Didier Chenet : Comme je l'ai expliqué, nous avons décidé de travailler ensemble sur les sujets majeurs de la profession et de parler alors d'une seule voix. Cette alliance nous permet aussi d'être la première force représentative des palaces avec des établissements à Paris, Megève, Courchevel… Le prestige représente une gamme à part, qui demande à être défendue de manière spécifique. Nous avons aussi le même type d'adhérents : des entreprises patrimoniales indépendantes.
Pour vous, la France est confrontée à plusieurs crises et la profession en particulier…
D. C. : Nous sommes face à une crise économique, à une crise de confiance et des vocations. Dans notre secteur, s'ajoute un facteur aggravant : le système a été bouleversé par l'arrivée d'Internet. L'économie virtuelle a pris le pas sur le réel et de nouvelles difficultés sont apparues. Nous ne sommes pas contre les OTA, mais ces intermédiaires ne doivent pas s'emparer de notre outil de travail. Or, c'est en partie ce qu'elles font. Et puis je vous rappelle que les contrats que nous signons avec elles ne dépendent pas de la juridiction française. Nous devons nous battre pour que ce soit la juridiction française qui soit compétente en cas de litige. Est-ce normal, autre part, qu'un site, qui n'est pas immatriculé en France, signe un contrat de promotion avec une ville ? Nice l'a fait. Bordeaux serait en passe de le faire. Nous allons écrire à son maire, Alain Juppé, pour connaître sa position... D'un point de vue économique, nous sommes confrontés également à la flambée des loyers, des taxes fiscales et parafiscales. Le relèvement du taux de TVA pour les hôteliers est une double peine : en cinq ans, pour eux, le taux de TVA aura été multiplié par deux. En ce qui concerner la restauration, nous avons obtenu un même taux de TVA pour toutes les formes de restauration. C'était une demande légitime. Or, à quel taux seront les sandwichs vendus en grande surface au 1er janvier ? La restauration doit évoluer dans une saine concurrence. Nous avons aussi été, dans notre secteur d'activité, particulièrement impactés par la refiscalisation des heures supplémentaires et demain, ce sera la réintégration de la part patronale des mutuelles… Sans parler de la mise à mal de tout ce qui concerne la prévoyance et la mutuelle.
Quel regard portez-vous sur la restauration ?
D. C. : Voyez-vous, pour attirer de nouveaux clients, la première chose, c'est la transparence sachant que 88% des consommateurs veulent savoir ce qu'il y a dans l'assiette, 55% ne font pas confiance aux restaurateurs alors que 40 % des touristes étrangers viennent pour la gastronomie. Nous devons rétablir la confiance et pour cela, valoriser ceux et celles qui travaillent les produits bruts. Le Fait Maison, c'est une reconnaissance du produit brut, mais ce label ne sera valable que s'il est rendu obligatoire. Nous faisons tout, actuellement, pour que les députés rétablissent son caractère obligatoire. Concernant les allergènes, notre position est différente. Que le client veuille être sûr que de pas être allergique à ce qui lui sera servi me semble tout-à-fait normal. Faisons preuve de bon sens en incitant les clients à nous signaler les produits auxquels ils sont allergiques et formons le personnel et les chefs à cette problématique. En revanche, vouloir tout écrire en cuisine et sur la carte n'est pas du tout raisonnable. Cessons de tout vouloir réglementer par l'écrit quand d'autres choses sont beaucoup plus adaptées et faisables.
Si je vous dis, freins au développement, à quoi pensez-vous, là, tout de suite ?
D. C. : Il faut 'sécuriser' les terrasses. Elles représentent souvent 30% du CA et font partie intégrante de l'image du bistrot. Ca fait partie du paysage de nos métiers, dans tous les petits villages de France. Il faut que le droit de terrasse soit maintenu lorsqu'il y a changement d'exploitant, que l'antériorité soit reconnue. Nous étions à deux doigts d'aboutir il y a deux ans… D'autre part, comment peut-on accepter que des Tour Opérateurs proposent une étape à Paris et emmènent ces mêmes touristes le week-end à Londres pour faire du shopping parce que chez nous, les magasins sont fermés le dimanche. Internet ne ferme pas à 19 heures, ni le dimanche. Nous avons des gouvernants qui n'ont pas compris que nous allons mourir si les horaires des commerces n'évoluent pas en fonction de la société. A l'heure où le président de la République a décrété le tourisme cause nationale, allons-y, arrêtons de nous mettre des freins systématiques.
Publié par Propos recueillis par Sylvie Soubes