Pendant les beaux jours, la même scène se répète au Madison Square Park de New York. Vers midi, une longue file d'attente se forme dans le parc, posé au pied du mythique Flatiron Building. Certains dans la queue papotent, d'autres consultent leur portable ou écoutent de la musique en attendant de mettre la main sur le burger (ou le milk-shake) de Shake Shack, l'enseigne de burgers chérie des New Yorkais aisés. "Ca nous surprend toujours de voir autant de monde devant nos restaurants", glisse Randy Garutti, son PDG.
Shake Shack est sous le feu des projecteurs aux États-Unis. L'enseigne de fast casual (restauration rapide informelle) a fait une entrée en bourse remarquée fin janvier - elle ne la commente pas pour le moment - et possède 63 restaurants, dont 40 aux États-Unis (contre 6 début 2013). Une croissance fulgurante quand on sait qu'elle a démarré comme un simple stand de hot dogs en 2001 à Madison Square Park. "Shake Shack était un accident. Nous n'aurions jamais pensé grandir autant", confie Randy Garutti, dans l'aventure depuis le début.
Qualité des produits
Shake Shack est le bébé de Danny Meyer, le célèbre restaurateur américain qui dirige l'Union Square Hospitality Group, gestionnaire de plusieurs établissements connus de New York (Union Square Café, Gramercy Tavern…). Constatant les files d'attente devant leur stand à hot dogs en 2001, Meyer, Garutti et d'autres décident de voir plus grand et ouvrent leur premier restaurant en 2004 à Madison Square Park. Leur pari : proposer des burgers plus chers que la moyenne, mais composés d'ingrédients sains, et servis par un personnel mieux payé que dans d'autres enseignes de restauration rapide (à New York, les employés de Shake Shack gagnent deux dollars de plus par heure que le salaire minimum et un bonus qui dépend des revenus du restaurant). L'enseigne dépense peu en marketing traditionnel, privilégiant les réseaux sociaux comme Vine ou Instagram pour toucher une clientèle plus jeune. Pari réussi : Shake Shack s'étend. Son chiffre d'affaires passe de 19,5 millions de dollars en 2010 à 82,5 millions en 2014. "Shake Shack a choisi de s'adresser à la génération du millénaire, résume Andrew Smith, spécialiste du burger et auteur de Hamburger : A Global History. McDo, Burger King sont des marques vieilles. Shake Shack représente aujourd'hui la révolution que McDonald's représentait dans les années 50".
Pour Randy Garutti, Shake Shack a profité d'"un changement des habitudes culinaires américaines", en réaction aux produits proposés par les chaines de fast-food traditionnelles. Plusieurs sociétés de restauration rapide surfent sur la tendance, comme le mexicain Chipotle qui propose des burritos et des nachos de qualité à des prix supérieurs. Dans le monde du burger, des chaines plus modestes, comme In- N-Out Burger, Smashburger (dans le Colorado) ou Five Guys ont investi le créneau du fast casual et connaissent une croissance rapide.
Des partenariats plutôt que des franchises
L'expansion de Shake Shack, présent aujourd'hui de Dubaï à Miami, n'est pas venue sans interrogations de la part des observateurs, notamment celle - cruciale - du maintien de la qualité des produits et de l'identité de la marque alors qu'elle s'attaque à de nouveaux marchés. Aux États-Unis, elle refuse les franchises de manière à garder le contrôle sur les produits et la formation du personnel. À l'international, elle établit des partenariats. Sollicités partout dans le monde, les dirigeants de Shake Shack sont adeptes de l'implantation ultra-sélective. Ainsi, ils ont attendu cinq ans avant d'ouvrir leur deuxième restaurant. "Le secret de notre réussite est que nous grandissons quand notre équipe est prête à relever le prochain défi, explique Michael Kark, responsable du développement international à Shake Shack. Nous recevons des e-mails de partenaires potentiels dans le monde entier. Ce sont autant d'opportunités de croissance, mais il est important pour nous de croître de manière mesurée et de ne pas nous éloigner de la vision d'origine. Notre devise est : le plus nous grandissons, le plus nous devons agir à petite échelle".
Parmi les e-mails reçus, certains sont venus de France, indique Randy Garutti, qui a étudié à la Sorbonne dans les années 90. "Mais nous ne sommes pas prêts pour le moment à ouvrir en France. Les Français aiment leur nourriture plus que n'importe quel autre peuple. Nous voulons être sûrs d'être à la hauteur des attentes".
Publié par Alexis Buisson, correspondant à New York