Le graffiti est dans l’ADN du Molitor, à Paris (XVIe). En 1989, lorsque la piscine ferme, les graffeurs investissent les lieux. En 2014, l’établissement devenu hôtel-restaurant rouvre, conservant l’univers du street art en fil conducteur. Il propose une exposition permanente d’une centaine d’œuvres, des expositions temporaires sur plusieurs semaines, ainsi que des ateliers autour de l’art et du graffiti. “Le but était de créer un lieu de vie où l’on peut manger, dormir, voir de l’art… Dans ce type de projet, il faut du sens : ici, cela s’inscrit dans la continuité historique du lieu. C’est une plus-value pour notre image, nous sommes reconnus différemment d’un établissement hôtelier. Cela nous permet de communiquer autrement, via des revues dédiées à l’art, par exemple”, souligne Silvia Randazzo, directrice artistique du Molitor.
L’établissement dédie un poste à plein temps à la gestion de cet aspect artistique. “Si une personne - ou une agence - ne s’en occupe pas spécifiquement, cela peut devenir compliqué à gérer. D’une part, la logistique est importante - organiser la scénographie de l’exposition, les vernissages, prévoir les assurances spécifiques, communiquer… - et d’autre part, cela implique d’avoir un réseau et de le développer”, ajoute-t-elle.
Pauline Pousin, l’assistante du directeur de l’Art Hôtel à Tours (Indre-et-Loire), confirme : “Cela nécessite du temps et de l’argent. Nous proposons une galerie d’art dans l’hôtel, dans une salle de réception polyvalente. L’hôtel est parfois privatisé, et l’exposition n’est pas toujours pertinente par rapport au thème de la privatisation. Si le client le demande, nous devons tout démonter puis remonter. De fait, il nous faut constamment communiquer sur les horaires et les jours de visite de l’exposition, qui sont changeants”, explique-t-elle. Elle gère avec le propriétaire - dont la femme est artiste-peintre - de nombreux aspects liés à l’organisation d’expositions d’artistes locaux. Chaque exposition - à raison de trois par an – nécessite d’engager des frais de communication, de publicité, pour la création d’un catalogue… soit au moins 1 000 €, et le double si un vernissage est prévu.
Impliquer le personnel
Au Molitor, les expositions temporaires sont installés dans le lobby - lieu de passage accessible en permanence, et sous surveillance. L’établissement n’organise plus de résidences d’artistes, qui mobilisaient des espaces jusqu’alors non-commercialisés. L’art à l’hôtel n’a pas vocation à être rémunérateur. Les commissions sur les ventes d’œuvres sont faibles. Le bénéfice est ailleurs, sur l’image, la notoriété. “Lors des journées du patrimoine en 2018, nous avons accueilli 2 100 visiteurs. Les vernissages permettent de toucher différentes populations : les invités de l’artiste ou du galeriste ne seraient pas forcément venus à Molitor. Ils découvrent le lieu. Nous invitons notre clientèle d’habitués, ils apprécient cette forme de reconnaissance. Les clients hébergés sont également conviés : c’est une expérience différenciante, moins intimidante que de franchir la porte d’une galerie. Et nous captons aussi une clientèle de niche : des amoureux de l’art urbain, des collectionneurs”, énumère Silvia Randazzo.
“Nous accueillons jusqu’à 350 personnes lors des vernissages. Nous faisons ainsi découvrir l’hôtel aux invités”, renchérit Pauline Pousin, qui voit dans l’art l’occasion d’animer le lieu, d’en faire une attraction touristique en soi, et de bénéficier d’un rayonnement local. Pour le personnel, c’est aussi positif. “Il est important d’embarquer tous les collaborateurs, car nous faisons de la médiation culturelle. C’est une fierté pour les équipes de connaître les artistes, de parler des œuvres. Cela change de leur quotidien”, confirme Silvia Randazzo. Entre le personnel et les clients, d’autres discussions s’engagent et les rapports évoluent.
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Publié par Laetitia Bonnet Mundschau