L’Hôtellerie Restauration : De l’Argentine à la France, de la littérature au vin, quel est votre parcours ?
Paz Levinson : J’aurais pu être enseignante, mais je suis tombée amoureuse du vin dans le restaurant où je travaillais en parallèle de mes études de lettres à Buenos Aires. Ma rencontre avec les vins étrangers a eu lieu en 2011 aux États-Unis. Depuis, l’envie d’apprendre toujours plus ne m’a jamais quittée. Je suis arrivée à Paris il y a près de dix ans. Avant de rejoindre le groupe Pic, j’ai été sommelière à La ferme Saint-Simon, à l’Épicure [restaurant triplement étoilé du Bristol à Paris], et chez Virtus.
Quel est votre rôle au sein du groupe Pic ?
Outre les accords mets et vins, cœur du métier de sommelier, je définis les points communs aux cartes des boissons des restaurants. Parmi ceux-ci, il y a la prédominance des vins du Rhône, région d’origine du groupe, à Valence. Les chefs sommeliers de chaque restaurant ont toute latitude pour personnaliser l’offre, pourvu qu’elle s’inscrive dans la direction déterminée. Parmi les orientations, je souhaite étoffer le choix de sakés, de vins orange, de vins fortifiés, de vins étrangers, de vins biologiques. Un seul objectif : toujours mieux valoriser les plats, grâce à tous les liquides, que ce soient le vin, le thé, le café, les cocktails et autres boissons sans alcool. Pour la partie plus créative de mon activité, j’imagine des produits d’épicerie : des thés glacés - darjeeling et yuzu, oolong et camomille… -, mélanges d’épices, cafés parfumés - au carvi et fruit de la passion, au basilic et géranium rosat…
Quelle est votre conception du métier de sommelier ?
Je suis attachée à la notion de service, le sommelier est là pour rendre des services. C’est un serveur spécialisé dans le vin, mais il doit connaître tous les liquides proposés : eau, thé, café, les cocktails classiques doivent être maîtrisés. L’ensemble de l’offre doit être au même niveau que le vin. J’attends des sommeliers du groupe des qualités qui ne s’apprennent pas : la passion, la curiosité, l’envie d’apprendre, d’évoluer, qu’ils aient un projet. J’organise des visites de domaines pour qu’ils comprennent mieux la viticulture. J’attends aussi d’eux qu’ils aient l’envie de bien faire, et qu’ils soient investis du même respect que s’ils officiaient dans leur propre restaurant. De leur côté, ils peuvent compter sur moi s’ils veulent être accompagnés pour préparer un diplôme, un concours. Pour ma part, l’un de mes rêves est d’écrire un livre sur les accords mets et vins et j’aimerais devenir Master of Wine.
Femme et sommelière, est-ce un sujet ?
Pas en Argentine, où le métier est récent, il a démarré en 1999 avec la diversité. Le meilleur sommelier d’Argentine a toujours été une femme, sauf une fois ! Je l’ai été en 2010 et 2014. En France, c’est différent car le métier est plus ancien. Le regard réprobateur que porte la société sur une femme qui boit n’est pas sans incidence. Mais il y a une évolution, de plus en plus de femmes choisissent la voie de la sommellerie. Dans le groupe, il y a une cheffe sommelière en Angleterre, dans les équipes à Paris, il n’y a que des sommelières sauf une personne et à Valence, c’est 50-50.
Quelle place occupent les alcools japonais dans les établissements du groupe Pic ?
Ils sont proposés purs et en cocktails. Anne-Sophie Pic cuisine des ingrédients japonais, elle utilise sakés et shoshu dans les sauces, elle est passionnée par les lies de sakés. C’est donc tout naturellement que sakés, shoshu et umeshu se marient très bien avec ses plats. Certains d’entre eux, et beaucoup de fromages s’accordent même mieux avec un saké qu’avec un vin.
Publié par Carole GAYET