Aux premières assises des métiers de la salle : valoriser une filière méconnue

260 professionnels se sont rassemblés lundi 23 janvier à la CCIP de Paris pour confronter idées et expériences sur la valorisation des métiers de salle. La journée était fructueuse en échanges.

Publié le 27 janvier 2012 à 17:53

Enfin les métiers du service en salle sortent de l'ombre. Près de 260 professionnels – aussi bien de la salle, de la sommellerie, du bar, et de l'enseignement – n'ont pas manqué d'assister aux 'Premières assises des métiers de la salle', lundi dernier, dans les locaux de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris (VIIIe). Ce rassemblement donnait suite à la première réunion qui s'est tenue au Fafih le 5 décembre dernier où de nombreux échanges ont permis d'identifier les pistes de travail et actions à mener pour mettre en avant ce corps de métier. « Dans mon livret blanc publié en juin 2011, j'avais présenté 9 actions opérationnelles, dont un qui me tient particulièrement à coeur : 'La valorisation des métiers de la salle'. Il faut savoir que le secteur de la restauration est le quatrième employeur privé, c'est non délocalisable ! s'exclame le président du Comité France formation et alternance, Régis Marcon, à l'initiative de ce 'meeting', avant de poursuivre sur des chiffres qui interpellent : en 2010, plus de 20 000 emplois en salle étaient non pourvus. La baisse d'effectif était de 7 % en 2011, et un jeune sur cinq optait pour la salle en stage découverte au collège. C'est peu. Il faut vraiment s'interroger ! ».

Danielle Dubrac, vice-présidente de la CCIP, chargée des formations de l'apprentissage, rappelle de son côté que « 350 000 personnes liées au service en salle travaillent en restauration sur les 700 000 salariés du secteur : 240 000 serveurs, 10 000 barmen, 35 000 employés de café, 32 000 employés en restauration collective, 30 000 maîtres d'hôtel, et 3000 sommeliers. 6 jeunes sur 10 ont un emploi en salle trois ans après leur entrée dans le secteur ». Même si la profession suscite un engouement certain auprès des jeunes, à l'instar de la cuisine ; les métiers de la salle souffrent d'un déficit d'image car ils sont peu valorisés, et souvent méconnus. Pourtant, il y a quelques décennies, « François Vatel, maître d'hôtel de Louis XIV, ou encore Rudolf Slavik, barman au Georges V à Paris en 1952, étaient des professionnels de salle mondialement connus dans leurs disciplines. Beaucoup nous envient le service à la française - qui requiert des exigences permanentes. La qualité de l'accueil et les compétences linguistiques sont incontournables pour les touristes étrangers. À l'occasion de la seconde édition de la Fête de la gastronomie, le 22 septembre 2012, nous allons aussi valoriser ces métiers qui sont si nobles et essentielles » intervient le secrétaire d'Etat Frédéric Lefèbvre, dans une vidéo réalisée spécialement pour les premières assises des métiers de salle.

Instaurer une complicité avec la clientèle

Puis, l'après-midi s'est poursuivie par une table-ronde 'Ce qui a fait votre choix des métiers de la salle', animée par Eric Roux. Trois jeunes aux profils différents - Laetitia, Fabrice et Mohammed – étaient soit en poste ou encore en étude, et ont pourtant fait le choix de tout abandonner pour se lancer dans la restauration. Pour ce faire, ils ont réalisé un CQP de préparation opérationnelle à l'embauche en trois mois de formation dont trois semaines de stage en salle pendant les fêtes de Noel (une période dense). Leurs ambitions sont identiques : être en contact avec la clientèle et opter pour un métier 'de vie'. Denis Courtiade, directeur de restaurant du Plaza Athénée à Paris, à quant à lui parler du nouveau concept mis en place il y a un an par Alain Ducasse : 'Quitter l'original pour retourner à l'originel'. Il a alors changé l'organisation globale de la salle pour se mettre en phase avec les attentes des clients : miser sur la convivialité et instaurer une complicité avec eux. « Il faut que l'on s'accepte entre les deux parties - salle et cuisine -, l'un ne va pas sans l'autre. Avec mon équipe, on passe régulièrement une matinée en cuisine pour s'informer, goûter  et comprendre les plats que l'on va vendre. Après ça, le message que l'on transmet au client sera forcément différent ».

