Ça vous est arrivé : "J'ai dû changer le nom de mon restaurant pour éviter une procédure judiciaire"

Alors qu'ils s'apprêtent à ouvrir Le Hardi, un restaurant de croque-monsieur au coeur de Bordeaux, Martin Pfeiffer et ses associés se voient dans l'obligation de ne pas utiliser ce nom, qu'ils ont pourtant déposé à l'Inpi. Une société italienne a en effet enregistré un nom semblable et les menace d'une procédure judiciaire.

Publié le 09 février 2018 à 13:09
Martin Pfeiffer, 24 ans, se faisait une joie d'inaugurer son premier restaurant, créé avec Kevin et Alain Meiar, deux frères ayant déjà un établissement à Bordeaux, le Mélodie, où Martin a travaillé. Fin 2016, le restaurant n'est pas encore ouvert lorsqu'ils entament les démarches auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) pour déposer le nom Le Hardi. "Il a une belle signification et sonne typiquement français ! Nous voulions enregistrer notre marque pour être serein en cas de développement. Deux semaines avant la fin des travaux, qui nous stressaient déjà beaucoup, nous avons reçu un courrier d'un cabinet bordelais spécialisé dans le conseil en propriété industrielle, brevets et marque. Datée du 11 janvier 2017, la lettre nous indiquait que son client, le torréfacteur milanais Caffé Hardy, a déposé son nom dans toutes les classes gravitant autour de leur activité, y compris la restauration, en Europe. Si nous ne changions pas de nom, nous nous exposions à une procédure judiciaire", raconte Martin Pfeiffer. "Les avocats ont accès à la base de données de l'Inpi. Pour savoir si un nom est déposable ou pas, il faut consulter un avocat, ce que nous n'avions pas fait pour limiter les frais", précise-t-il. Ironie du sort : le restaurant Hardy, que l'acteur Tomer Sisley a ouvert à Paris, ne rencontre aucun problème, car il n'a pas déposé ce nom.

Du temps et de l'argent partis en fumée

"Au début j'ai eu envie de me battre. C'était dur de se dire qu'il fallait repartir de zéro. J'ai voulu contacter directement la société italienne, mais un avocat me l'a déconseillé car cela aurait pu se retourner contre nous. Deux avocats nous ont recommandé de ne pas insister : nous étions face à un gros cabinet et allions perdre à coup sûr. Nous avions un mois pour répondre. À la date butoir, nous avons signifié que nous étions d'accord pour cesser d'utiliser notre nom", détaille Martin Pfeiffer. Les associés avaient consacré un budget de 15 000 € à la communication. Ils avaient fait graver des verres au logo du Hardi, imprimé 20 000 stickers et des flyers, acheté l'enseigne… Le restaurant ouvre malgré tout fin février 2017 sous le nom litigieux. Les mois passent, sans nouvelles du cabinet, que les associés rappellent en mai. Des courriers ne leur sont pas parvenus. La saison s'achève, et un autre courrier arrive le 20 septembre, montrant des photos qu'un avocat a pris lors d'un déjeuner incognito. La lettre insiste sur le fait que tous les éléments au logo du Hardi doivent être supprimés. "Nous avons alors entamé les travaux pour transformer le restaurant. Ce fut un marathon, le soir après la fermeture et lors des coupures. Un ami graffeur avait réalisé une fresque du logo, il fallait tout repeindre. Nous avons passé trois semaines sans enseigne, mais n'avons fermé qu'un seul jour. Il a aussi fallu effectuer les modifications sur les plateformes de livraison et Tripadvisor - qui a accepté de ne pas fermer la page et de ne pas supprimer les anciens commentaires." Une dernière lettre vient d'arriver, demandant justement la suppression de toute trace du Hardi sur internet.

Une occasion d'ajuster le concept

Désormais, place aux Drôles, un terme du Sud-Ouest désignant des jeunes. "Nous avons pensé à ce nom car nous sommes les plus jeunes restaurateurs de la rue. Après ces premiers mois, nous connaissions bien la clientèle et en avons profité pour faire évoluer notre concept. Nous avons gardé les croque-monsieur et proposons des assiettes au format tapas pour 5 €, des accompagnements à 1 €. Nous avons également introduit le service en salle alors qu'avant, tout se passait au comptoir. Et j'accentue l'association mets-vins", indique Martin Pfeiffer. Avec 50 places, le restaurant réalise un ticket moyen de 13 € le midi, et 20 € le soir. "Psychologiquement cette aventure a été lourde, mais nous a permis d'enlever nos oeillères pour réorienter le concept, et je m'amuse plus avec cette nouvelle formule", conclut-il.

#CaVousEstArrive# #INPI# #Droles#

Publié par Laetitia Bonnet Mundschau



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