Maéva Rougeoreille : “Un bon accord mets-vins, c’est trouver ce qu’il y a de plus pointu”

Talloires (Auvergne-Rhône-Alpes) La cheffe sommelière de l’Auberge du Père Bise vient d’être distinguée pour son travail en sommellerie par le guide Michelin 2025. Cette passionnée de vin, d’harmonie et de transmission a construit, avec constance et humilité un parcours jalonné d’exigence, de curiosité et d’ouverture au monde.

Publié le 10 avril 2025 à 14:00

Cheffe sommelière à l’Auberge du Père Bise (Talloires-Montmin), Maéva Rougeoreille a reçu le 31 mars 2025 le prix de la Sommellerie décerné par le guide Michelin. Une distinction qui vient saluer une approche sensible et exigeante du vin, entièrement tournée vers l’accord et le plaisir du client.

 

Qu’est-ce qui vous a conduit à la sommellerie ?

J’ai grandi dans une famille d’épicuriens. D’un côté, ma mère, aux racines italiennes, cuisinait une cuisine familiale et généreuse ; de l’autre, mon père, amateur de saveurs fines, cuisinait beaucoup, des plats pointus, asiatiques, des bisques… et j’ai eu un grand-père amoureux du vin. J’envisageais d’intégrer la Garde républicaine à cheval, mais finalement, après un bac littéraire et une fac de langues, j’ai bifurqué vers l’hôtellerie-restauration. Je suis passée par la cuisine, mais très vite, j’ai compris que je préférais le contact avec les gens, le lien en salle. La sommellerie s’est imposée naturellement.

 

Comment construisez-vous un accord mets-vins ?

C’est un travail à deux voix avec le chef Jean Sulpice. Je passe beaucoup de temps à comprendre ses passions, à l’écouter parler de ses plats, à goûter pendant qu’il les élabore. La cuisine du chef est complexe, elle se suffit à elle-même, le vin est juste là pour venir amplifier une sensation déjà existante de découverte gustative. Il faut trouver le bon vin pour accompagner le plat, le rendre un peu plus éclatant et merveilleux. C’est un vrai travail sur mesure pour chaque plat. Avec l’accord, on vient raconter toute l’histoire de l’Auberge, des Alpes, de la région. Et en même temps, un peu de mon histoire, avec des vins qui dépassent les frontières françaises, tout en restant près des Alpes pour garder un lien avec la cuisine du chef.

Pour moi, un bon accord, c’est 50 % de technique et 50 % d’émotion. Il faut comprendre les goûts, les textures, les équilibres et aussi ressentir ce que le plat veut dire. Pour l’accord, on cherche à être précis, à proposer ce qu’il y a de plus pointu. Je fais abstraction des étiquettes.

 

Un exemple d’accord marquant ?

Un plat signature du chef : une cueillette d’hiver avec des choux, des salades, des champignons. Sur le papier, un cauchemar à accorder. Mais une roussanne de Savoie fonctionne très bien. Elle a ce côté rond, végétal, réconfortant, avec juste ce qu’il faut d’acidité. On a l’impression que le vin fait du parapente au-dessus de l’assiette.

 

Comment sélectionnez-vous un vin pour un client ?

J’essaie de transmettre à mon équipe une vraie méthode. On commence large : blanc ou rouge, verre ou bouteille. Ensuite, on affine : un cépage préféré ? Une région ? Est-ce qu’on reste en France ou non ? Ce sont quelques questions simples, mais qui permettent de proposer un vin sur mesure.

 

Quelles sont les qualités essentielles pour être une bonne sommelière ?

Il faut être curieux, de la sommellerie mais aussi de la vie. Ce métier change sans cesse. Il faut être gourmand, aimer manger, sinon l’intérêt est limité. Et surtout être multifonction : beaucoup de sommeliers que je connais sont passés par la cuisine. Ce côté couteau suisse est fondamental. Dans toutes les brigades où j’ai travaillé, il fallait connaître la carte par cœur, savoir décrire les plats, tenir un plateau… C’est en étant touche-à-tout qu’on progresse.

 

Depuis votre arrivée à l’Auberge du Père Bise, quels ont été vos chantiers ?

Quand je suis arrivée, la carte des vins reflétait la sensibilité de mon prédécesseur, Lionel Schneider, très axée sur les vins nature. Moi, je suis plutôt vins du monde. J’ai regoûté, fait du tri, rencontré les vignerons. On a réorienté les accords autour du lien lac et montagne, puis, plus récemment, sur les Alpes. J’ai aussi conçu un nouveau livre des vins, avec une maquette plus littéraire : chaque chapitre reflète un univers. Le premier, c’est le champagne : on adore les champagnes de vignerons, on ne travaille plus avec les grandes maisons depuis deux ans.

 

Comment voyez-vous l’évolution du métier de sommelier ?

La sommellerie est en plein essor. Il y a toujours un millésime à découvrir, un vigneron à rencontrer. Même dans un bistrot, les gens aiment boire une jolie bouteille.

 

Pourquoi n’avez-vous jamais passé de concours ?

Je les connais bien : j’ai longtemps entraîné David Biraud, puis participé à la Team France sommellerie. J’ai aidé Xavier Thuizat, Pascaline Lepeltier… J’ai toujours préféré être dans la transmission. Alors cette distinction Michelin, c’est un cadeau inattendu. On ne sait jamais comment ces prix sont décidés, mais c’est gratifiant. Je ne travaille pas pour ça, mais je suis heureuse que notre engagement soit reconnu.


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Publié par Romy CARRERE



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