du 28 avril 2005 |
ACHATS |
Frédéric Bau, directeur de l'Ecole du Grand Chocolat Valrhona, termine en ce moment un ouvrage de recettes de plats salés qui sentent le chocolat. Pour vous donner l'eau à la bouche, il a accepté de vous révéler en avant-première quelques-uns de ses tours de main et deux de ses recettes.
BERNADETTE GUTEL
Frédéric Bau
Mijotez des plats qui sentent le chocolat
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Frédéric Bau, directeur de l'Ecole du Grand Chocolat Valrhona depuis 1988, a deux passions le chocolat et la cuisine. "Pâtissier de formation, j'ai commencé à cuisiner, il y a 12 ans, explique-t-il. Je me suis alors plongé dans les livres d'Escoffier et je me suis intéressé à la cuisine de bon nombre d'autres grands chefs de France et d'ailleurs. Je me suis rendu compte qu'en France, on déguste le chocolat dans des pâtisseries, crèmes, bonbons, glaces, sorbets plutôt rarement dans des préparations salées et en petites doses pour lier la sauce comme dans la Baudroie au chocolat, spécialité du Sud-Ouest : il n'y a pas de plats qui sentent le chocolat. On en trouve au Mexique ou encore en Catalogne. Alors je me suis dit : je vais chercher à cuisiner le chocolat. Je ne voulais pas imaginer des plats sucrés-salés, je voulais réaliser de véritables plats salés." En 1993, dans le cadre du Sirha à Lyon, il a totalement séduit les clients de Valrhona invités au carré VIP avec une Langoustine sauce américaine chocolat, accompagnée d'une tapenade de poivron rouge confit. Il a par la suite conquis les clients du Raffles à Singapour, ceux du Savoye à Londres ou ceux d'Alain Dutournier du Carré des Feuillants à Paris. Et à chaque édition du Sirha, les clients VIP de Valrhona sont impatients de découvrir ses nouvelles recettes. "Tous ces convives, commente-t-il, se souviennent toujours plus de mes plats au chocolat que de mes pâtisseries au chocolat, aussi bonnes soient-elles." "Dans ma démarche, précise-t-il, je ne cherche pas à ajouter du chocolat pour ajouter du chocolat. Je ne veux pas non plus choquer mes convives. Je veux au contraire que mes recettes leur laissent dans leur tête une trace de plaisir et/ou de surprise. Ma démarche est totalement hédoniste."
Du
grué ou du chocolat couverture
Pour parfumer ses plats au chocolat,
Frédéric Bau utilise soit du grué, fèves de cacao torréfiées et broyées ou bien des
chocolats couverture de grands crus, très élégants. Jamais de la poudre de cacao ni de
la pâte de cacao. "La poudre de cacao et le beurre de cacao, tient-il à
préciser, sont des produits beaucoup moins nobles que le chocolat. Dépourvue de
beurre de cacao, elle manque d'élégance et de souplesse. Quant à la pâte de cacao qui
n'a pas bénéficié de l'opération de conchage, elle manque de rondeur et
d'arômes". Grand voyageur de par son métier, Frédéric Bau s'inspire des
cuisines du monde entier : cuisine mexicaine à base de chocolat, mais aussi cuisine
asiatique dans laquelle il remplace le beurre de cacahuète par du chocolat couverture
riche en beurre de cacao, ou de la cuisine espagnole où il remplace, par exemple, les
amandes concassées par du grué. Aujourd'hui, Frédéric Bau a imaginé une soixantaine
de recettes de plats salés au chocolat à base de viandes, de poissons, de crustacés, de
riz, de légumes
Ces recettes font l'objet d'un ouvrage en cours de réalisation. "Je
travaille sur ces recettes depuis plus d'un an et demi, confie-t-il. Les élaborer
m'a demandé beaucoup de temps parce que je suis néophyte en cuisine et que je ne veux
proposer que ce que j'ai envie de manger. Je cherche toujours à préserver l'équilibre
entre ce que l'on mange et ce que l'on retient du plat dégusté." La sortie de
cet ouvrage est prévue pour la fin de l'année 2005 aux Editions Montagud. Nous ne
manquerons pas de vous le présenter.
