“Mon comptable m’informe que ma marge brute s’est détériorée de façon assez nette et subite. Comme nous n’avons changé ni nos prestations, ni nos fournisseurs, il suggère que le problème pourrait éventuellement venir du vol dans les stocks. Est-ce possible et à quel point pourrait cela influer sur mes résultats ?”
Le vol ou ‘le coulage’, terme souvent utilisé dans la profession, est un fléau récurrent dans un certain nombre d’établissements, surtout ceux où il y a un déficit de contrôles ciblés réguliers qui auraient pu mettre en exergue des dérives. Le vol peut prendre une multitude de formes, parfois insolites, souvent inattendues, mais qui laissent un goût très amer une fois débusquées.
Comme beaucoup d’employés peuvent avoir accès à la caisse, les espèces sont évidemment un aimant. Cependant, si les caisses sont soigneusement contrôlées, parfois plusieurs fois par jour si nécessaire et surtout lors du changement d’équipe, les risques sont sensiblement réduits. Toutefois, depuis quelques années, comme les volumes d’espèces diminuent, les possibilités de voler s’amenuisent également.
- Ventes multiples avec un seul ticket
Cependant la double, triple, quadruple (voire plus) utilisation d’un seul ticket de caisse pour ‘vendre’ plusieurs fois la même prestation est toujours de l’ordre du jour, surtout dans des établissements à haut-débit en ‘limonade’. Le serveur ou la serveuse prend une commande pour deux cafés par exemple et quand le client règle l’argent encaissé est remis dans la caisse. Mais la personne qui a servi récupère le ticket de caisse non-déchiré et le réutilise pour les prochains clients qui commandent les mêmes boissons. Cette fois-ci l’argent est à nouveau récupéré mais au lieu d’être encaissé il est empoché par l’employé.
Si l’exploitant n’opère pas un rapprochement entre les produits achetés et les produits vendus, il ne se rend compte de rien. Et même avec des rapprochements, il est difficile de démasquer cette pratique. Pour la contrecarrer, l’exploitant doit imposer de déchirer tout ticket de lors du paiement. De surcroit, l’exploitant peut, en cas de soupçon, vérifier l’heure sur le ticket de caisse utilisé pour un encaissement. À titre d’exemple, lors d’un contrôle dans une brasserie un dimanche après-midi à 15 h 50, il a été constaté que le ticket de caisse avait été émis à 13 h 17 et réutilisé plusieurs fois depuis. En indiquant au serveur qu’il y avait discordance entre l’heure du ticket et l’heure réelle, il a aussitôt proposé un nouveau ticket !
- Le signal d’alerte : la détérioration brutale de la marge
Mais dans votre cas, il semblerait que votre comptable intime éventuellement le vol des matières premières, marchandises ou boissons.
Avant de commencer d’imaginer par qui, quand et comment des vols auraient pu être réalisés, il est essentiel de bien contrôler ou recontrôler que vos chiffres d’affaires par secteur (solides et liquides), ainsi que vos achats et inventaires sont justes. Si tous les chiffres sont justes et les marges ne correspondent pas aux marges attendues, il se peut que vous soyez victime du vol de matières premières ou marchandises.
Le vol est souvent détectable si pour aucune raison la marge se détériore brutalement après avoir été linéaire depuis longue date et que cette détérioration correspond, par exemple, à l’arrivée d’un nouveau membre du personnel (même si rien n’indique ouvertement que le problème émane de cette personne).
Il est rare que le vol soit flagrant. Une caisse de champagne volée d’un seul coup est nettement plus visible que douze bouteilles du même champagne qui disparaissent sur une période étalée. Idem pour des éléments des réserves sèches, morceaux de poissons ou viandes qui sont enlevés régulièrement plutôt qu’un train de côte de bœuf qui disparait entre les services du midi et du soir.
- Les moyens de lutte préventive contre le coulage
Étant donné que constater le vol flagrant est une chose difficile, il faudrait essayer de le prévenir plutôt que de le guérir.
Dans cette lutte préventive, il y a nombreux axes à favoriser :
- un contrôle régulier des marges avec un tableau de bord adapté ;
- des accès restreints à nombre limité d’employés aux lieux de stockage (surtout la cave ou la réserve des alcools) ;
- des inventaires réguliers avec des inventaires surpris non planifiés si les soupçons subsistent ;
- un rapprochement régulier entre les achats et les ventes. Par exemple, si la consommation de beurre augmente sensiblement sans qu’il n’y ait une augmentation du nombre de couverts, il est certainement pertinent de surveiller cet article ;
- de même pour le restockage de la cave du jour. S’il est fait simplement en remplissant ‘les trous vides de la veille’ sans jamais tenir compte des ventes inscrites sur la bande de caisse, le vol est facilité pour l’employé malhonnête ;
- des contrôles ostensibles et inopinés qui indiquent que vous surveillez de près ce qui se passe chez-vous
Un exemple : dans un établissement en Bretagne, l’amélioration de la marge a été flagrante et rapide suite :
- aux contrôles minutieux des bons de livraisons et factures des produits achetés par le chef, en poste depuis quinze ans, qui ont démontrés qu’il y avait des achats de matières premières qui ne figuraient pas dans les cartes et menus mais qui ont été commandés pour son usage personnel à la maison
- à la tenue journalière d’un tableau de bord qui indiquait, à stock ‘constant’, la marge en temps réel ;
- des inventaires surprise en présence et hors présence du chef
Dans ce cas il y a eu une amélioration de presque 10 points la marge brute en seulement deux mois.
Le vol est une pratique de certains qui laisse planer le soupçon sur tout le monde. Il est malheureusement nécessaire d’accepter que cela peut se produire chez-soi, mais il est également vital de faire face. N’ayez pas peur d’agir, vous serez certainement gagnant car dans tous les cas, le vol influe directement et rapidement sur votre marge.
Publié par Christopher TERLESKI