Le second témoignage de Romain Cousot, maître d'hôtel au restaurant Noma à Copenhague (Danemark) est en décalage complet avec les traditions françaises. Originaire de Nice, il a néanmoins quitté l'Hexagone à cause de son côté « trop protocolaire : smoking pour le personnel, chacun est hiérarchisé, etc. Il y a beaucoup trop de code en France ! A Noma, le serveur est à la fois sommelier, maître d'hôtel, runner et vice-versa. C'est plus démocratique » insiste t-il. L'autre particularité réside dans le fait que le cuisinier vient en salle. La dimension humaine est alors à son comble et c'est justement cette valeur ajoutée que les clients aiment avant tout. « Voir le chef, parler avec lui, les convives ont tout de suite les yeux ébaillis ». Christophe Pham Van donne son avis en tant que professeur de salle au lycée Storck à Guebwiller (67) : « pour intéresser nos élèves, on les fait travailler sur le management, la commercialisation, la connaissance des produits et la théâtralisation. On a besoin de maîtres d'hôtel, directeurs de salle pour les encourager. A vous, professionnels, de nous faire rêver ! ».

La théâtralisation et le service en salle, deux métiers liés

Quelques élèves de l'école Grégoire Ferrandi à Paris sont ensuite montés sur scène, chacun avec une tenue différente, afin de montrer que le service en salle est une grande famille : du restaurant rapide au bistrot, en passant par la brasserie, ou les étoilés ; les carrières peuvent être multiples. Puis, place à la visualisation d'une vidéo de 6 minutes sur l'art de combiner la théâtralisation aux métiers de salle, avec des lycéens du CEFPPA d'Illkirch Graffenstaden (67) en action. Comme un acteur sur scène, le serveur doit faire attention à sa tenue, sa prestance, ses gestes, son élocution face au client. Pas question d'avoir un corps qui se traîne : en salle, il faut du dynamisme, de l'énergie. Avoir un esprit sain, dans un corps sain. Les métiers de l'hôtellerie restauration ont changé, les clients aussi. Alors, le monde du service doit évoluer, être dépoussiéré, être en osmose avec la cuisine. La vidéo montre aussi que le serveur n'est pas qu'un passe-plat, mais un intermédiaire entre la salle et les fourneaux, un lien entre le chef et le client. À lui de connaître les recettes, les plats, mais surtout les produits. Le service, l'accueil et le travail en salle font parties de l'art de recevoir. Ces jeux de rôle peuvent être source de motivation pour les jeunes qui veulent se lancer dans les métiers de salle. Un moyen d'apprendre différemment la profession.

Comment communiquer pour une autre image des métiers de la salle ?

Animée par Bruno Treffel, président de l'ANPCR, cette deuxième table-ronde s'est attardée sur la communication des métiers de salle auprès des jeunes. Pascal Garnier, directeur de salle à La Grenouillère à La Madelaine-sur-Montreuil (62) a la même philosophie que le restaurant Noma, il n'y a donc pas de hiérarchisation en salle. Son principe pour attirer les jeunes au métier ? tout le monde fait les petites tâches, porte le même costume pour être au sur un pied d'égalité. Il organise beaucoup d'ateliers et emmène son personnel à l'étranger pour faire des démonstrations. Ce procédé marche. « Par exemple, il y a un dessert de notre carte que l'on jette dans l'assiette du client. Il faut lui montrer qu'on existe ! » lâche t-il. Plusieurs personnes dans la salle émettent l'idée qu'il faudrait aller dans les collèges pour parler du métier. 15 ans, c'est l'âge auquel ils sont réceptifs. Sophie Mise, commissaire générale de la fête de la Gastronomie, intervient en disant « que la communication devrait se faire bien en amont auprès des familles. Les parents sont formatés et beaucoup ne laissent pas leurs enfants se lancer dans les métiers de l'HR, parce qu'ils ne seront pas issus d'études supérieures. Il y a un vrai travail de démocratisation à faire là-dessus ! ». Dans la même lignée, les conseillers d'orientation des collèges devraient découvrir le métier pour plus sensibiliser les jeunes. La question de la rémunération fait surface : avant les salaires se faisaient au pourcentage. On gagnait bien sa vie en restauration et c'est ce qui attirait. Autre point : mettre en avant les concours de service en salle serait glorifiant pour la profession car les jeunes aiment les défis et les challenges.

Les idées fusent et n'ont pas manqué d'alimenter cette grande journée des métiers de la salle. « Ces premières assises sont un démarrage pour valoriser la salle. Il faut continuer sur cette lancée ! Un manifeste sera publié d'ici quelques mois à destination des élèves des lycées hôteliers et Cfa. N'hésitez pas à apporter des idées pour que l'on puisse avancer tous ensemble sur la valorisation des métiers de salle ! Professionnels, pensez-aussi à créer une association sur votre corps de métier… il n'en existe pas pour l'heure » a conclut Régis Marcon, sur ce dernier appel.
Cette journée, qui en appelle d'autres, permet déjà d'envisager des réponses aux questions posées et doit conforter les jeunes dans les choix de ces voies professionnelles porteuses d'emplois. L'après-midi s'est achevée par la dégustation de galettes offertes par la maison Lenôtre et de cidre, avec bien entendu, une explication d'accord 'met/vin' par les sommeliers.


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Publié par Hélène BINET



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