du 13 septembre 2007 |
LICENCE IV |
MICROBRASSERIE
NINKASI : 'ÉCHEC ET MALT' LYONNAIS
Après avoir frôlé la mise en bière, la microbrasserie lyonnaise Ninkasi renoue avec la profitabilité, et fêtera, à la fin du mois, son dixième anniversaire. Le vaisseau amiral du groupe, installé depuis 1997 à Gerland, tisse sa toile dans la région Rhône-Alpes après avoir ouvert une 7e unité-satellite en juin.
Le Ninkasi Saint-Étienne, ouvert en octobre 2006. |
Christophe
Fargier, p.-d.g. du groupe et initiateur du projet Ninkasi, a la voix posée
de ceux qui ont su traverser des tempêtes sans lâcher la barre. Petit
flash-back : il y a une douzaine d'années, le jeune diplômé de l'école
de commerce stéphanoise ISGC brasse, dans le plus grand secret, des recettes
de bières dans le garage d'une petite maison de l'Oregon avec son complice
américain Kurt Huffman. Après s'être imprégnés
du succès des brasseries artisanales du nord-ouest américain, les deux
acolytes rentrent en France, lèvent 8 millions de francs, s'associent avec
Cécile Lapayre (devenue depuis Cécile Cristallini) et Vincent
Covolo. Ils ouvrent en septembre 1997, dans le quartier de Gerland à
Lyon, la microbrasserie Ninkasi, un établissement proposant de consommer de
la bière sur son lieu de production. L'enseigne de la société est
une référence à la plus vieille recette de bière élaborée
du temps des Sumériens.
Au 267 de la rue Marcel Mérieux, entre le
stade de Gerland, la halle Tony Garnier et le Palais des Sports, l'ancienne plateforme
du transporteur Bonnieux subit un important lifting. Le hangar de 1 000 m2
est scindé en deux, la partie pub (400 m2 sur 2 niveaux) a été
conçue pour mettre en valeur la partie brasserie (50 % du bâtiment).
Les débuts sont laborieux, mais
la Coupe du Monde de Foot de 1998 dope l'activité et assoit la notoriété
d'un site réputé pour ses bières artisanales, le bon rapport qualité-prix
de son offre de restauration, et surtout, sa programmation musicale.
Brassage de bière et
de culture
Devenu lieu incontournable
de la scène musicale lyonnaise, le projet culturel prend alors le dessus sur
l'activité de brasserie artisanale et provoque, en septembre 2000, l'ouverture
du Ninkasi Kao, une salle de concert construite en dur sur le parking qui
jouxte le pub-restaurant. Grâce à l'acquisition des murs du site de
Gerland et leurs hypothèques, les associés du groupe lèvent sans
difficulté de nouveaux fonds pour financer la construction de cette salle de
concert amplifiée de 580 places, qui dispose des meilleurs équipements
acoustiques. Des vedettes telles Diam's, Mathieu Chédid… se partagent
la scène avec des groupes inconnus. "Le Kao est un projet compliqué
à porter en raison des pertes de production liées au créneau difficile
des groupes émergents, explique le p.-d.g. Toutes les richesses produites
par le pub, la brasserie et le restaurant étaient absorbées par la salle
de concert."
|
Amitié ne rime pas toujours
avec profitabilité
Après un an d'exploitation hautement déficitaire,
les entrepreneurs lyonnais appellent au secours les pouvoirs publics. Une subvention
annuelle de 200 000 E leur est allouée. Le groupe Ninkasi injecte, pour sa
part, 100 000 E chaque année.
Pour produire de nouvelles sources
de revenus, la bande de Gerland décide
d'ouvrir
des cafés-satellite où seront commercialisés les produits artisanaux
de la maison mère. Le Ninkasi Ampère ouvre en mars 2002, Ferrandière
(le plus rentable à ce jour) en septembre 2002 et Opéra en janvier
2003. Kurt Huffman, l'ami et l'associé historique des débuts, prend la
direction des 3 établissements. "Un patron de café doit être
sur place en permanence pour travailler une clientèle et manager une équipe",
se souvient Christophe Fargier. La gestion de l'Américain se révèle
désastreuse, et les cafés créés pour apporter de l'eau au moulin
produisent l'effet inverse. Les pertes mettent même en péril l'avenir
du groupe. La séparation est inévitable et douloureuse. Kurt doit vendre
ses parts. Il quitte le groupe et rentre aux États-Unis fâché.
Hormis Kurt Huffman, l'équipe initiale reste la même. Ressoudés,
ils reprennent en main les cafés, montent un système inspiré de la
franchise, placent d'ex-salariés intéressés au capital "qui ont
la philosophie du groupe" dans les établissements. La profitabilité
revient et la croissance reprend. Le Ninkasi Gratte- Ciel de Villeurbanne
ouvre ses portes en octobre 2005.
Entre-temps, les brasseurs de bière et de
culture se lancent dans la production audiovisuelle. Les programmes de la Ninka
TV (interviews d'artistes, images de concerts…), créée en avril
2005, animent les écrans plasma des cafés-satellite, et font la promotion
de la maison mère.
