Thierry Marx : "Cuisiner, c'est donner de la mémoire à l'éphémère"

Paris (75) Chef étoilé du Sur Mesure, chef d'entreprise, créateurs de concept, chercheur en cuisine et à l'université, formateur et citoyen engagé avec Cuisine mode d'emploi(s), cuisinier médiatique... et maintenant écrivain de polar, Thierry Marx ne s'interdit rien.

Publié le 04 octobre 2017 à 12:19
L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ? 

Thierry Marx : À 10 ans, je voulais être boulanger. Finalement, j'ai commencé par la pâtisserie et très vite je suis passé à la cuisine, pendant mon tour de France. Je dois beaucoup à M. Genoux, MOF cuisine. Il me bluffait avec son col bleu-blanc-rouge. Il m'a fait comprendre que les rencontres comme les noms sur le CV sont importants. Un CAP pâtisserie et un CAP cuisine en poche, j'ai eu envie de reprendre des études en passant le brevet des collèges et j'ai poursuivi jusqu'au baccalauréat. Avant, on faisait au moins un an dans chaque maison. On se construit d'abord sur la cuisine d'un autre. Pour moi, ça a été Claude Deligne et Joël Robuchon. Ensuite, il faut aller chercher l'audace. C'est nécessaire pour durer.

Le plat de votre carte que vous préférez ?

Le Pressé de foie gras/anguille fumée 'Terre et estuaire'. C'est un vieux plat que j'ai remastérisé. À Cordeillan-Bages [où il est resté de 1996 à 2010 et a décroché 2 étoiles Michelin, NDLR], dans un esprit locavore, j'ai choisi le foie gras et l'anguille. J'ai posé le foie gras sur une plaque et, une fois cuit, je le goûte. Je m'aperçois qu'il avait cuit sur une feuille ayant servi avant à cuire les anguilles et le résultat était intéressant. On a donc creusé dans cette voie. Tout de suite, ce plat a été repéré par Gault&Millau. Il symbolise mon début de carrière, un plat commencé de façon totalement empirique. C'est un ancrage. Il faut se souvenir d'où l'on vient.

Quel est votre rapport à la notoriété, les médias ?

J'étais très content de faire Top Chef pendant cinq ans, puis j'ai eu envie d'autre chose, comme la série de documentaires produite par l'agence Capa Un chef en prison. Mon livre L'Homme positif, savoir être pour durer [paru aux éditions Michel Laffon, NDLR] sur le management a suivi, puis Les Carnets de Julie sur France 3, toutes les semaines, qui m'apportent énormément en connaissances et en compétence. J'ai aussi témoigné dans le documentaire réalisé par Réjane Varrod, diffusé mi-septembre sur France 3. Il s'appelle Cancre ? et pose cette simple question : comment construire sa vie quand l'école rejette le cancre que l'on est ?

Que représente pour vous votre travail avec Raphaël Haumont à l'université Paris XI ?

C'est la première chaire universitaire qui est dédiée à la cuisine du futur. Comment se projette-t-on dans la cuisine de 2050 ? Et comment améliorer la qualité de notre assiette ? Le bio, la permaculture, la gestion de l'eau… toutes ces problématiques m'intéressent. Depuis 2013, au sein du Centre français d'innovation culinaire avec Raphaël Haumont, enseignant-chercheur en physico-chimie, cette question anime ce que j'appelle un cerveau collectif, en permanente ébullition. La cuisine moléculaire, c'est un outil de compréhension, pas un style de cuisine. Nos axes de réflexion : structure, texture et émotions culinaires, outils nouveaux pour émotions culinaires nouvelles ou encore plaisir et bien-être. Mieux manger.

Qu'est-ce que la créativité, selon vous ?

C'est en se trompant qu'on trouve. La réalité de la créativité, c'est ça. En analysant ses erreurs, on trouve des éléments qui nous permettent d'avancer. Pour créer, il faut aussi travailler en R&D. Comment faire un soufflé sans blanc d'oeuf ? Il faut trouver un tensio-actif pour le remplacer. Tout le monde est, ou peut être, acteur de la créativité.

Et la cuisine ?

Cuisiner, c'est donner de la mémoire à l'éphémère. Ça me procure de l'adrénaline, du plaisir. J'ai toujours gardé le plaisir de cuisiner. Je peux dire qu'aujourd'hui je fais tout en m'amusant.

