Après avoir misé sur les pizzas, Erwan Botrel a changé son fusil d’épaule en mariant depuis 2008 une cuisine de bons produits (viandes grillées, plateau de fromages à partager…) et des vins à prix caviste. Un pari gagnant pour le restaurant Chez Erwan, implanté dans le petit village yvelinois de Bourdonné, et mis en lumière par l’émission web C’est meilleur quand c’est bon. “Hier, il y avait pour 5 000 € de vin sur la table”, lâche le restaurateur.
Ici, pas de carte de vins. Les clients sont invités à se lever et à choisir eux-mêmes leurs flacons dans une cave affichant 800 références et 25 000 bouteilles en stock. Un droit de bouchon de 10 € est appliqué par rapport au prix initial de la bouteille. “On propose des bouteilles entre 16 € et 10 000 €. Le vin est en libre-service, cela donne moins de travail. Le soir, si besoin, un sommelier aide les clients à faire leur choix”, explique-t-il.
La clientèle – “à 80 % des amateurs de vins et des épicuriens” - adhère au concept. “Les gens se lâchent. Ils commandent davantage - quitte à rentrer en taxi - et de plus jolies bouteilles. Ça permet de monter en gamme et de déguster de grandes bouteilles à prix raisonnable. En moyenne, on compte, par personne, 30 à 35 € de bouffe (sic), et au moins 30 € de vin”, observe Erwan Botrel. Aujourd’hui, le restaurant affiche 1,8 M€ de chiffre d’affaires, dont 30 % grâce à la vente à emporter de bouteilles. “Les restaurateurs peinent à vendre du vin. Chez nous, c’est le moteur de l’activité”, se félicite-t-il.
Doubler le chiffre d’affaires de la cave
Chai33, niché au cœur de Bercy Village à Paris (XIIe), vient d’adopter une démarche comparable afin de fidéliser sa clientèle. Créé en 2002 dans d’anciens chais, le bistrot-restaurant de 400 places assises a toujours eu à cœur de rendre le vin accessible. Les clients se rendent dans la cave, en compagnie d’un sommelier, pour faire leur choix parmi 300 références. Le discours du sommelier se veut simple et dépourvu de notions techniques, tandis que les vins sont classés de manière ludique, “sous des thématiques inspirantes et non par région”. Depuis octobre dernier, les bouteilles sont proposées à prix caviste, moyennant un droit de bouchon de 10 €. “Avec mon frère, on s’est demandé ce qui pourrait rendre le vin encore plus accessible à tous aujourd’hui, explique Aurore Bégué, à la tête de Thierry Bégué Associés (Chai 33, O Deck à Nantes et Lombem à Paris). On a diminué en moyenne de 30 % les tarifs des vins sur table.”
Les effets se font d’ores et déjà sentir : “On a multiplié le chiffre d’affaires de la cave par deux. Il y a un report vers des vins plus chers. Les gens vont commander deux bouteilles au lieu d’une, ou encore faire un report sur le solide en commandant une entrée ou un dessert.” Et d’enchérir : “Quand on regarde ce qui se fait en Europe, les restaurateurs pratiquent plutôt des coefficients de l’ordre de 2 ou 3 sur le vin. En France, on va plutôt vers des coefficients de 3, 4 et au-delà. Cela n’a pas de sens. Les clients amateurs de vin connaissent le prix du vin. Ça les agace un peu de payer de tels prix au restaurant.” Une piste à suivre pour enrayer la baisse de la consommation de vin hors domicile ?
Publié par Violaine BRISSART
jeudi 7 mars 2024