Le premier guide Michelin dédié à la Californie vient de sortir. Il compte 7 restaurants 3 étoiles pour un total de 90 étoilés. « La scène culinaire californienne, à la fois avant-gardiste et décontractée, est en plein essor, notamment grâce à la mise en valeur de formidables produits locaux », dit Gwendal Poullennec, directeur international des guides Michelin. Le premier atout de la Californie, c’est la richesse de ses terroirs. « Ils ont des fermes, de l’élevage, des produits de la mer sur toute la longueur du territoire et les vins. Une richesse qui se retrouve quasiment nulle part ailleurs, souligne-t-il. C’est une grande puissance agricole qui procure aux restaurateurs une facilité d’accès à des produits locaux de grande qualité. Au premier chef, la cuisine californienne se définit déjà par ses produits ». Ce que confirme avec humour le chef Wolfgang Puck, à la tête d’une centaine de restaurants dont Spago et Cut à Los Angeles : « Nous avons les meilleurs produits. New York a de très bons restaurants mais nous les approvisionnons avec les produits que nous n’utilisons pas. Quand je suis arrivé en Californie dans les années 80, c’était catastrophique. Puis il y eu une prise de conscience grâce aussi aux chefs qui ont travaillé main dans la main avec les éleveurs et les agriculteurs pour faire de la qualité. Nous avons tout ici sur place ». « Ils ont acquis le même respect des produits que chez nous en Europe, si bien que la qualité est en constante augmentation. », estime le chef José Andrés (voir encadré).
La Californie qui a exporté son avocado toast, ses salades de céréales, son chou kale, sa prédilection pour le régime végétarien et vegan, son sans gluten, sans OGM, sans produits laitiers, etc. démontre qu'elle est aussi, du nord au sud, une destination gastronomique d'une très grande richesse grâce à une offre unique de cuisines du monde et aux influences qu'elles exercent entre elles. « Il y a tellement de cultures différentes qui se côtoient en Californie que cela se retrouve dans la très grande diversité des cuisines et des saveurs, reconnaît Ludovic Lefebvre, restaurant 3 Mec à Los Angeles, 1 étoile Michelin, installé depuis 20 ans outre-atlantique. Les clients sont très ouverts et on peut tout oser ». « Indiens, mexicains, japonais, éthiopiens, coréens, français… la Californie est un melting pot, la rencontre de l’est et de l’ouest où se sont épanouies les cuisines du monde entier. Et c’est ce que Michelin a reconnu dans sa sélection », complète José Andrés.
Deuxième atout : les hommes. Si les écoles de cuisine ne forment pas aux métiers de salle, elles procurent chaque année un nombre important de nouveaux collaborateurs en cuisine. Côté recrutement, José Andrés reconnaît qu’il est aussi difficile de trouver des collaborateurs sur la Côte Ouest que sur la Côte Est : « Les temps ont changé. On ne peut plus demander à quelqu’un de se former pendant 10 ans en passant par tous les postes en cuisine. Tout va plus vite. Ils ne veulent pas attendre non plus pour avoir de bons salaires dans les restaurants gastronomiques ». Même constat pour Ludovic Lefebvre : « On a les mêmes problèmes qu’en France. Il faut fidéliser les équipes et cela passe par un management positif qui encourage. Tous les 6 mois, j’augmente mes collaborateurs. L’étoile Michelin est une superbe motivation pour les équipes. »
« Lorsque l’on regarde le profil des étoilés, ce sont en grande partie des gens qui ont été formés dans des restaurants de Californie», pointe Gwendal Poullennec. Cette destination a les talents, les savoir-faire, les produits, et…la clientèle ! Elle est importante, dispose d’un fort pouvoir d’achat et elle est exigeante. Elle fait attention à ce qu’elle mange ainsi qu’au développement durable, elle connaît les produits. Une exigence qui tire les restaurants vers le haut ».
« Nous avons la meilleure clientèle, dit Wolfgang Puck, qui organise notamment le dîner des Oscars à Hollywood. Les stars les plus connues sont ici et leur pouvoir d’influence est énorme. Si Kim Kardashian dit qu’il faut manger des épinards, 10 millions de followers mangent des épinards. En Californie, cela fait longtemps que les clients fait attention à leur santé et à leur ligne en étudiant leur assiette. La tendance végétarienne et bio a pris naissance ici et cela s’est disséminé dans le monde entier notamment par les réseaux sociaux ».
La très bonne santé de l’économie locale favorise celle du secteur. Quant aux dépenses touristiques dans le Golden State, elles se sont élevées à 132 milliards de dollars en 2017, générant 10,9 milliards de dollars de recettes fiscales nationales et locales, indique Visit California, organisme de promotion de la Californie. Aussi le dynamisme de l’économie n’a d’égal que celui des professionnels. « Ce sont de vrais entrepreneurs, souligne Gwendal Poullennec. Ici l’économie du restaurant est très saine. La Californie a le plus faible taux de fermetures de restaurants d’une année sur l’autre des Etats-Unis, parce qu’économiquement, ils arrivent tous à vivre. C’est une économie en développement, qui se porte bien, donc ils ont une clientèle importante. Ils arrivent à faire des restaurants de grande capacité qui tiennent la qualité dans la durée. Ce sont des entreprises solides. C’est étonnant de voir le nombre de couverts qu’ils arrivent à envoyer avec une qualité constante à la fois sur la dimension des salles et sur les multiples services. C’est une approche très business de la restauration mais qui est efficace ».
La restauration est à l’image du dynamisme de la région. En une dizaine d’années, la qualité de l’offre est montée en puissance de façon impressionnante. « La Californie est devenue une grande puissance gastronomique. On a 90 étoilés dans ce tout premier guide Californie, indique le patron des guides Michelin. C’est une scène gastronomique récente dont il émane une certaine liberté. Il n’y a pas modèles qui se sont imposés. La cuisine californienne s’est développée certes avec des influences techniques venues de l’étranger, mais qui a su s’adapter à ses clients, à ses produits et en appliquant ses idées. On a des chefs qui ont vécu leur projet à fond comme ce restaurant où l’équipe est quasi entièrement féminine (Niki Nakayama au N/NAKA de Los Angeles, 2 étoiles), d’autres totalement locavores, etc. » Un autre avantage considérable souligné par Gwendal Poullennec : "iIs ont des chefs de portée internationale qui sont des communicants et qui sont positionnés de façon authentique sur des thèmes d’avenir comme l’agriculture locale et durable et le côté healthy. Et ils en font un cheval de bataille".
Cela fait beaucoup d'atouts pour une région du monde, qui comme le dit José Andrés, est "toujours sous le regard du monde entier car c'est elle fait toujours rêver les entrepreneurs". Et pour Michelin, "vu la richesse de l’offre gastronomique et son réel potentiel, c’est l’une des dix principales destinations gastronomiques de la planète".
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Publié par Nadine LEMOINE
mercredi 12 juin 2019