“Les émissions de cuisine à la télé incitent encore trop de jeunes à choisir les métiers de la restauration sans vraie passion. Résultat : ils abandonnent, souvent dès la première année…” La rengaine n’est pas nouvelle. On l’entend encore dans les couloirs des écoles hôtelières. Parce que la clé, pour aller jusqu’au bout d’une formation, c’est la motivation. Surtout depuis la crise du Covid, avec une inflation galopante et la pénurie de main-d’œuvre. À la veille de cette rentrée 2022, dans quel état d’esprit sont les jeunes dans les lycées hôteliers et les écoles de cuisine ? Comment envisagent-ils leur avenir ?
“Je n’ai jamais pensé que je m’étais trompée de voie”
“Je n’ai jamais douté de mon choix”, confie Louise Delbreil. Cette étudiante en 2e année de bachelor arts culinaires et entrepreneuriat à Ferrandi, à Paris (VIe), a postulé pour ce cursus, une fois son bac en poche, en raison de son goût inné pour la pâtisserie et le film Ratatouille. “Les règles sanitaires strictes à l’école durant la crise sanitaire, cela cassait un peu l’ambiance et je craignais de ne pas pouvoir apprendre autant que je voulais durant les stages, mais je n’ai jamais pensé que je m’étais trompée de voie. Surtout dans un pays comme la France, où l’on aime manger”, explique-t-elle. Avis partagé par Martin Bougit. Dans le cadre d’un DUT en techniques de commercialisation à Angers (Maine-et-Loire), il a effectué un stage d’un mois à Paris (XVIe), dans le restaurant Mamie du chef Jean Imbert. Là, c’est le déclic : il veut travailler dans la restauration. “C’est devenu une passion et je n’ai eu aucune hésitation à poursuivre dans cette voie durant le Covid, car manger fait partie du savoir-vivre à la française et cela ne vas pas changer, même après les confinements.” À l’issue d’un second stage, toujours en lien avec les équipes de Jean Imbert, celles-ci lui proposent une alternance. Reste à trouver la formation… C’est désormais chose faite : Martin Rougit fait partie de la promo 2022-2023 de la licence pro EEHRL (encadrement et exploitation en hôtellerie et restauration de luxe), commune à l’université Paris-Nanterre et au lycée parisien Albert de Mun (VIIe).
Maxime Leroy, quant à lui, devait s’initier à la comptabilité et à la gestion après son bac S. “Mais j’aimais cuisiner”, avoue-t-il. Les fourneaux ont eu raison de lui. Il a enchaîné mise à niveau et BTS au lycée hôtelier de Talence (Gironde), avant une licence pro Macat (métiers des arts culinaires et des arts de la table) en Avignon (Vaucluse) et un master 2 gastronomie à l’Esthua, au sein de l’université d’Angers. Le Covid ? “J’ai eu la chance d’avoir beaucoup de cours en présentiel. J’aime apprendre. Je n’ai pas été démotivé.”
“Mes parents étaient plus inquiets que moi”
“Au moment de la crise sanitaire, mes parents étaient plus inquiets que moi ! Je suis quelqu’un de positif. Je n’ai jamais douté”, raconte Cécile Catera. En 2e année de bachelor management hôtelier et restauration à Ferrandi, elle voit le contexte de crise comme une opportunité d’évolution pour le secteur de l’hôtellerie, associée à “une nouvelle façon de voyager”. Sasha Sevestre, lui aussi, parle d’opportunité : “La crise, c’est une aubaine, car des postes vont se libérer.” Après une année aux Beaux-Arts de Reims (Marne), il s’est rendu compte qu’il fréquentait cette école “plus par passion que par vocation”. Alors il a suivi les traces de son frère, récemment diplômé de la licence pro EEHRL. Pas par hasard. Plutôt par conviction : “Durant mon année de mise à niveau, j’ai découvert le métier de gouvernant et c’est vers cela que je veux évoluer, car on touche à beaucoup de missions.” Sasha Sevestre parle aussi d’une envie de se dépasser : “J’aime le challenge. J’aime être en mouvement.”
Les valeurs humaines plébiscitées
Tous vont poursuivre leurs études en cette rentrée. Parce que le diplôme, les stages, les expériences sont autant d’atouts pour se positionner, ensuite, sur le marché du travail et “pour convaincre un banquier”, souligne Maxime Leroy. Cyrille Renard l’a bien compris. Il peaufine actuellement son mémoire de master 2 gastronomie, effectué à l’Esthua d’Angers, après un long parcours qui a débuté au lycée hôtelier de Laval (Mayenne), juste après le collège. Durant les semaines de confinement, c’est vers les métiers du vin qu’il s’est orienté. Une expertise en plus sur son CV, qui plaît beaucoup aux recruteurs. La preuve : son CDD a été prolongé de six mois dans le domaine viticole où il travaille. Enfin, les valeurs humaines et la proximité sont plébiscitées par les jeunes. Maxime Leroy a ainsi renoncé à un stage en cabinet de conseil pour préférer une immersion chez un caviste bordelais, fort bien pourvu en bières artisanales locales. Louise Delbreil, quant à elle, cherche à affiner savoir et techniques “dans de petites structures”. La taille humaine, encore, pour les échanges, le partage, la transmission et la survie des indépendants. À terme, l’étudiante de Ferrandi espère ouvrir son propre salon de thé : “Un rêve d’enfant.”
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Publié par Anne EVEILLARD