"En montant mon food truck, j'ai voulu apporter un petit morceau des États-Unis avec moi… Je ne suis ni Français, ni issu du milieu de la restauration : ma mère est américaine et mon père canadien et j'ai grandi un peu partout [États-Unis, Canada, France, NDLR] avant de rencontrer ma femme, qui est française, en Afrique de l'Ouest où je travaillais dans le développement communautaire autour de grands projets. Nous sommes allés vivre en Californie avant de revenir en France et c'est à ce moment-là que j'ai fait le choix de monter mon propre projet. Comme j'ai toujours adoré bien manger, qu'il n'y avait pas encore de food truck en France et que je sentais un engouement pour tout ce qui se passait aux États-Unis, l'idée a germé. D'autant plus que je n'avais pas les ressources nécessaires pour implanter un 'vrai' commerce. Je me suis donc lancé avec mes économies, environ 50 000 €, sans emprunt à la banque. À la façon d'une start-up américaine, j'ai construit mon camion dans le garage d'un ami, en faisant appel à des électriciens…
Pour la restauration, n'étant pas du sérail, j'ai voulu procéder à ma façon, c'est-à-dire en utilisant des produits éthiquement sains et très bons, avec une exécution simple inspirée de la tradition californienne. Nous n'achetons rien de tout prêt, et nous travaillons exclusivement avec une ferme bio pour la viande, qui est hachée par nos soins. Le pain est fait par un artisan boulanger, la mayonnaise est maison, les frites sont fraîches…
17 personnes à plein temps
Lorsque Cantine California a ouvert en mars 2012, je n'avais pas du tout envisagé le succès que nous rencontrerions. Au début, je me suis dit que j'allais gérer seul avec un employé en allant juste quelques jours par semaine sur les marchés… Dès le deuxième jour, j'ai vu que ce n'était pas possible : si nous voulions exister, il fallait que nous voyions plus grand. L'équipe est passée de deux à cinq au bout de trois mois et aujourd'hui nous sommes dix-sept personnes à plein temps, avec le restaurant ouvert il y a dix mois rue du Turbigo [Paris, IIIe].
Un an et demi après, nous avons commencé une résidence cuisine au Dépanneur Pigalle, où nous assurons la mise en place de la carte et l'encadrement de l'équipe. Cette expérience m'a conforté dans l'idée d'ouvrir une cantine fixe. C'était une suite logique, comme aux États-Unis où beaucoup de camions évoluent en établissement 'en dur'. L'existence de la cantine mobile en a facilité la création sur plusieurs points, par exemple le prêt de la banque. Côté food truck, avec quatre services par semaine, nous avons besoin d'avoir une activité traiteur et événementielle en parallèle pour exister. Tout dépend les saisons, mais nous faisons en moyenne un événement par semaine, du cocktail d'entreprise à l'anniversaire, mariage, vernissage…
"Nous étions complètement dépassés au début"
Il y a des avantages et des inconvénients à avoir été l'un des tout premiers food trucks à sillonner le pavé parisien. Cela nous a en tout cas permis d'obtenir les premiers emplacements ouverts dans la capitale…
Le démarrage nous ont beaucoup surpris. Le premier jour, nous avons servi une quinzaine de personnes dont le boucher et le tapissier du marché, mais le lendemain, l'engouement est devenu viral sur les réseaux sociaux… À notre arrivée, une centaine de personnes patientaient ! Nous n'étions prêts que pour 30 et avons dû faire de la mise en place pendant le service. Nous étions complètement dépassés et nous avons mis du temps à rattraper l'engouement !
La presse nous a beaucoup soutenus. Nous avons même fait la une du New York Times ! L'article du Fooding, sorti dans les premiers jours, a eu une énorme répercussion. Ensuite, tous les médias majeurs - TF1, Le Figaro, Le Monde, Le Nouvel Obs, M6, Canal + - ont suivi. Les journalistes devaient être contents de voir une histoire nouvelle.
Être patient et passionné
Les trois premières années, nous avons démarré comme une start-up, mais maintenant nous allons essayer de consolider l'activité et de durer sur le long terme. Pour exister, nous devons continuer à grandir à notre rythme, tout en gardant notre indépendance - je ne veux pas devenir franchisé - et notre côté artisanal. Prochainement, je pense ouvrir une deuxième Cantine California à Paris, dans un autre quartier et peut-être avec une variante.
Être seul à la tête de l'entreprise est parfois un peu compliqué à gérer. Mais aujourd'hui, la chose qui me fait le plus plaisir est de faire vivre une quinzaine d'employés à plein temps, avec des salaires corrects !"
Publié par Propos recueillis par Julie Gerbet