Pendant le confinement, des voix envisageaient que la crise sanitaire pourrait rendre notre société meilleure. Que demain plus rien ne serait pareil. Une envolée lyrique qui laisse pantois Mouloud Boussaid. Ce restaurateur qui exploite trois affaires dans le très festif quartier Ramey, à Paris (XVIIIe), a repris ses activités le 2 juin dernier : “Les clients se sont rués chez nous. J’ai obtenu deux contre-terrasses pour mes restaurants qui se jouxtent : Le Troquet et l’Annexe. Par contre, je n’ai pas ce droit pour ma pizzeria voisine, car les riverains, même pendant le confinement ont poursuivi les actions contre moi. Ils ont même obtenu un droit de végétalisation du trottoir pour empêcher l’installation de tables. Pour moi, rien n’a changé, c’est même pire.”
Outre les riverains qui font la grimace ou la météo qui s’emballe, l’entrepreneur s’est retrouvé confronté, dès son premier jour d’activité, aux sombres souvenirs d’avant la crise sanitaire. “Le 2 juin, la police nous a avertis qu’une centaine de jeunes violents se dirigeaient vers nos terrasses en provenance du Palais de justice, où ils avaient manifesté pour Adama Traoré. Nous avons baissé les rideaux à 22 h 50 avec une grosse perte de chiffre d’affaires. En plus, j’ai été gazé en rentrant mes chaises”, se désole, fataliste, le quadragénaire.
Des réouvertures aussi attendues par les riverains
À quelques centaines de mètres de là, le son de cloche est bien différent car chaque lieu est singulier. Choukri Chamkhia exploite la plus belle terrasse de Montmartre, place Emile Goudeau. “Les riverains m’imploraient de rouvrir. Je recevais tous les jours des SMS. En fait, le 11 mai, le pavé de la place était envahi par des groupes de jeunes fraîchement déconfinés qui se retrouvaient pour des pique-niques sauvages et alcoolisés. C’était noir de monde. Tous les matins, la place était recouverte d’ordures et de bouteilles.” L’exploitant évoque une affiche, collée sur la porte de l’immeuble où loge son restaurant en rez-de-chaussée, implorant le calme : “Des enfants habitent ici !”, y est-il rappelé. Alors, lorsque le Relais a rouvert le 2 juin, c’était presque sous les applaudissements. Une terrasse peut aussi pacifier la voie publique !
Avenue des Gobelins (Paris, XIIIe), beaucoup de cafés ont encore leur rideau fermé. La météo maussade des derniers jours n’engage pas les professionnels à extraire leur personnel du chômage partiel. Un petit restaurant aligne une dizaine de tables peu fréquentées sur trois rangées à côté du métro. “Ils ne servent pas de cafés, uniquement du thé et des boissons fraîches, et pas au tarif comptoir !”, se plaignent des clientes qui estiment avoir assez souffert financièrement de la crise du Covid-19 pour ne pas se voir infliger le prix majoré en terrasse.
L'humeur des clients s'assombrit en même temps que la météo
“À l’ouverture, les clients faisaient preuve de beaucoup de compassion et nous encourageaient mais, en peu de temps, ils se sont plaints des prix, du voisin qui fume, du froid et de l’absence de plaids pour des raisons sanitaires, de ne pas pouvoir lire le journal dont nous devrions désinfecter les quarante pages à chaque prise en main, voire refusaient de mettre un masque pour aller aux toilettes”, raconte un serveur du quartier des Gobelins.
“Nous ne pouvons pas laisser entrer les clients sans masques au Relais et nous n’avons pas les moyens de fournir cet accessoire à nos frais. Donc pas de masque, pas de toilettes. On le dit poliment mais fermement”, explique également Choukri Chamkia, qui reconnaît la difficulté de la situation. Alors plutôt que la chimère d’un monde meilleur, les restaurateurs parisiens espèrent une météo moins maussade pour stimuler le retour d’activité et de la bonne humeur sur les terrasses, en attendant la réouverture des salles souhaitée bien avant le 22 juin.
terrasse #Covid-19# #Réouverture# Covid19
Publié par Francois PONT