Recettes de chefs anti-inflation

Augmentation des coûts des matières premières, de l’énergie, des salaires… L’inflation frappe de plein fouet l’univers de la restauration. Voici quelques astuces de chefs pour y faire face.

Publié le 14 mars 2024 à 10:00

- Répercuter (ou non) l’inflation

Thibaut Spiwack a profité de l’obtention de sa première étoile Michelin, en 2023, pour augmenter le prix des menus d’Anona (Paris) de 30 % : "On rognait sur nos marges. Cette augmentation nous a été reproché au début, mais les gens ont finalement compris".

Alain Fontaine, maître restaurateur à la tête du bistrot traditionnel parisien Le Mesturet, a procédé à plusieurs hausses, pour plus de discrétion : "Nous avons augmenté le prix des menus en deux temps : 5 % début 2023, et 5 % en octobre. Pour que nos menus à 35 euros restent attractifs, je pratique désormais des augmentations à la marge, moins visibles, sur le prix du vin, de l’eau minérale ou du café".

De son côté, Florent Ladeyn a choisi de ne pas "rentrer dans le cercle vicieux de l’inflation " : "Le menu est à 50 euros à l’Auberge du Vert Mont [son restaurant 1 étoile Michelin, à Boeschepe, ndlr] depuis dix ans, Top chef ou pas, étoile ou pas, inflation ou pas. Avec un menu à 50 euros, ça ne désemplit pas. Mes potes d’enfance et mes maraîchers peuvent venir manger chez moi. Je n’ai pas augmenté mon salaire, ni ceux de mes équipes, mais les bénéfices sont divisés avec elles. Il ne faut pas voir à court terme".

- Bien composer son assiette

La tendance est de faire la part belle au végétal, et de doser avec justesse la quantité de protéines animales. Alain Fontaine, constatant des retours sur ses faux-filets, a ainsi réduit les portions de 300 à 200 grammes de viande, sans modifier le prix du plat.

Autre approche pour Camille Saint-M'Leux, à la tête de la Villa9Trois, 1 étoile Michelin, à Montreuil. Pour son plat signature de paleron de bœuf fumé au thym, sauce encre de seiche et œufs de hareng fumé, le chef "limite le superflu" : "C’est vraiment un produit, une sauce, sans aucune garniture. Le produit est mis en avant de manière optimale. Le temps de dressage est court, tout comme la préparation. Ça limite les effectifs. L’idée, c’est de réduire le temps entre la poêle et l’assiette. Au début, ça a été compliqué pour la clientèle. Aujourd’hui, les gens viennent pour ça. "

- Se passer de certains produits ?

"Le poisson devient ultra-luxe, observe Thibaut Spiwack. Avant l’obtention de l’étoile et l’augmentation de nos prix, on était limité au maquereau. Aujourd’hui, on peut retravailler la sole ou la lotte, par exemple".

Camille Saint-M'Leux, pour sa part, a juste exclu la langoustine. Les autres produits d’exception (homard, turbot, chevreuil…) sont proposés à la carte (entre 58 et 64 €), en marge des menus (4 temps à 69 € et 6 temps à 89 €).

 

- Choisir des produits moins nobles ou moins coûteux

Camille Saint-M'Leux sélectionne des morceaux moins nobles comme le paleron de bœuf. Florent Ladeyn passe ses commandes à rebours de la demande : "En hiver, on travaille des viandes à griller, et l’été, des viandes à confire". Alain Fontaine privilégie, entre autres, les abats : au menu, cervelle de veau grenobloise, gâteau de foie de volaille, rognons ou tête de veau… "Du poumon de bœuf ne coûte que 4 euros le kilo. Les œufs parfaits ne reviennent pas cher non plus, tout comme la choucroute ou la mousseline de salsifis, à 2 euros le kilo. Pour remplacer la salade, j’utilise du chou blanc croquant : c’est moins cher et ça tient mieux", glisse-t-il.

- Travailler les produits entiers

Camille Saint-M'Leux achète uniquement des légumes non traités : "On n’épluche plus les légumes. C’est une économie et un gain de temps", juge-t-il. Alain Fontaine achète les bêtes entières : "Un agneau entier d’Île-de-France, cela coûte 12-13 euros le kilo, mais il faut des gens spécialisés qui savent cuisiner derrière".

- Anti-gaspillage

"Le fait de ne pas faire de gaspillage, ça fait une vraie différence, juge Thibaut Spiwack. Toutes nos épluchures et parures sont mises dans des bacs au frigo, et sont utilisées pour des jus. Avec des noyaux d’abricot ou de cerise, on fait des liqueurs. La farine de crustacés peut être utilisée comme topping pour un cocktail, les pieds de champignons comme condiment, le garum pour assaisonner les plats… C’est ludique, on peut en parler avec le client".

- Circuits courts

Florent Ladeyn travaille exclusivement avec des produits locaux, sans exception aucune : "C’est notre métier de cuisinier de faire avec ce qu’on a et de s’adapter." Et Alain Fontaine d’enchérir : "Je travaille des lentilles, des pois chiches ou du quinoa d’Île-de-France, de la truite arc-en-ciel de l’Essonne… J’évite au maximum les intermédiaires. Je gagne ainsi 7 à 8 % sur les prix, grâce aux circuits courts".

- Mode de cuisson

Florent Ladeyn cuisine beaucoup au feu de bois, et Camille Saint-M’Leux au charbon, "plus rentable que le gaz ou l’électricité".


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Publié par Violaine BRISSART



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