Cabosses, grué et chocolat. |
Le
grué : en infusion, en émulsion ou en tuile craquante
"Le grué, explique
Frédéric Bau, est composé de fèves de cacao torréfiées puis concassées. Issu de
fèves torréfiées, il présente une saveur chocolat assez puissante et amère. Contenant
tout le beurre de cacao de la fève, il peut être fondu pour être utilisé comme du
beurre pour faire des émulsions. Concassé, il peut être utilisé comme des amandes. Il
permet de donner aux mets le goût de chocolat sans utiliser de chocolat."
Et de poursuivre : "Dans la recette de
Quenelle de brochet Nantua, sauce au chocolat et spuma de bouillon d'écrevisses, cumin et
grué, pour la sauce chocolat, je fais infuser le grué dans de la crème. La crème
s'enrichit des saveurs de torréfaction et d'une légère amertume, et elle prend la
rondeur d'un chocolat au lait. Elle reste beige car la couleur marron foncé du grué ne
se diffuse pas. Pour la spuma de bouillon d'écrevisses, cumin et grué, j'émulsionne le
grué avec le bouillon d'écrevisses."
"Dans la recette Noix de pétoncle à la mangue et au grué de cacao, je joue sur le
côté craquant du grué. Je le broie très fin et je le parsème sur de fines tuiles
salées."
Le chocolat couverture riche en beurre de cacao permet de donner aux sauces ce côté soyeux recherché par Escoffier. |
Le
chocolat couverture : à utiliser en émulsion comme du beurre
"Quand on utilise du
chocolat couverture pour faire une sauce, explique Frédéric Bau, on obtient
véritablement la 'silky touch', autrement dit le 'soyeux' cher à Escoffier. Pour les
sauces d'accompagnement des viandes, on peut aussi bien utiliser du chocolat noir que du
chocolat blanc et pour les poissons, du chocolat au lait. On peut aussi, dans certaines
recettes, utiliser un mélange de chocolat noir et de chocolat au lait. Le chocolat colore
et parfume la crème. Le choix des crus, ou origines des chocolats, est important. En
fonction de leur provenance donc de leur terroir, ils apportent une note amère, fruitée,
acide ou bien épicée à la préparation."
"Pour utiliser le chocolat en cuisine, il
suffit de le faire fondre et on peut l'utiliser comme du beurre puisqu'il est également
riche en matières grasses. Emulsionné avec un fond ou un bouillon, de viande, de poisson
ou de crustacé, on obtient une sauce qui présente la texture d'une crème anglaise. En
effet, le chocolat étant riche en matière sèche et en fibres, la sauce émulsionnée
épaissit plus rapidement." "Dans ma recette Risotto au chocolat au lait et au
chocolat noir à la poitrine fumée et à l'anis, l'amertume du chocolat noir Araguani
s'équilibre avec la douceur du chocolat au lait Jivara." < zzz44d
DE
LA CABOSSE AU GRUÉ ET AU CHOCOLAT COUVERTURE
Une fois extraites de la cabosse (le fruit
à coque dure du cacaoyer), les fèves sont mises à fermenter puis à sécher sur les
lieux de production. Elles sont ensuite envoyées dans des usines de transformation où
elles sont nettoyées puis torréfiées et émondées On récupère ainsi l'amande de la
fève qui une fois concassée devient du grué. Le grué broyé donne la pâte de cacao.
Une partie de cette pâte est pressée pour séparer la matière sèche appelée tourteau
de la partie liquide appelée beurre de cacao. Le tourteau, dépourvu de beurre de cacao
est transformé en poudre de cacao. Quant au beurre de cacao, il est ajouté au reste de
la pâte de cacao et le tout est malaxé, broyé et pressé. Le mélange est alors
complété par du sucre et/ou du lait en poudre, puis broyé avant d'être battu ou
conché. L'opération de conchage permet de donner au chocolat la viscosité souhaitée et
d'en affiner les arômes. Le chocolat est alors tempéré et moulé pour obtenir du
chocolat en tablette à déguster ou du chocolat couverture à travailler en pâtisserie,
chocolaterie, confiserie et cuisine. Pour faciliter son utilisation et son dosage et
rendre sa fonte plus rapide, le chocolat couverture est également présenté en pistoles
ou en grains.
Où apprendre à cuisiner le chocolat ? L'École du Grand Chocolat Valrhona propose des
stages de cuisine au chocolat. |
Complément d'article 2922mp116
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L'Hôtellerie Restauration
n° 2922 Magazine 28 avril 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE