Le 13 novembre 2015 à 23 h 32, Cécile Helleu et Nicolas Sfintescu sont en plein service dans leur restaurant L’Amarré lorsqu'une fusillade vise la terrasse voisine du restaurant la Bonne Bière à Paris (XIe). Cinq clients y perdent la vie. Le couple de restaurateurs a depuis quitté la capitale pour Vannes (Morbihan). “La question ne s’est pas posée lorsque nous avons transformé une ancienne maison de maître de Vannes en restaurant. Il n’y avait pas de terrasse. Si ça avait été le cas, sans doute aurions-nous eu une difficulté avec ça”, convient Cécile Helleu.
Le vendredi 13 novembre 2015, lorsque les balles sifflent rue de la Fontaine au Roi, elle a d’abord cru à des pétards. Mais rapidement, les gens se sont réfugiés dans leur établissement, dont la terrasse était vide ce soir-là. Une vingtaine de personnes passent la nuit entassées dans un couloir étroit, au-dessus du restaurant. Un souvenir traumatisant qui provoque quelques mois plus tard des problèmes cardiaques chez la restauratrice puis lui inspire la publication d’un livre : Luck. “J’avais déjà écrit des livres. Celui-là, je voulais qu’il paraisse le 13 novembre de l’année suivante. J’avais besoin de raconter ce que j’avais vécu”, explique l’ancienne publicitaire, auteure de trois romans, qui travaillait le jour dans de grandes agences comme Publicis et a exploité le soir, de 2009 à 2014, un bar à vins. Cette affaire est devenue le restaurant L’Amarré : “Nous étions dans un réseau d’amis restaurateurs qui mangeaient les uns chez les autres : Yves Camdeborde, Thierry Coué, Éric Fréchon, Rodolphe Paquin ou encore le chef Thierry Breton. Toute cette bande de restaurateurs nous a inspirés avant même de nous lancer.”
Cécile Helleu est mariée depuis vingt ans avec le musicien Nicolas Sfintescu, ancien leader du groupe Nôze. Le couple partage la même passion pour la cuisine. “Autodidacte, Nicolas a suivi une formation chez Ducasse d’où il est sorti avec une mention d’excellence !”
“Fuir le traumatisme pour pas qu’il nous rattrape”
Le couple, viscéralement lié à la Bretagne, envisageait de partir depuis quelques temps. Les événements dramatiques de 2015 rendent le départ vital. Le projet de jeter l’ancre à Vannes a été motivé par la nécessité de se reconstruire mais aussi par le besoin de revenir aux sources. De leur vie d’avant, il leur reste le manque lié aux amitiés parisiennes et un nom, celui de L’Amarré. “Nous avons conservé le nom de notre établissement parisien. Pourtant, ce qui nous relie le plus avec le souvenir traumatisant du drame, ce sont les clients. Avant de venir, ils aiment savoir où ils vont. Ils font des recherches sur internet et tombent sur notre histoire. Lorsqu’ils nous posent des questions, désormais, nous éludons”, confie Cécile Helleu. Elle convient que le traumatisme peut inconsciemment influer sur son activité. “Nous avons une façade discrète, pas de terrasse donc. Le lieu est conçu comme un refuge, pour autant, nous n’avons pas des sorties de secours partout. Quand on est victime, on vit avec le sentiment d’être une cible. On recherche l’anonymat. Nous redoutons toujours les feux d’artifices et le bruit des sirènes”, conclut-elle.
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Publié par Francois PONT