La nature et l'activité du bail commercial sont des questions essentielles lorsque le CHRD vient à être exploité dans un local commercial.
Ainsi, si un commerçant souhaite exploiter une activité de restauration chaude (que ce soit un restaurant traditionnel ou un kebab), un karaoké ou une discothèque alors que le bail ou le règlement de copropriété ne prévoit qu'une autorisation de restauration hors nuisances, il devra :
- demander l'autorisation au bailleur d'adjoindre une nouvelle activité ou une activité supplémentaire si le bail interdit les nuisances olfactives ou sonores ;
- demander au bailleur de solliciter du syndicat des copropriétaires une assemblée générale pour une modification du règlement de copropriété, si le règlement de copropriété empêche d'exercer une telle activité (par exemple : cave en sous-sol mentionnée dans un règlement de copropriété alors que le commerçant en a fait une cuisine avec extraction qui existe depuis dix ans).
Augmentation de loyer
À cette occasion, le bailleur demandera très souvent une augmentation de loyer, et ce d'autant que la nouvelle activité va, en principe, permettre au commerçant de dégager un nouveau chiffre d'affaires. C'est par exemple le cas d'un restaurant qui réalise d'importants travaux d'agrandissement de la salle sur l'emprise de l'arrière-cuisine, entraînant un gain de surface de 20 m² et de décloisonnement d'un bureau transformé en zone de vente de 5 m² et de réduction du sas d'accès aux sanitaires utilisés par la clientèle, permettant un gain de surface de 3 m² exploité en bar : ces travaux dégagent de l'espace pour la création de couverts supplémentaires, et donc une zone de vente supplémentaire de 28 m². Ils exigent l'autorisation du bailleur, qui demandera également le plus souvent une augmentation de loyer pour changement d'affectation partielle des locaux.
Si l'établissement exploite certaines activités non autorisées par le bail, le bailleur ou le règlement de copropriété, il risque :
- un procès de la part du bailleur qui demandera :
• l'acquisition de la clause résolutoire, en d'autres termes la résiliation du bail. Le bailleur le demandera le plus souvent en référé, c'est-à-dire très vite, et le fera constater dans les deux à trois mois en moyenne (le délai moyen d'une affaire en référé) ;
• des dommages et intérêts aux torts et à la charge exclusifs de l'établissement, correspondant le plus souvent au montant des loyers restant à courir jusqu'à la fin du bail commercial.
- des sanctions supplémentaires : fermeture administrative temporaire ou définitive de l'établissement par le préfet, intervention de la Sacem et de la SPRE en cas d'utilisation de musique afin de recouvrir les droits qui peuvent s'élever à des sommes conséquentes auxquelles seront appliquées des majorations et des pénalités ;
- des sanctions pénales éventuelles : amendes lourdes, voire fermeture de l'établissement si une infraction a été notamment commise dans l'établissement.
Exemple : des clients sortant d'une discothèque ou d'un restaurant dansant, participent à une rixe causant des blessés ou des morts aux alentours de l'établissement alors que cette activité n'était pas autorisée. Le fait pour une discothèque d'avoir fait danser des personnes sans activité autorisée est susceptible de ces sanctions. Dans le cas d'un restaurant, le simple fait d'avoir fait danser des clients au moins deux fois pourra faire requalifier l'établissement en discothèque et lui faire encourir des sanctions.
Résiliation d'autorisations administratives
Ce n'est pas parce qu'une activité non autorisée est exploitée dans l'immeuble par un autre commerçant que le CHRD peut faire la même chose. Si une sandwicherie kebab ou un restaurant karaoké est exploité dans le même immeuble que votre commerce, alors que les nuisances olfactives ou sonores sont interdites par le bail ou le règlement de copropriété, cela ne vous autorise pas à faire la même chose, même si le bailleur est le même. Une tolérance n'est pas une autorisation, et le CHRD qui ferait la même chose sans autorisation s'expose aux sanctions indiquées ci-dessus.
Enfin, il faut faire attention aussi à ce que, même autorisé par le propriétaire des murs (ou du fonds de commerce en cas de location-gérance) ou par la copropriété, le changement d'affectation ou l'adjonction d'une nouvelle activité ne donne pas lieu à la résiliation de certaines autorisations administratives. Ainsi, l'affectation du local est modifiée lorsque la destination à l'intérieur des locaux comme à l'extérieur est changée. C'est le cas par exemple lorsqu'un restaurant devient un bar à chicha. Outre les questions de désenfumage et de système d'amenée et de sortie d'aération à mettre en place, nécessitant des travaux devant recueillir l'autorisation du bailleur, ce dernier doit autoriser l'activité non prévue par le bail. De même, les terrasses ne pourront être utilisées pour servir des chichas (narghilés), sous peine de résiliation des autorisations administratives de terrasse.
Autre élément important : si vous changez totalement ou partiellement l'activité prévue au bail sans autorisation du bailleur et si nécessaire de la copropriété, il est impossible de prendre en compte le chiffre d'affaires lié à cette activité nouvelle. En effet, ce chiffre d'affaires est précaire peut être supprimé du jour au lendemain par une procédure du bailleur ou du syndicat des copropriétaires. Il ne pourra ainsi pas être pris en compte par l'acquéreur (ou le locataire-gérant) lorsque le fonds de commerce sera mis en vente (ou donné en location-gérance). Par exemple, l'exploitation non autorisée par le bail d'une piste de danse et karaoké générant une consommation d'alcool importante dans un restaurant.
Toutes ces questions peuvent également se poser lors du renouvellement du bail.
Publié par Maître Sophie Petroussenko, Avocat à la Cour, cabinet d'avocats Petroussenko