Depuis la gare de Dieppe (Seine-Maritime) pourtant éloignée de presque un kilomètre, impossible de ne pas voir l’enseigne de la brasserie Tout va bien. Les immenses lettres rouges exercent une attirance presque hypnotique. “Nous captons énormément de primo-arrivants. Ils disent que notre enseigne les attire, car elle est rassurante et positive. Après leur première visite, ils reviennent parce qu’ils ont aimé le service et l’ambiance de notre brasserie dont l’enseigne est classée depuis 1876”, analyse le gérant, Vadim Novick. En face, de l’autre côté du chenal, unique bar du quai de la Somme, le Mieux ici qu’en face inspire une curiosité encore plus forte qui impacte la fréquentation. “C’est une ancienne maison où se rassemblaient les pêcheurs à pied. L’enseigne existe depuis 100 ans. Beaucoup de nos visiteurs viennent voir si l’intérieur correspond au côté frondeur du nom. Pour autant, cette enseigne existait ailleurs. Elle fut celui d’un établissement qui faisait face à la prison francilienne de Fresnes”, raconte avec douceur, Nicolas, l’un des deux gérants.
Prendre le risque de faire de l’humour
“La restauration est en train de vivre une révolution. L’humour d’une enseigne, ça marchait dans les années 1980. C’est complétement dépassé aujourd’hui. Pensez-vous qu’un jeune veuille aujourd’hui pousser la porte d’un Tout va bien ou d’un Narval”, analyse Bernard Boutboul, du cabinet Gira. Des propos que ne contestent pas l’essayiste Jean-Laurent Cassely, dont l’étude sur l’évolution des bars-tabacs a suscité un grand intérêt dans les médias. “Les noms drôles fonctionnaient dans les années 1980-90 en opposition avec la langue de bois de l’époque. De nos jours, si on veut faire de l’humour, il faudra agir dans un cadre plus global. En dehors d’un bref effet de surprise, l’enseigne “provoc” ne suffira pas. La communication dans les CHR est devenue tellement sophistiquée qu’une blagounette en façade se cantonnera à un détail”, explique le spécialiste des questions de mode de vie en consommation.
“Je passe mon temps à manger dans des établissements dont je ne me souviens jamais du nom dès la sortie. Trou Duck [qui a fermé à Bordeaux en 2023, NDLR] ou le Café Levrette marquent les esprits. Tout ce qui provoque reste dans la tête. Une enseigne drôle avec une identité forte fédère une communauté et facilite la communication comme des campagnes de SMS”, s’amuse Kévin Fomeju, de la société Hey Pongo qui travaille sur des solutions de fidélisation, de notoriété et d’émotion pour les entreprises. Drôle ou pas drôle, les restaurateurs veilleront aussi aux nouvelles susceptibilités. En témoigne les désagréments du restaurant Copains comme cochons, à Villeneuve-d’Ascq dans le Nord. L’association de défense des animaux Peta a exigé par courrier que le porc soit retiré de la carte du restaurant car “des animaux pouvant être des copains ne peuvent devenir des bouchées”. Une initiative qui a fait rire jaune le gérant, Patrice Cneuvels.

Publié par Francois PONT