Comme vous le savez, la profession s'élève contre les dérives de
l'économie dite collaborative. Est-ce normal, qu'à activité similaire, les
règles varient ? Les avancées qui ont eu lieu ne sont pas suffisantes.
Quelles mesures mettrez-vous en place pour que les hôteliers, comme les
restaurateurs puissent travailler à « armes égales » ?
Nathalie Kosciusko-Morizet : Laissez-moi
d'abord vous rappeler la raison d'être de l'économie collaborative. La fin du
salariat est un mouvement profond qui traverse la société. Il est lié à trois
facteurs : tout d'abord, la jeunesse, qui n'a pas envie de hiérarchie, ne
souhaite pas le lien de subordination lié au salariat. Ensuite, la crise
appelle à plus de souplesse. Les personnes actives préfèrent aller vers plus de
souplesse que le contrat salarié. Enfin, la technologie nous pousse à passer
d'une économie de produit vers une économie de l'usage et de la prestation. Je
pose un constat lucide sur ce qui se passe. Ce changement de paradigme est en
cours, qu'on l'aime ou non. La faute du politique est de ne pas avoir vu
ce phénomène et d'avoir attendu le conflit avant de réagir par des
interdictions plutôt que des anticipations.
Ensuite,
vous avez raison : cela remet tout en cause, notamment l'essence même de
la protection sociale qui est assise sur les cotisations, ainsi que la
fiscalité du travail et du capital, si l'économie collaborative n'a pas à être
déclarée. Il est vrai que cela chamboule votre profession et crée une
distorsion de concurrence. Donc oui, les règles doivent changer. Cela
passe par exemple par le renforcement des contrôles et mesures sur l'obligation
de déclarer les revenus perçus – qui seront également soumis au financement de
la protection sociale- ainsi que la création d'un statut général du travailleur
indépendant.
Le tourisme est reconnu depuis peu comme un secteur économique à
part entière. Quelle place, quel 'ministère' doit-on lui accorder selon vous et
pourquoi ?
Aujourd'hui,
la question du tourisme est traitée par un secrétaire d'Etat rattaché au
Ministère des affaires étrangères. C'est un choix ; on aurait pu aussi le
rattacher à Bercy. Plus fondamentalement, je ne pense pas nécessaire de créer
un poste de ministre spécifiquement dédié au tourisme. C'est peut-être
gratifiant en termes de symbole, mais pas forcément si l'on cherche à être
efficace. L'expérience montre que ce type de secteur transversal est aussi bien
géré s'il est, en quelque sorte, sous-traité à l'intérieur d'un grand
ministère, dans le cadre d'une grande direction générale créée à cet effet, que
si l'on crée un ministère ad hoc avec un budget très modeste, qui aura beaucoup
de mal à se faire entendre pour défendre ses projets.
L'Umih a dénombré
que des centaines de normes et de règlements s'appliquaient aux entreprises de
l'hôtellerie et de la restauration, dont 90% emploient moins de 8 salariés. 50
nouvelles réglementations tombent tous les ans, soit environ 150 gestes
nouveaux pour l'exploitant. Votre sentiment ?
C'est
évident : notre pays est étouffé par l'inflation normative et l'insécurité
juridique. Faciliter la vie des entreprises par certes par plus de
flexibilité, notamment en réformant en profondeur le droit du travail. Je
propose de ne garder dans le Code du Travail que les dispositions d'ordre
public et de renvoyer tout le reste à des négociations par branche et au sein
des entreprises. Il faut également renoncer à une durée légale du travail et
réformer les seuils sociaux.
Quels sont les leviers à mettre en oeuvre pour préserver et
développer les TPE et PME qui sont vecteurs d'emploi,
non délocalisables ?
Par un
choc fiscal sans précédent de 100 milliards d'euros en faveur des entreprises. Je propose une baisse de 65 milliards sur le
travail et 35 milliards sur le capital. Avec une baisse des charges de 50
milliards d'euros, que je ne concentre par uniquement sur les petits
salaires mais sur toute la gamme.
Il faut
aussi baisser l'impôt sur les sociétés au taux européen(25%), augmenter le
plafond de l'IS réduit sur les PME-TPE et supprimer les impôts qui pèsent
justement sur la production : la C3S, la cotisation foncière des entreprises.
Du côté du capital, elle se concentre autour de la transmission d'entreprise,
avec un renforcement des dispositifs Dutreil et la sortie de l'ISF.
Il existe un certain nombre de mesures qui sont utiles au
secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Citons-en trois :
réductions Fillon, Crédit d'impôts pour les maîtres restaurateurs et aide à
l'embauche dans les PME.Perdureront-elles ?
Tout ce
qui peut stabiliser ou faciliter la création d'emplois est bon à prendre, donc
oui, je ne remettrai pas en cause ces dispositifs.
Les entreprises françaises, dans leur ensemble, réclament la
stabilité fiscale. Que répondez-vous ?
Les
variations fiscales sont très embêtantes pour les entreprises. Je veux
plus que de la stabilité fiscale. Ce sont des symptômes de notre incapacité à
faire naître, vivre, croître et durer en France un climat pro-business. Il
y a urgence à alléger la pression fiscale, parce que réussir ici ne doit pas
coûter plus cher qu'ailleurs.
Y-aura-t-il ou non, si vous êtes élu à la Présidence de la
République, une hausse de la TVA ?
Mon programme est équilibré et financé, notamment par des
baisses de dépenses publiques. Je n'envisage pas d'augmentation de la
TVA.
Les secteur est confronté à de multiples problèmes de
trésorerie et de crédit. Le GNI, autre organisation patronale du secteur,
réclame, par exemple, le rallongement des crédits bancaires (7 ans à +).
Jusqu'où un gouvernement peut-il agir ?
L'Etat
peut faire beaucoup pour créer un écosystème favorable et vertueux pour les
entreprises. En revanche, l'Etat ne peut pas tout faire ni se substituer au
travail des banques. Ce phénomène aboutirait à l'image d'une économie
administrée par le patronage bienveillant de l'Etat, qui n'est ni moderne, ni
efficace, ni cohérente avec cette nouvelle France que je souhaite faire émerger.
De
façon plus globale, je suis convaincue que la baisse massive et immédiate
des prélèvements pesant sur les entreprises, que je ferai voter en tout début
de mandat, résoudra en partie les problèmes de trésorerie évoquées et donnera
un sérieux coup de turbo à l'activité et l'investissement.
Publié par Sylvie SOUBES