La cuisson a pour but de valoriser les caractères organoleptiques des produits, mais elle agit aussi sur le développement des microbes à coeur et en surface des produits. On parle d'ailleurs très souvent d'assainissement par la chaleur, de pasteurisation ou de stérilisation. De même, on parle aussi de conservation par le froid, de réfrigération, de congélation ou de surgélation. Cela concerne le monde des microbes, de l'infiniment petit, de ce que nous ne voyons pas et - bien sûr - cela fait peur.
Un certain nombre de questions se posent donc dès que nous parlons de techniques de cuisson et en particulier de cuisson sous vide :
- la cuisson sous vide présente-t-elle davantage de risques que les autres techniques de cuisson ?
- la cuisson à juste température est-elle aussi sûre que les autres techniques de cuisson ?
- la durée de vie des produits cuits sous vide à juste température est elle plus courte que celle des produits cuits dans les techniques classiques ?
Répondre à ces questions n'est pas aisé tant les références bibliographiques sur le comportement des bactéries à des températures inférieures à + 63 °C manquaient. Les référentiels internationaux concernant la microbiologie alimentaire ne peuvent être pris en compte puisque la valeur pasteurisatrice d'une cuisson se définit à partir de + 65 °C. Or, la recherche de la valorisation des propriétés sensorielles des aliments nécessite de travailler à des températures comprises entre 56 °C et 68 °C à coeur des viandes et des poissons.
Après avoir constaté que les formes végétatives des bactéries pathogènes étaient détruites par un traitement thermique à + 58 °C, il a été demandé aux laboratoires de microbiologie des viandes de l'lnra de déterminer les bases des référentiels de calcul de la valeur pasteurisatrice pour ces différentes bactéries.
D = temps de réduction décimale z = élévation de température permettant de diviser D par 10 |
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Ainsi pour répondre aux deux premières questions, dans le domaine de la salubrité des produits cuits sous vide à juste température, il est possible d'affirmer que les bactéries pathogènes présentes dans les produits sous formes végétatives commencent à être détruites par une simple cuisson à + 58°C, leur valeur de réduction décimale est de l'ordre de la minute à partir de + 56 °C. Il est, par ailleurs, possible de définir pour chacune d'elles les valeurs D et z permettant de maîtriser la cuisson en utilisant un référentiel de valeurs pasteurisatrices adaptées (voir tableau 1).
De la même manière, les cycles de cuisson à juste température permettent de détruire en partie ou en totalité les différentes composantes de la flore saprophyte selon la nature du cycle thermique (voir tableau 2).
Destruction des bactéries pathogènes
Sur le plan pathogène, les risques sont identiques entre un produit cuit sous vide à juste température au-dessus de + 56 °C et un plat cuisiné sous atmosphère modifiée pasteurisé entre 70 °C et 90 °C : toutes les formes végétatives des bactéries pathogènes sont détruites, seules subsistent les formes sporulées qui nécessitent, pour éviter leur germination et leur développement ultérieur, de réfrigérer rapidement les produits en fin de cuisson et de les conserver entre 0° +3°C.
Cependant, un produit cuit à juste température qui conserve une partie de sa flore d'altération sera sans doute plus fragile mais beaucoup plus sécuritaire en conservation. En effet, en cas de rupture de la chaîne de froid ou d'élévation de la température de conservation, il se produira d'abord une altération visible du produit avant qu'il ne devienne potentiellement dangereux. Ceci n'est pas le cas des produits pasteurisés qui ne contiennent plus de traceurs de l'altération.
Il faut continuer à approfondir cette analyse de risques. En effet, nombre d'agents de sapidité ou d'aromatisation possèdent des propriétés bactériostatiques, voire même bactéricides. Ces propriétés sont encore mal connues même si elles ont très certainement contribué à la salubrité des préparations culinaires léguées par les anciens. L'acidité apportée par l'utilisation du vin, les tanins du vin rouge, le poireau du pot au feu, les clous de girofle piqués dans l'oignon placé dans les viandes bouillies, l'ail, le laurier, le thym font partie de ces agents d'aromatisation qui permirent à nos ancêtres, alors que les chambres froides n'existaient pas, de constater et de dire que les sautés et bouillis étaient meilleurs lorsqu'ils étaient réchauffés.
Il reste aujourd'hui de nombreux travaux de recherche à accomplir pour passer de la simple mesure et constatation de ces phénomènes à leur maîtrise technique et scientifique parfaite.
Publié par Bruno GOUSSAULT