C'est le cas d'Isabelle et Marie Werck, à la tête d'Un tout petit monde, une rôtisserie-épicerie fine-restaurant située à Marseille. Les deux soeurs, qui travaillent ensemble depuis près de vingt ans, ont monté trois affaires successives. "C'est notre père qui nous a initiées à la cuisine. Nous avons le même amour des fourneaux et la même vision dans notre business. Et surtout, on s'entend très bien", note Marie Werck. Entre elles, la complémentarité est de mise. "Nous avons réparti les tâches de manière naturelle. Je m'occupe de l'aspect commercial, Isabelle fait la comptabilité. En cuisine, je m'occupe plus du sucré, elle du salé. Comme je préfère le contact avec les clients, je passe en salle. On est complémentaires, mais on fait des concessions, bien sûr", poursuit la restauratrice.
Autre point positif : les entreprises familiales sont animées par une forte motivation, et privilégient souvent une gestion prévoyante afin de s'inscrire dans la durée.
Mais la gestion d'un tel business n'est pas toujours évidente. Les dissensions d'ordre privé (un divorce, par exemple) risquent d'entraver le bon fonctionnement de la société. Inversement, des désaccords professionnels pourront détériorer les relations familiales. "Le challenge est de gérer beaucoup d'affectif tout en restant rationnel", estime Émilie Bonamy.
Les règles d'or
Aussi faut-il se poser les bonnes questions et mettre en application certaines règles pour que l'aventure ne tourne pas au vinaigre.
Tout d'abord, comme pour toute entreprise, ne vous lancez pas à la légère. "Une affaire peut couler en un an si le projet n'est pas bien établi. La fragilité financière est un vrai problème. Je pense que les premières disputes viennent généralement de là", prévient Marie Werck.
Mettez l'accent sur la clarté, la communication et l'organisation. Les choses doivent être dites, les tâches bien réparties et l'ensemble bien structuré. N'ayez pas peur de vous interroger régulièrement sur le fonctionnement du dispositif mis en place et de faire le bilan des problèmes rencontrés. Pour éviter les dérives et réglementer les relations des membres de la famille avec l'entreprise, certains dirigeants de PME vont jusqu'à établir des chartes. Ces dernières permettent de clarifier différents points, et notamment le rôle des conjoints : il peut ainsi être décidé qu'un conjoint devra revendre ses parts en cas de divorce ou d'abandon du domicile familial.
Les liens du sang ne doivent pas concurrencer les compétences et le mérite de chacun. Les traitements de faveur sont à proscrire. Par exemple, mieux vaut que la 'fille de' fasse ses classes ailleurs, avant de rejoindre la société familiale. Elle n'en sera que plus expérimentée et légitime.
Dissocier les aspects professionnels et familiaux est une autre règle d'or. "Il faut arriver à changer de casquette. On peut convenir qu'on ne reparlera pas du travail de retour à la maison, et que tous les sujets personnels seront évités sur le lieu de travail", glisse Émilie Bonamy.
Par ailleurs, les scénarios de crise doivent être envisagés. "Supposons qu'un frère veuille vendre et l'autre continuer. Il faut avoir prévu cette éventualité, pour que cela ne mette pas en péril l'entreprise familiale. Il faut donc réfléchir en amont aux problèmes éventuels et aux solutions pour y remédier", remarque Émilie Bonamy.
Enfin, la succession s'avère une phase particulièrement sensible, comme le souligne la consultante : "Il arrive que les choses se compliquent quand on passe aux générations suivantes. Il faut bien préparer cette période, sans mettre trop de pression sur les enfants, en étant attentif à leurs envies et à leurs talents et en évitant de créer des rivalités ou des jalousies… Mieux vaut se faire accompagner par quelqu'un d'extérieur pour qu'il puisse comprendre les enjeux spécifiques de l'entreprise."
Publié par Violaine BRISSART
vendredi 18 décembre 2015