“Se soucier du développement durable dans un projet d’hôtel ou de restaurant, c’est aller jusqu’au bout de la logique.” Ce message est celui de nombreux designers, architectes, architectes d’intérieur sollicités sur des projets d’établissements. Dans cette “globalité” à laquelle ils font allusion, ils incluent les tenues, uniformes et accessoires des équipes. Car si l’on pousse un sourcing jusqu’à travailler des bois locaux ou se fournir chez des producteurs de proximité, il est de bon ton de suivre le même fil conducteur pour les vêtements des salariés. Car, non seulement, on joue la carte du ‘bon pour la planète’ sur une étiquette de jupe ou de veste, mais ce parti pris éthique permet aussi d’insuffler un état d’esprit, d’incarner un discours, de renforcer un positionnement.
La valorisation des savoir-faire locaux
S’habiller français coûterait plus cher. “C’est vrai”, reconnaît Nicolas Stamm-Corby, chef doublement étoilé de la Fourchette des ducs, à Obernai (Bas-Rhin). Mais ce surcoût se justifie par la qualité d’une matière, la justesse d’une coupe, la fluidité d’un vêtement que l’on porte tout au long d’un service. Pour ses équipes en salle, Nicolas Stamm-Corby a donc misé sur le savoir-faire traditionnel de la maison Bossert, à Strasbourg (Bas-Rhin). Celle-ci lui fournit robes et pantalons alsaciens, gilets col Empire avec broderies en soie lyonnaise et chemises en coton vosgien. Le tout sur mesure et porté dans un décor raccord, pour un effet bluffant sur la clientèle. Dans un autre genre, les équipes de l’hôtel MOB, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), reflètent, elles aussi, les valeurs de cet établissement 3 étoiles qui prône une ‘écologie sociale’. Ainsi tee-shirts, sweat-shirts et tabliers portés par les salariés de l’hôtel sont confectionnés par les artisans du Bouclard, une enseigne dont les ateliers de création se situent dans le Marais, à Paris (IIIe). À cela s’ajoutent des bleus de travail, made in France également, portés par les réceptionnistes de l’hôtel de Saint-Ouen. Un choix vestimentaire engagé que Cyril Aouizerate, fondateur du concept MOB, a instauré dès l’ouverture de ce premier établissement en 2017.
L’excellence des accessoires
À l’Hôtel de Crillon, à Paris (VIIIe), tenues et uniformes représentent un total de 280 pièces différentes. C’est Alexandre Germain, directeur Housekeeping, qui le dit. Toutes ne sont pas made in France, même si elles ont été dessinées par le créateur aveyronnais Hugo Matha. En revanche, c’est le cas de certains accessoires, à l’instar des gants en cuir, chapeaux - en feutre pour l’hiver, en paille pour les beaux jours - ou encore des plaids en laine et cachemire. Ils sont tous fabriqués dans l’Hexagone, “pour le savoir-faire unique des maisons sollicitées”. Alexandre Germain parle également d’une “recherche de l’excellence”, tel un signe de reconnaissance, pour ces pièces, comme pour toute la garde-robe du palace de la place de la Concorde.
Un axe de communication
Choisir le made in France relève donc d’un choix fort, d’un engagement. D’où l’envie, parfois, de le faire savoir, à l’image du chef triplement étoilé Alain Passard, dont la création des tenues de son équipe en salle a été confiée à Belleville Manufacture. Le chef de L’Arpège, à Paris (VIIe), a souhaité communiquer auprès des médias sur ce parti pris qui n’a rien d’anodin. Il mêle, en effet, fabrication française et circuit court, avec des ateliers de confection situés à Limoges (Haute-Vienne). Une proximité qui fait écho au ‘consommer local’ cher à Alain Passard. Belleville Manufacture a ainsi réalisé, sur mesure, des ensembles veste-gilet-pantalon et une série de tabliers pour les 13 membres de l’équipe en salle. Avec une variation pour les femmes : elles portent désormais des tee-shirts griffés SPL!CE. Cette marque, spécialisée dans le lin made in France, est commercialisée dans le showroom parisien de Belleville Manufacture, situé rue Française (Ier) : ça ne s’invente pas.
Sur la bonne voie…
Avec le développement durable qui s’invite dans la classification hôtelière, l’attribution des écolabels et celle des étoiles vertes du guide Michelin, pousser expertise et sourcing jusqu’aux uniformes ne relève plus d’un caprice ou autre phénomène de mode. Certes, le surcoût reste un frein, surtout pour les indépendants. Car certaines tenues peuvent être facturées jusqu’à trois fois plus cher que le prix d’un costume fabriqué en Asie. Mais l’heure est à la prise de conscience. Chez Logis Hôtels, on commence à réfléchir à ce sujet. Quant au groupe Paris Society, pour vêtir ses équipes des restaurants parisiens Girafe, Monsieur Bleu, Perruche, Piaf, Maison Russe, Gigi et Bambini, il sollicite la maison de tailleur Society Room, à deux pas de la Madeleine (VIIIe). Prises de mesures, choix des tissus, séances d’essayage et retouches sont réalisés sur place. Mais le made in France s’arrête là, car la confection a lieu en Italie. L’Europe plutôt que l’Asie : c’est un bon début.
Publié par Anne EVEILLARD