Comme bon nombre des établissements de restauration, la brasserie Mollard (Paris, VIIIe) a constaté une évolution des moyens de paiement de la clientèle ces dernières années. Aujourd’hui, le paiement se fait majoritairement par carte bancaire (85 %), peu en espèces (10 %) et quasiment plus par chèque (5 %).
Avec l’augmentation du paiement par carte bancaire, de plus en plus de clients intègrent le montant donc du pourboire dans la note. Par exemple, pour une note de 92 €, le client arrondi à 100 €. À la Brasserie Mollard, le pourboire représente entre 20 à 50 € par chef de rang qui effectue le service. L’entreprise n’a pas souhaité mettre en place un pot commun pour répartir les pourboires, “car le pourboire doit rester à destination de celui qui a servi la table”, précise Stéphane Malchow, à la tête de la brasserie.
À la fin du service, le relevé du chef de rang mentionne le montant de l’encaissement qu’il a réalisé en carte bancaire, chèques et espèces. Quand le chef de rang solde son addition, il entre le montant de son encaissement à savoir : addition 92 €, encaissement 100 €. La caisse enregistreuse déduit automatiquement les 8 € du montant payé en espèces. Si le chef de rang encaisse ses notes uniquement en carte bancaire ou chèques, les 8 € lui sont rendus sur son fonds de caisse. “Pour ne pas avoir de problèmes avec les additions, il ne faut pas que le pourboire soit encaissé par l’établissement. Il doit être versé immédiatement au salarié”, précise le patron de la brasserie.
Une pratique contestée par l’administration fiscale avant la loi
Cela fait plusieurs années que la brasserie Mollard a mis en place cette pratique du pourboire par carte bancaire. Lors d'un contrôle inopiné de l’administration fiscale, celle-ci note une discordance entre le montant des additions et des encaissements. L’exploitant explique que la différence entre l’addition et l’encaissement correspond au pourboire reversé au salarié. Mais pour le contrôleur, l’entreprise qui encaisse une prestation non facturée doit l’intégrer dans son chiffre d’affaires. Stéphane Malchow précise qu’il ne l’encaisse pas, car il le redonne aussitôt au chef de rang. La procédure va durer plus de dix-huit mois, pendant lesquels le chef d’entreprise a dû démontrer que ces “sommes discordantes” n’étaient pas remises en banque, mais bien remises au salarié bénéficiaire. L’entreprise ne sera finalement pas redressée.
Une pratique désormais autorisée…
Face à l’augmentation des paiements par carte bancaire, les organisations professionnelles du secteur des CHR ont demandé que les pourboires ne soient pas soumis à charges sociales. Le président de la République avait annoncé la mise en place de cette mesure au début de l’automne 2021. Finalement, la mesure sera mise en œuvre par l’article 5 de la loi de finances pour 2022. Cet article prévoit que les pourboires versés du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023 aux salariés qui perçoivent une rémunération inférieure à 1,6 smic sont exonérés de charges sociales et d’impôt sur le revenu.
“Cette loi garantit cette pratique régulièrement mise en place dans nos établissements”, précise Stéphane Malchow, qui n’a pas fait de grand changement sur ces caisses enregistreuses. Désormais, sur la note, il est mentionné “rendu 8 € pourboires”, avec une ligne supplémentaire qui apparait sur le bordereau en fin de journée.
Sergio, chef de rang depuis quinze ans dans la brasserie Mollard, se déclare très satisfait de la pratique : “À chaque fin de service, quand on rend nos caisses, on récupère nos pourboires versés par carte bleue. On n’a pas de problème ici pour récupérer nos pourboires. Mais je sais que certains patrons sont réticents car ils payent des commissions carte de bancaire sur le montant total de la note, y compris sur le montant des pourboires.”
… Mais pas nécessairement sécurisée
Si la loi prévoit désormais cette pratique, l’administration n’a en revanche pas publié de texte quant aux modalités pratiques de la déclaration de ces sommes d’argent, notamment en matière de déclaration sociale nominative (DSN).
Ces sommes d’argent devraient figurer sur la fiche de paie du salarié, même si ce dernier bénéficie d’une exonération de charges sociales. Mais rien n’est prévu au niveau déclaratif et il n’existe pas de code spécifique dans la déclaration DSN. Le GNI a effectué de multiples relances auprès du ministère du Travail afin d’avoir des précisions sur les modalités pratiques de cette déclaration. Relances restées pour le moment sans réponses.
Publié par Pascale CARBILLET