Gaby Benicio et Amélie Darvas (Aponem) : "On gagne tous le même salaire" (à écouter en podcast)

Vailhan (34) Les deux restauratrices ont quitté Paris il y a quatre ans pour s'installer à Vailhan, un village de 150 habitants, où elles ont ouvert le restaurant Aponem. Elles ont mis en place une organisation de travail égalitaire, peu fréquente dans l'hôtellerie-restauration. Rencontre.

Publié le 07 juin 2022 à 14:29

L’Hôtellerie Restauration : Depuis quatre ans, vous avez mis en place un modèle de travail et de vie pour vous et vos équipes différent de ce qu’on a l’habitude de voir. En quoi consiste-t-il ?

Gaby Benicio et Amélie Darvas : Nous passons pour des ovnis dans le monde de l’hôtellerie-restauration où tout est hiérarchisé, calibré, sectorisé, avec des échelons bien précis. Nous estimons que ce monde est terminé. Qu’il faut ‘décalibrer’, prendre l’imperfection, accepter les différences et donner la même importance à tout le monde. C’est ce que nous avons mis en place chez Aponem. Nous avons une vision humaniste avant tout. Nous redonnons de l’autonomie et de la responsabilité à nos collaborateurs. Cela ne convient pas à tout le monde, aussi, il est fondamental d’adhérer au projet. Nous sommes installés dans un village de 150 habitants, nous y compris. Cela demande un engagement personnel fort et de l’organisation. Les gens [qui travaillent avec nous] sont là parce qu’ils en ont envie. On est presque dans une concentration monacale, il n’y a pas de distraction. Aponem ne peut pas être un boulot alimentaire. C’est un projet de vie. L’histoire nous dira si nous avons raison. On espère vivre longtemps.

 

Concrètement, comment ça se passe pour vous et vos employés ?

Ils sont nourris, logés et blanchis. Nous payons les factures d’eau et d’électricité et nous avons mis une laverie à la disposition de tout le monde. Nous louons trois maisons et il y a le presbytère pour que chacun puisse avoir son espace. Les collaborateurs n’ont aucune facture à payer. Tout le monde a le même salaire, du plongeur au chef, nous y compris. Il n’y a pas de petit pouvoir chez nous, pas de petit chef. Tout le monde a la même importance. Ça n’a aucun sens pour nous qu’un plongeur soit moins rémunéré qu’un sous-chef. Cela ne correspond pas à notre vision du monde. Nous ne faisons pas non plus de différence par rapport à l’ancienneté des uns et des autres. On le sait, on ne sera jamais riches. Nous travaillons pour un projet de vie, pas pour gagner de l’argent. Côté service, nous étions à trois jours de repos consécutifs avant le Covid mais après la crise nous sommes passés à 3,5 jours de repos consécutifs. Toute l’équipe [12 personnes, NDLR] travaille ensemble, les mêmes jours. Ce qui nous fait six services par semaine, avec deux coupures et quatre soirs de libre.

 

Quels sont les principaux reproches que vous pouvez formuler face au système actuel ?

Le système est ringard et contre-productif. Toute cette hiérarchie déresponsabilise les gens, cela crée des microsystèmes de domination. À quoi bon travailler comme ça ? Cela nous mène vers une faillite absolue des ressources humaines. Ça empêche les gens de rêver. Et que devient-on si on ne peut plus rêver ?

 

Quelle est la plus grosse difficulté que vous rencontrez avec cette organisation ?

L’équilibre économique. Il ne faut pas de no show. C’est un modèle économique très fragile. Nous aimerions avoir un peu plus de marge. On n’est pas ici pour gagner de l’argent, c’est sûr. Nous venons d’augmenter les prix parce qu’on ne pouvait plus faire autrement. Tous les produits viennent de chez nous, on est en bio. On respecte les gens qui travaillent avec nous. Mais tout cela a un prix.

 

Certains de vos collaborateurs se sont déjà opposés à votre vision des choses ?

Aucun collaborateur ne s’est opposé à ce système. Nous essayons de nous réunir an maximum pour désamorcer les conflits. Il faut qu’on soit bien pour pouvoir nourrir les autres, donc on parle beaucoup, sans tabou. Nos recrutements ne se font que sur candidature spontanée. C’est que les gens ont envie d’être là.

 

En quoi cette organisation vous permet d’être plus libre ?

On vit la même vie que nos employés. S’ils travaillent moins, nous aussi. Si tout le monde s’épanouit, nous aussi. On partage les rêves, on travaille dans la positivité, c’est ça notre liberté. On nourrit les gens, donc c’est très important d’être positif. Sinon ça passe mal et on digère mal.

 

#Aponem# attractivité talents 


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Publié par Romy CARRERE



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