Allez les verres !
En octobre 2006, ils ouvrent
avec leur nouvel associé, le chef stéphanois Stéphane Granger
(qui a quitté le groupe en juin 2007), le Ninkasi Saint-Étienne.
Dans l'immeuble Lignel qui hébergeait autrefois les locaux du journal Le
Progrès, en plein coeur de la capitale du Forez, place Jean-Jaurès,
le 6e site de la bande à Fargier occupe les deux tiers du rez-de-chaussée
qu'il partage avec le cinéma Le Méliès.
Sur 400 m2, une vingtaine
de salariés peuvent recevoir 150 personnes en places assises (400 avec le bar)
de 7 h à 2 h, avec la même philosophie que la grande soeur de Gerland
: "Faire de la qualité en étant accessible." L'arrivée de
Stéphane Granger à la tête de l'unité stéphanoise et
celle de Damien Beineix à Gerland, tous deux issus du monde de la
gastronomie, marque un virage dans l'offre de restauration qui devient plus élaborée.
Une nouvelle carte sera d'ailleurs dévoilée fin septembre.
La microbrasserie de Gerland brasse
la bière qui alimente les 6 autres unités de la chaîne et, depuis
le mois de juin, le Ninkasi Boulangerie, qui a ouvert ses portes dans le
VIe arrondissement de Lyon, produit le pain pour l'ensemble du groupe.
On trouve aussi dans ce café-snack-boulangerie les produits artisanaux commercialisés
par nos jeunes entrepreneurs (bières, jus de fruits, cafés…). Cette
7e unité est bien entendu dirigée par un ancien employé
de la maison mère.
De gauche à droite : Vincent Covolo, Christophe Fargier, Cécile Cristallini et Sébastien Dubost. |
La petite chaîne qui
monte, qui monte
En 1997, Christophe Fargier
brassait lui-même 800 hl de bière par an. Aujourd'hui, les 2 ingénieurs-brasseurs,
diplômés de l'université de Louvain-la-Neuve en Belgique, qui lui
ont succédé, assurent une production multipliée par quatre avec des volumes proches des 3 500 hl
par an, dont 10 % embouteillés (2 500 fûts de 12,5 l, 30 000 bouteilles
de 75 cl et 5 000 fûts de 30 l). Des chiffres qui ne rassureront pas les grands
brasseurs. "Ils ne nous ont jamais mis de bâtons dans les roues. Ils ont
simplement dit au démarrage que nous nous casserions la figure", s'amuse
Christophe Fargier.
En plus de ne pas être chères, les
bières de Gerland sont bardées de prix. La Rousse a obtenu une médaille
d'or au concours agricole de Paris et l'Ambrée a reçu l'argent et le
bronze au même concours.
Ils étaient 10 en 1997. Dix ans
plus tard, c'est plus de 200 feuilles de paye qui sont imprimées tous les mois
(correspondant en réalité à 100 postes à temps complet).
Christophe, Cécile et Vincent, presque altruistes lorsqu'ils défendent
l'essence culturelle de l'aventure, restent des commerçants : "Pour notre
10e anniversaire, l'entrée du pub-restaurant et de la fabrique de
bière sera réunie avec celle de la salle de concert Kao dans un complexe
unique. Des espaces seront aménagés afin de préserver la pluralité
de notre clientèle : espace lounge, restaurant en mezzanine isolé du bruit
des concerts du café en rez-de-chaussée… Nous nous équiperons
dans deux ou trois ans d'un nouveau système de brassage afin de traiter de
plus gros volumes. Nous rêvons d'exporter notre savoir-faire, non pas dans
d'autres régions françaises, mais plutôt à l'étranger,
peut-être dans des pays de l'Est", conclut avec enthousiasme et prudence
le précurseur de cette success story lyonnaise, dont le sacre sera célébré
fin septembre.
La direction du groupe annonce sept
jours de fête, du 23 au 29 septembre, pour souffler les 10 bougies du groupe.
Les travaux vont bon train sur le site de la maison mère à Gerland et
ne devraient s'achever que quelques jours avant les festivités.
Les agapes se déclineront quotidiennement
de manière thématique : quiz sur l'histoire de la brasserie, journée
images avec les partenaires de la Ninka TV, atelier familles, journée artisanat
et quelques surprises. Comme pour chacun des précédents
anniversaires, le week-end sera consacré à la musique, aux groupes et aux DJ.
L'entrée sera gratuite pour l'occasion. Affluence garantie.
François
Pont zzz46a
Ninkasi
Gerland
267 rue Marcel-Mérieux
69007 Lyon
Tél. : 04 72 76 89 00
Ninkasi
Saint-Étienne
10 place Jean-Jaurès
42000 Saint-Étienne
Tél. : 04 77 32 57 16
Ninkasi
Boulangerie
75 rue Bellecombe
69006 Lyon
Tél. : 04 72 74 91 29
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L'Hôtellerie Restauration n° 3046 Hebdo 13 septembre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE