L'application de la méthode des coefficients multiplicateurs peut conduire à une répartition des prix déséquilibrée. Plusieurs vérifications peuvent être effectuées en utilisant les principes d'Omnès à titre d'information et non de règle absolue de réussite. Vous trouverez dans la présentation de chaque principe des exemples d'offres qui sont de vraies réussites commerciales et qui, pourtant, ne respectent pas les principes d'Omnès.
• Premier principe : l'ouverture de la gamme de produits
"À l'intérieur d'une gamme de produits (entrées, poissons...), le rapport entre le prix le plus haut et le prix le plus bas ne doit pas excéder 2,5 ou 3 si la gamme est longue (plus de neuf plats). Il s'agit ainsi d'offrir un éventail de prix correspondant à la clientèle ciblée et elle seule. Si l'éventail de prix est trop large, la clientèle aura du mal à situer le niveau de l'addition moyenne qui caractérise le restaurant."
Ce principe focalise l'expérience du client et le contenu du bouche à oreille sur le niveau de prix du restaurant alors qu'aujourd'hui, l'ambiance, la relation avec le personnel, la capacité de l'établissement à s'adapter à la situation du client sont primordiaux. N'oublions pas que c'est le client qui décide du budget qu'il souhaite consacrer à son repas. Le principe peut donc être interprété avec une certaine latitude. Parmi les formules qui connaissent un certain succès, on peut citer :
- le prix unique, par exemple 5,9 € pour tous les desserts. Il faut en effet que la différence de prix entre les plats soit perçue par le client comme une différence de prestation, ce qui n'est pas évident pour les desserts. C'est pourquoi l'ouverture de la ligne des desserts varie généralement entre 0 et 2 ;
- les cartes courtes pour les plats principaux, par exemple 6 plats de 12 à 21 €, soit une ouverture de 1,75. Généralement, plus le premier prix est élevé, plus l'ouverture est faible ;
- une ouverture importante pour des gammes à prix faible, par exemple de 2,3 à 8,5 € (ouverture de 3,69) pour les entrées lorsque le nombre de plats est important. Mais on rencontre aussi des lignes courtes à faible ouverture, par exemple de 5,3 à 8,4 €.
• Deuxième principe : la dispersion des prix
"À l'intérieur d'une même gamme, parmi trois tranches de prix - basse, moyenne, haute -, la tranche médiane doit comprendre un nombre de références au moins égal au total des références proposées dans les tranches basse et haute. En concentrant l'offre sur la tranche médiane, ce principe a pour but de donner au client une image homogène des prix pratiqués par le restaurant."
De nombreux restaurants connaissent un incontestable succès sans respecter ce deuxième principe, la tendance étant d'offrir un choix plus large dans la gamme basse qui, à elle seule, peut parfois comprendre plus de plats que les gammes médiane et haute réunies. Cette pratique tient compte d'une demande plus sensible aux prix mais permet au client de se faire plaisir en choisissant des plats plus chers qui devront vraiment se différencier par la qualité des produits travaillés, la présentation ou le service. Des répartitions 10-3-3 (10 plats en début de gamme, 3 en milieu de gamme, 3 en haut de gamme) ou 9-4-2 sont fréquentes aujourd'hui et donnent satisfaction. Dans les lignes à faible prix et à faible ouverture, la répartition a peu d'importance car les écarts de prix sont forcément limités.
• Troisième principe : la mise en avant
"La mise en avant de produits (plats du jour, suggestions...) doit être centrée sur des plats qui se situent dans la zone médiane de chacune des gammes."
Les plats du jour ou les suggestions sont au contraire le moyen d'innover, de proposer au client de nouvelles expériences de produits et de prix en fonction des situations perçues par le restaurateur. Par exemple, l'offre pourra être sensiblement différente, le midi, le soir, la semaine, le week-end. Il en est de même des menus dont le prix était considéré comme devant être égal à la somme des prix moyens de chaque gamme. Le succès des 'formules' montre que de nombreux restaurateurs ont déjà abandonné ce principe. On rencontre de nombreuses formules à 15 € le midi alors que l'addition des prix moyens de la carte est proche de 30 €.
Exemple
Un restaurateur élabore sa nouvelle carte des plats principaux. Il a réalisé la fiche technique de chaque plat et a déterminé les règles de modulation des coefficients multiplicateurs :
coût matière inférieur à 3 € : coefficient 3,5 ;coût matière compris entre 3 et 5 € : coefficient 3 ;coût matière supérieur à 5 € : coefficient 2,5.
1. Détermination des prix de vente (TTC) arrondi à une décimale. Le coefficient permet d'obtenir le prix hors taxes.
Plats principaux |
Coût matière (€) |
Coefficient |
Prix TTC (€) |
Plat 1 |
1,8 |
3,5 |
7,5 |
Plat 2 |
2,1 |
3,5 |
8,8 |
Plat 3 |
2,9 |
3,5 |
12,1 |
Plat 4 |
3,4 |
3 |
12,2 |
Plat 5 |
3,9 |
3 |
14 |
Plat 6 |
4,7 |
3 |
16,9 |
Plat 7 |
5,8 |
2,5 |
17,3 |
Plat 8 |
6,2 |
2,5 |
18,5 |
2. Vérification des principes d'Omnès
Étendue : 18,5 ÷ 7,5 = 2,47, conforme au principe
Dispersion :
Étendue des tranches : (18,5-7,5) ÷ 3 = 3,67 €
• tranche 1 de 7,5 à 11,17 : 2 plats
• tranche 2 de 11,17 à 14,84 : 3 plats
• tranche 3 de 14,84 à 18,5 : 3 plats
Le plat 6 devrait passer en tranche 2 en diminuant son coût matières ou son coefficient. Cet exemple montre que la répartition finale des prix dépend de la répartition des coûts matières et que la méthode des coefficients multiplicateurs (approche basée sur les coûts) et les principes d'Omnès (approche basée sur la perception du client) sont complémentaires.
• La méthode des coûts cibles (des prix aux coûts)
La méthode des coefficients multiplicateurs est souvent critiquée comme toutes les méthodes qui utilisent les coûts par les spécialistes du marketing qui préfèrent partir du prix acceptable par le client déterminé soit par référence aux prix de la concurrence, soit par enquête. Partir des prix n'exclut pas de vérifier la viabilité économique de la décision. C'est l'objet de la méthode des coûts cibles : dans sa conception initiale, la méthode consiste à concevoir le produit de façon à ce que les coûts de production soient compatibles avec le prix que le client acceptera de payer.
Exemple : Un restaurateur fixe le prix du plat du jour à 11 € (par rapport à la concurrence, au positionnement choisi…) => l'objectif de coût matière est de 32 % => coût cible : 11 x 32 % = 3,52 €. Le restaurateur doit choisir les produits et concevoir la recette de manière à ce que le coût matière ne dépasse pas le coût cible.
Publié par Jean-Claude Oulé, auteur du Blog des Experts
mercredi 25 mai 2016