Tout a commencé en octobre dernier à Bruxelles. Après le signalement de plusieurs agressions de jeunes femmes, droguées au GHB, dans des établissements fréquentés par des étudiants, le hashtag ‘Balance ton bar’ a vu le jour sur les réseaux sociaux belges. Très vite, le mouvement a fait tache d’huile outre-Manche et en France, incitant à boycotter les bars et discothèques les plus insécurisés. Depuis, à l’instar des mouvements Me too et Balance ton porc, la parole se libère. Celles et ceux qui n’osaient pas parler, témoigner, raconter, le font. “Lorsque nous sortons entre copines, dans un bar ou une boîte de nuit, nous allons aux toilettes par deux, pour ne pas nous retrouver seule en sous-sol”, explique Juliette, 22 ans, étudiante à l’université d’Angers (Maine-et-Loire). Angers où, depuis le début du mois de novembre, les réseaux sociaux rapportent des agressions à la seringue remplie de drogue, notamment dans une discothèque du centre-ville. Info ou intox ? Les jeunes s’inquiètent.
La police, elle, ne rapporte aucune plainte à ce jour. “Difficile de porter plainte, car difficile aussi de prouver que l’on a pris du GHB à son insu”, commente Victor Dubas, étudiant en master 2 et co-président du bureau des étudiants (BDE) de l’Esthua, à l’université d’Angers. Résultat : “C’est la psychose et les filles ont peur”, dit-il. Si bien qu’il n’a eu qu’une cinquantaine d’inscrits à la soirée qu’il organisait dans un bar angevin le 17 novembre dernier, “contre 250 en période normale”.
Vigiles, vidéosurveillance et actions de prévention
“Quand il y a du monde et des lumières tamisées, ce n’est pas simple de surveiller son verre”, confie Juliette. Alors, avec un groupe d’amis, elle a créé une sorte de nappe quadrillée sur laquelle un numéro est attribué pour chaque verre posé. “C’est un début, mais on ne résout pas le problème de la seringue injectée dans le verre”, reconnaît-elle. “Pour ça, il existe le protège-verre en silicone”, répond Victor Dubas. Jérôme Guilbert l’appelle aussi “la capote”. Le président de la branche des cafés, bars, discothèques et établissements de nuit au sein du GNI, lui-même patron de plusieurs lieux festifs à Nantes (Loire-Atlantique), est bien conscient de la situation. D’ailleurs, pour ses propres établissements nantais, il a dû embaucher des vigiles en plus et, ainsi, faire grimper de 30 % ses coûts liés à la sécurité. “À cela s’ajoute une vidéosurveillance renforcée et des actions de prévention”, poursuit-il.
Quant à Juliette, elle se souvient d’un bar de nuit, en Haute-Savoie, “où une femme a été chahutée et bousculée par un client alcoolisé, sous le regard du patron qui a rétorqué : ‘Elle n’a qu’à pas s’habiller comme ça’” Face à une telle situation, Jérôme Guilbert pousse à réagir : “On isole la personne dans une zone-refuge, on lui fait boire beaucoup d’eau et on lui fait prendre l’air. En général, ça va tout de suite mieux, après.” Autre parade : “Une certaine ‘prémiumisation’ des clubs permet de consommer de la fête et de la nuit comme un repas au restaurant. Autrement dit, le client réserve sa table, paye en amont et, grâce à la présentation du pass sanitaire, celui-ci confirme son identité une fois arrivé.”
Un label nuit à l’instar d’un éco-label
“Lorsque je suis sollicité par des BDE, je leur dis d’emblée que je ne fais pas de la location de salle. Nos équipes seront au bar et nos DJ aux platines”, reprend Jérôme Guilbert. Un cadre sécurisé que recherche Victor Dubas, qui organise 95 % de ses soirées étudiantes dans des bars et discothèques. “Ces temps-ci, nous allons ajouter aux vigiles déjà sur place, quelques étudiants pour faire de la surveillance”, souligne-t-il. Des jeunes formés, comme lui, par la Ville d’Angers et le Point jeunesse, aussi bien sur les dangers liés à la consommation d’alcool et de drogues que sur les agressions sexuelles, le Sida, les risques du bruit excessif ou encore le GHB versé dans un verre, un “phénomène qui s’accélère depuis la crise sanitaire”. Jérôme Guilbert, de son côté, planche sur un label nuit, “avec charte et recours à un bureau de contrôle”. À l’instar d’un éco-label, il souhaite que ce futur sésame soit décerné à des patrons de bars et autres clubs, qui travaillent en partenariat avec la police, font de la prévention et dont les équipes sont formées aux gestes qui sauvent. Le représentant du GNI conclut : “À l’heure où l’accès aux drogues est devenu plus facile et après dix-sept mois de fermeture des établissements de nuit, il faut repenser la fête.”
Publié par Anne EVEILLARD