Fillon, Crédit
d'impôts pour les Maîtres Restaurateur et l'Aide à l'embauche dans les PME.
Vont-elles perdurer ?
Tout à
fait. Les réductions d'impôt seront intégrées dans la baisse totale des
charges, de même que l'Aide à l'embauche des PME qui sera remplacée par une
mesure encore plus généreuse. Pour créer une dynamique d'embauches dès
septembre 2017, tous les recrutements effectués par une entreprise de moins de
10 salariés jusqu'à fin janvier 2018 seront totalement exonérés de charges
patronales pendant un an. Le Crédit d'impôt pour les Maîtres Restaurateurs sera
conservé le temps d'en faire le bilan.
Une autre
de mes propositions peut être très utile pour vous restaurateurs et hôteliers
qui avez des besoins en personnels faiblement qualifiés. Il s'agit des
emplois-rebonds qui permettent pour un coût complet de 7€ par heure pour
l'employeur de recruter une personne allocataire au RSA pendant 20 heures par
semaine et pour une durée d'un an. Le salarié touchera 5€ net et continuera de
bénéficier à plein de son RSA pendant ce temps. Si vous vous saisissez de cette
opportunité, vous permettrez à des publics éloignés de l'emploi de retrouver un
travail pour un coût par emploi qui sera très faible pour vous. Vous serez
libres d'embaucher à coût modéré une, deux, trois personnes en emplois-rebonds
selon la taille de votre entreprise. Les conditions de rupture seront souples
et vous pourrez basculer à tout moment votre salarié en contrat de travail
classique. Saisissez cette chance ! Ensemble, nous redonnerons un travail et
une dignité aux personnes les plus vulnérables. C'est cela aussi
l'innovation politique.
Les
entreprises françaises, dans leur ensemble, réclament la stabilité fiscale. Que
répondez-vous ?
Que leur
demande est hautement légitime et fondée après tant d'années d'incertitudes, de
modifications, de remises en cause incessantes. Nous intégrerons dans la
constitution le principe de stabilité fiscale. Un impôt ne pourra être modifié
(assiette et taux sauf en cas de baisse) plus d'une fois par mandat.
Y
aura-t-il ou non, si vous êtes élu à la Présidence de la République, une hausse
de la TVA ?
Absolument
pas. Nous nous refusons à toute hausse d'impôt quelle qu'elle soit. Après
des années de matraquage fiscal, il est grand temps de
cesser toute hausse fiscale et de tenir les baisses d'impôt par une réduction
des dépenses publiques. Augmenter la TVA, c'est la facilité qui a conduit à
tant d'erreurs politiques depuis 30 ans.
Le
secteur est confronté à de multiples problèmes de trésorerie et de crédit. Le
GNI, autre organisation patronale du secteur, réclame, par exemple, le
rallongement des crédits bancaires (7 ans à +). Jusqu'où un Gouvernement
peut-il agir ?
Les
problèmes de trésorerie se règlent à trois niveaux : en améliorant les marges
des entreprises -je l'ai évoqué, en favorisant un accès plus large aux
solutions de financement des entreprises. Pour cela, nous sortirons plus
largement du monopole de prêt des banques (utilisation plus large des prêts
inter-entreprises et des solutions de prêts participatifs).
Publié par Sylvie SOUBES