Olivier Roellinger : "Face à l'état déplorable de la planète, la cuisine est l'une des clés de la transition écologique"

Dans son livre Pour une révolution délicieuse, le chef lance un appel pour "sauvegarder notre assiette, notre santé, notre environnement et notre plaisir de bien manger".

Publié le 19 décembre 2019 à 11:30

L’Hôtellerie-Restauration : Votre constat sur l’état de la planète est factuel et consternant, mais vous ne tombez pas dans le catastrophisme. Quel est votre message ?

Olivier Roellinger : Pour moi, c’est un défi et une formidable opportunité. Certes, nous avons tous une part de responsabilité, mais ce n’est pas un monde qui s’effondre. Pour l’hôtellerie et la restauration, c’est une remise en question totale. Il faut réinventer l’hospitalité et les cuisines du monde à l’ère de l’urgence écologique. C’est passionnant ! On est obligés de se remettre en question les uns les autres. C’est n’est pas une punition. Il faut se dire que le monde que l’on va construire demain sera plus responsable.

On avait complètement déconnecté l’alimentation de la nature. Pour quelques-uns, on faisait venir des produits dits de qualité de l’autre bout du monde. Le luxe, c’était la rareté, cuisiner même l’interdit… On était dans une spirale qui n’était pas la bonne et là, c’est une remise à plat. Une société n’est belle que quand elle est en mouvement. L’urgence nous met en mouvement. D’ailleurs, je trouve très encourageantes la maturité et la clairvoyance de la jeunesse du monde devant ces enjeux planétaires.

 

Vous en appelez à la responsabilité du cuisinier, le nourrisseur. Quel rôle attendez-vous des cuisiniers ?

Face à cette urgence écologique, environnementale voire sociale, le cuisinier a une responsabilité au soin qu’il doit apporter à la santé de chacun. La cuisine santé, c’est capital. Et la cuisine doit prendre soin aussi du garde-manger que sont la terre et la mer. En tant que cuisiniers, nous devons penser à sa restitution. Je ne pille pas le garde-manger, au contraire je dois l’entretenir comme le fait un agriculteur responsable. Avoir le respect de la nature et évidemment des hommes et des femmes qui façonnent cette nature. D’abord avec une bonne rémunération. Le cuisinier a un rôle primordial à jouer en apportant son concours dans les écoles, les cantines, les lycées hôteliers, les entreprises locales…

Le cuisinier a un rôle à jouer au quotidien et individuel, mais aussi un rôle collectif. D’où mon engagement sur ces questions au sein de Relais & Châteaux au niveau national et international, car c’est ensemble que l’on peut avoir un poids sur les décideurs, en particulier les politiques et les autorités nationales, européennes voire mondiales. Pour les côtoyer, on voit que le rôle des cuisiniers n’est pas neutre. Il joue à plein sur de vrais sujets qui touchent à l’agriculture, la pêche, la biodiversité et la santé publique.

Tous mes amis cuisinières et cuisiniers doivent prendre conscience qu’ils ont un rôle capital à jouer dans ce que l’on appelle la transition écologique, c’est-à-dire sur l’alimentation du monde de demain. On peut apporter notre talent pour montrer que l’on peut faire bon avec des produits qui ne sont pas nobles, pour faire aussi la promotion des protéines végétales, se mettre au service de ces nouvelles aspirations. C’est presque notre devoir de le faire. Sinon qui va le faire ? L’industrie alimentaire à qui on a laissé l’alimentation du monde ces trente dernières années ? Nous devons nous fédérer pour effectuer un contre-lobbying vis-à-vis de ces multinationales de l’alimentaire. J’appelle à un soulèvement alimentaire, pacifique et joyeux, pour que chacun reprenne sa liberté alimentaire. 

 

Vous prédisez même une renaissance culinaire.

Cette renaissance culinaire fait appel à toutes les connaissances nouvelles sur le produit, la santé et l’environnement ou la qualité nutritionnelle, ce qui inclut les quantités d’intrants ou la pétrochimie que l’on pourrait retrouver. La qualité d’un poisson ne se limite pas au fait qu’il soit bien frais, il faut aussi savoir si son stock est en danger, la saison… Ce qui anime cette renaissance, c’est à la fois la connaissance, la responsabilité et le fait donner un sens beaucoup plus profond à ce que nous faisons les uns les autres aux quatre coins de la planète quand nous cuisinons, quand nous apportons du plaisir autour d’une table.

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La dimension plaisir

“Notre métier, c’est bien d’apporter du plaisir aux uns et aux autres lorsqu’ils viennent s’asseoir à notre table pour goûter notre cuisine. Mais comment peut-on imaginer aujourd’hui avec, la notion de traçabilité et les informations sur tous les sujets, que l’on puisse éprouver du plaisir sachant qu’une partie d’un territoire, un lac, une rivière, un rivage a pu souiller ou être souillé par l’aliment dans mon assiette ? Si je sais que son bilan carbone est catastrophique, est-ce que je peux éprouver du plaisir [à le manger] ? Si je sais que la personne qui a produit cet aliment ne gagne pas bien sa vie et a du mal à survivre, comment éprouver du plaisir ? Enfin, si je sais que cet aliment que je déguste en famille est bourré de pesticides, d’insecticides, de fongicides, que le poisson est bourré de plastique ou de dioxine, avec une valeur nutritionnelle totalement ridicule, et que je m’empoissonne à petit feu, est-ce que je peux éprouver du plaisir ? Non !  Ce sont quatre points essentiels aujourd’hui pour déterminer le plaisir. Cela ne veut pas dire que c’est suffisant. Ensuite s’exprime la dimension du talent !”

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Olivier Roellinger écologie durable 


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Publié par Nadine LEMOINE



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