Quels sont vos moteurs ?

J'ai besoin du lien social, avec les élèves, les équipes, mais aussi avec les clients. Je fais toujours le tour de la salle. J'ai besoin de ce partage. Je suis convaincu qu'il faut toujours avoir un projet. L'idée d'être un entrepreneur, pour moi, c'est du développement. Ce qui m'excite le plus, c'est de réussir avec un maximum de gens.

Vous avez lancé en 2012 Cuisine mode d'emploi(s), où en êtes-vous ?

Partout, il y a des gens qui ont envie de changer de métier, des personnes au parcours accidenté qui ont été éloignées de l'emploi. Je leur demande : pourquoi voulez-vous devenir cuisinier ou boulanger ? Ils ont envie de redonner du sens à leur vie. Or, la force de nos métiers, c'est d'avoir du sens. Cela m'a pris du temps pour ouvrir la première école à Paris, avec le soutien de la mairie du XXe arrondissement. Aujourd'hui, grâce à la Fondation Cuisine mode d'emploi(s), et avec l'aide de Philippe et Véronique Carrion, tout est plus simple. Cinq écoles ont été ouvertes et des demandes ne cessent de nous parvenir, y compris de l'étranger. Deux sont déjà programmées pour 2018. Le problème, c'est qu'il faut du temps pour former des formateurs. 

Que proposez-vous aux élèves ? 

Une formation courte basée sur 80 gestes et 90 recettes, en petits groupes de 8 à 10 élèves, et en douze semaines, dont quatre en entreprise avec un tuteur. On ne peut pas apprendre au même rythme qu'il y a cinquante ans. L'outil numérique s'est mis au service de la main. Il faut former plus vite, en prenant en compte que les élèves évoluent plus vite et qu'ils partiront plus vite. Comme nos équipes. Tous veulent du sens et ne pas avoir un rapport sacrificiel au travail.

Au terme de cette formation, ils obtiennent un certificat de qualification professionnelle et surtout un travail. Depuis 2012, plus de 90 % de nos stagiaires ont trouvé directement un emploi. 

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À lire : On ne meurt pas la bouche pleine, de Thierry Marx et Odile Bouhier

Alors qu'à Tokyo deux cadavres d'hommes empoisonnés par une substance indécelable embarrassent la police japonaise, en France un commandant de la brigade criminelle est chargé d'élucider la mort d'un riche Japonais lui aussi empoisonné par un produit inconnu. Des deux côtés de la planète, des crimes qui, a priori, n'ont rien à voir, sauf que… Le commandant Simmeo, passionné d'art, découvre qu'ils sont liés par les yakuzas. Voilà la Crim' du 36, quai des Orfèvres obligée de travailler avec son homologue japonaise, aux méthodes bien différentes, pour coincer un coupable qui utilise la cuisine moléculaire pour parvenir à ses fins… Entre Paris et Tokyo, une sidérante plongée dans les eaux troubles de la gastronomie et de la science.

Editions Plon
En librairie : 5/10/2017
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Quelques plats du Sur mesure
 
Pressé de foie gras / Anguille fumée « Terre et Estuaire »

Soupe à l'oignon en trompe-l'oeil

Maquereau en camouflage

Saint-Pierre laqué / Pomme de terre de Noirmoutier & Olives Kalamata

Veau en « 3 façons » / Carotte & Rhubarbe / Poudre de vinaigre

Canette de Challans / Framboises & Oignons grelot

Homard / Déclinaison d'artichaut & Barigoule

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Le Sur Mesure en chiffres

Nombre de places assises : 40

Nombre de couverts par jour : 80

Ticket moyen : 220 euros

Menus à composer : (déjeuner, du mardi au vendredi : 4 plats: 85€ / 5 plats: 100€ / 6 plats: 120€ / 7 plats: 150€), le soir et le samedi midi : de 6 à 8 plats 6 plats: 190€ / 7 plats: 230€ / 8 plats: 250€

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L'équipe


Chef : Thierry Marx

Second de cuisine : Nina Haradji

Chef pâtissier : Adrien Bozzolo

Directeur de salle et chef sommelier : David Biraud
 
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Publié par Nadine LEMOINE



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