28 septembre, 10 heures du matin : les couloirs du Lutetia, à Paris (VIe), sont désertés. Les deux bars sont fermés. Pour prendre un café, il faut traverser le rez-de-chaussée pour rejoindre la brasserie, quasi vide. L’hôtel vient de rouvrir ses portes, mais à l’instar des 5 étoiles et des palaces de la capitale, il est en quête de clients. Les internationaux ne sont pas au rendez-vous et tous les Parisiens ne peuvent pas débourser 10 € pour un soda. Les temps sont difficiles pour les hôteliers, et pas seulement pour ceux du secteur du luxe. Au 25hours, situé juste en face de la Gare du Nord (Xe), le taux d’occupation n’a pas dépassé les 15 % en septembre. Et pour cause : télétravail oblige, la clientèle d’affaires effectue nettement moins de navettes en Thalys ou Eurostar.
Une saison estivale à deux vitesses
Les hôtels urbains souffrent et ceux de la capitale en particulier. Le Comité régional du tourisme Paris Île-de-France a enregistré un manque à gagner de 6,4 milliards d’euros au premier semestre 2020, avec 14,3 millions de touristes en moins dans la capitale et sa région. “À partir du mois de juin, le contraste entre l’Île-de-France et la province a commencé à émerger, avec sur ce seul mois une baisse de 88 % de la fréquentation en Île-de- France par rapport à 2019, contre 67 % en province, selon l’Insee”, indique la 43e édition de l’étude annuelle du cabinet KPMG France sur L’Industrie hôtelière française, rendue publique le 6 octobre. Celle-ci parle d’une saison estivale “à deux vitesses”, entre “le désert parisien” et le rebond dû à la tendance ‘consommer en France’, observé sur les littoraux, à la campagne et à la montagne.
“Un rebond toutefois rapidement freiné, dès la fin du mois d’août, avec un regain d’inquiétude vis-à-vis du contexte sanitaire”, nuance l’étude. Pendant ce temps, les charges courent, à commencer par les loyers. Certes, PGE et chômage partiel sauvent les meubles. Mais pas chez tous les hôteliers. L’ampleur des dégâts et des déficits dépend “de la localisation, de la gamme et de la solidité financière de chaque propriétaire et exploitant”, souligne encore l’étude de KPMG. De même source, rien que pour les palaces parisiens, qui rouvrent progressivement depuis septembre, “les pertes pour 2020 sont estimées à plus de 70 % du chiffre d’affaires annuel”.
30 000 emplois menacés
Dans un tel contexte, les vagues de licenciements risquent de se succéder. Une récente enquête, menée par le GNI, fait état de 30 000 emplois menacés dans l’hôtellerie. À cela s’ajoute la fin des embauches d’extras, alternants et stagiaires. “Les jeunes diplômés et les étudiants en quête de stage ou d’apprentissage sont dans l’urgence”, confirme Valérie Bisch, dans une tribune. Fondatrice du cabinet de recrutement Tovalea Executive Search, elle constate également un retour des expatriés, “conséquence des plans de licenciement des grands groupes à l’international”.
Alors à quand le bout du tunnel ? Le cabinet KPMG pointe “des risques de faillites en 2021” contrebalancés par “une vision à deux ans (horizon 2022 – 2023) positive”. Mais pour cela “les tourismes de loisirs et d’affaires européens seront indispensables pour soutenir l’hôtellerie française qui, à plusieurs reprises dans le passé, a su témoigner de sa résilience”, explique Stéphane Botz, associé et directeur national Hospitality chez KPMG France. D’autres lueurs d’espoir viennent du côté des architectes et architectes d’intérieur : Marc Hertrich, à la tête du studio MHNA, confie avoir repris, depuis peu, plusieurs chantiers d’hôtels, qui avaient été stoppés durant le confinement.
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Publié par Anne EVEILLARD