Ma cuisine française par Yannick Alléno

Yannick Alléno publie un très beau livre-bilan de 25 ans de cuisine. Il évoque pour nous cette première partie de sa carrière mais aussi celle qu'il entame aujourd'hui, Ma cuisine moderne.

Publié le 03 décembre 2013 à 16:03
L'Hôtellerie Restauration : Dans Ma cuisine française, vous dites : "quitter le Meurice clôt une certaine façon de cuisiner et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de publier un livre de cuisine", qu'entendez-vous par là ?
Yannick Alléno : D'abord ce livre rassemble les 500 recettes les plus pertinentes que j'ai faites, dans ce style de cuisine et qui répond à des codes de nouvelle cuisine. Globalement, c'est la traduction de 25 ans de travail. Il y a des recettes mais il y a surtout ce que l'on ne dit pas dans les recettes, c'est-à-dire la transmission qui se fait à l'oral de chef à chef. C'est vraiment tel qu'on m'a dit de faire, avec mon style, mais c'est l'application la plus parfaite du respect du produit. C'était peut-être le plus bel hommage que je pouvais rendre à la nouvelle cuisine. Je suis arrivé au bout de ça. Il fallait que je prenne un virage. Essayer de faire autrement.

Seuls 1 000 exemplaires ont été réalisés. Ils sont numérotés et dédicacés par vous. Ce très beau livre de 500 recettes est vendu 1 500 €. Pourquoi ce choix ?
Le projet de ce livre avec 500 recettes sur deux pages en vis-à-vis imposait d'emblée un certain volume. De plus, nous avons choisi un format, ni trop grand ni trop petit, juste ce qu'il faut pour que le livre remplisse le champ visuel, sans aucun élément extérieur venant interférer. L'idée étant que le lecteur soit immergé dans le livre. Il est relié, cousu à la main, argenté, c'est un vrai livre de luxe tiré à 1 000 exemplaires.

Pouvez-vous nous citer quelques plats représentatifs de votre cuisine que l'on peut retrouver dans le livre ?
Le Homard bleu en deux services, le suprême de poularde en croûte de pain, le dos de chevreuil à la broche, le Saumon de l'Adour, salade tiède de légumes du sud aux aromates, ou encore Vapeur d'artichaut et truffe noire, fond soufflé aux Saint-Jacques.

Vous rendez hommage à vos maîtres, tous MOF et vous évoquez l'importance des longues heures consacrées aux tâches répétitives qui vous imprègnent malgré vous et vous donnent une véritable connaissance des produits, des cuissons ou autre. C'est un appel à la patience pour tous ceux qui se forment aujourd'hui ?
Oui, ils sont tous Meilleurs ouvriers de France. Ce sont des intransigeants et ça a été une chance folle pour moi d'avoir été éduqué par eux. Ce que j'ai réussi à faire aujourd'hui, c'est grâce à mon intransigeance aussi. C'est un legs que je voudrais laisser. Alain Chapel disait : la cuisine c'est autre chose qu'une recette. Et justement ce livre, c'est autre chose que des recettes car j'ai essayé de donner tout ce que mes maîtres m'ont transmis, tous ces tours de main que tu ne marques jamais, le regard, le savoir-faire... J'ai essayé de retranscrire dans ce livre ce qu'ils m'ont enseigné. Quand un chef t'explique que ce n'est pas la viande qui colore ton bouillon mais l'oignon que tu vas faire colorer sur les côtés, c'est important. C'est plus que des conseils, c'est de la transmission. Quand Louis Grondard vous dit qu'il ne faut pas flamber une américaine parce que ça donne de l'amertume, il faut savoir écouter et le retranscrire. J'ai fait le tour de cette cuisine fantastique. ça m'a pris 25 ans. Je veux faire autrement maintenant.

Vous évoquez le début d'un nouveau cycle, que voulez-vous faire exactement ?
J'ai entamé un travail important de recherche sur les sauces. La sauce, c'est le liant de tout. Il permet de lier dans l'assiette deux éléments aussi différent qu'un filet de boeuf et une asperge. Les sauces traditionnelles, aussi formidables soient-elles, sont longues à réaliser et demandent un savoir-faire extraordinaire. L'évolution sociale et sociétale nous a conduits petit à petit à les soustraire à des condiments.

Expliquez-nous ce qu'est pour vous une sauce moderne
Une sauce, c'est une composition d'éléments. Avant, quand j'avais besoin d'une sauce, j'allais chercher dans le répertoire des sauces du XIXe (poivrade, béarnais, grand veneur…). Les sauces modernes, ce sont des sauces diététiques, bonnes pour la santé et franches en goût. Grâce au travail que nous avons mené avec le Centre de recherche et études alimentation (Créa), nous avons trouvé des choses extraordinaires.  

Quels sont les objectifs de vos recherches avec Bruno Goussault au Créa ?
Je voulais atteindre un goût particulier. C'est le syndrome de la terrine. Quand tu cuis une terrine, le meilleur, c'est ce qu'il y a dans le fond, c'est-à-dire la quintessence du goût de ce qu'on a mis à cuire dans le bocal. C'est l'extraction ! J'ai essayé de le reproduire de façon normale dans une casserole, tel qu'on me l'a enseigné et je n'y suis pas arrivé. Alors, je suis allé trouver Bruno Goussault au Créa et on a commencé à chercher, à extraire, à trouver le goût. Ensuite, on a échangé sur un principe de concentration : la cryoconcentration, connue depuis 1928 et avec laquelle Joël Robuchon a fait un travail extraordinaire.
Grâce à l'extraction additionnée à la cryoconcentration successive, on arrive à avoir des goûts fantastiques. La réduction par le chaud entraîne une transformation importante de la matière. Ici, par le froid, nous avons observé une grande amélioration. L'extraction exprime la vérité du produit. Nous avons, par exemple, concentré un exsudat de céleri, ça nous a donné des similitudes gustatives à celles d'un vin jaune.
En utilisant ces procédés modernes de cuisson, on arrive à obtenir des laits de sole par exemple ou des jus que je n'ai jamais goûtés jusqu'alors. Je m'appuie dessus pour créer des sauces nouvelles. La combinaison de ces extractions, à la manière de l'assemblage chez les vignerons, ouvre des perspectives enthousiasmantes. Avec la création d'un répertoire de sauces modernes, sans ajout de matière grasse ou de sel, c'est un nouveau champ de la cuisine que j'explore au 1947 de Courchevel.

Revoir le repas qui ne doit pas être une succession de petites portions, remettre à l'honneur le plat principal… est un autre axe de réflexion semble-t-il.
Oui, dans la Cuisine moderne, outre les nouvelles techniques, j'ai souhaité remettre le plat principal au centre du repas, à l'image du repas français. Un plat autour duquel s'articulent les autres éléments. Le client choisit le plat et c'est ce qui détermine les petites entrées, le fromage, les desserts que nous lui conseillons afin que la dégustation soit en parfaite harmonie de bout en bout. Il s'agit d'une conception globale du repas avec des variations autour de chaque plat principal, loin des successions de petites assiettes.

 

Yannick Alléno, Ma cuisine française
Aux Éditions Laymon – en vente exclusivement sur www.macuisinefrancaise.com

Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine



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