Les annonces de fermetures de restaurants s’enchaînent. D’après l’Observatoire statistique du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, le nombre de radiations d’établissements de restauration (rapide ou traditionnelle) est passé de 13 232 en 2019 à 20 579 en 2022. Selon Hubert Jan, président de la branche restauration de l'Umih, ces fermetures devraient “aller crescendo” : “Le constat est alarmant. Nos deux coûts principaux - les frais de personnel et les coûts des matières premières - ont pris l’un près de 20 %, et l’autre près de 30 %. L’énergie a flambé. Quand tout ça s’accumule, c’est explosif.”
► "On paie le Covid maintenant"
Fin novembre 2022, Sébastien Riou a ainsi déposé le bilan, dix ans après l’ouverture de son restaurant périgourdin Un parfum de gourmandise et trois ans après l’obtention d’une étoile au guide Michelin. “Un déchirement” pour celui qui a finalement perdu dans ce bras de fer contre le Covid. “Au premier confinement, on n’a eu aucune aide de mars à novembre 2020. De juillet à septembre 2021, on a organisé un restaurant éphémère dans un jardin, mais avec le pass sanitaire, on a perdu notre clientèle et creusé notre déficit. Après ça, on n’a jamais retrouvé notre fréquentation d’avant Covid”, raconte-t-il. Fin 2022, le chef finit par jeter l’éponge : “Les charges sont devenues trop élevées par rapport à la fréquentation en baisse, et les différentes mensualités - PGE, Ursaff… - ont été reportées en 2022. On paie le Covid maintenant. On a décalé le problème, mais avec la crise énergétique et l’inflation, c’est quasiment insoluble pour beaucoup de restaurateurs indépendants.”
► L’expérience ne suffit pas
Bastien Rouillard a lui aussi rendu son tablier. Son restaurant traditionnel La Tête de violon, ouvert en juillet 2021 à Guerlédan (Côtes d’Armor), a tiré le rideau début 2023. “J’avais pourtant plusieurs années d’expérience dans la restauration, en tant que chef ou manager. Mais cela ne suffit pas. Fin septembre, la fréquentation a diminué : avec l’inflation, les gens ont revu leurs priorités, et les restaurants n’en font plus partie. Notre ticket moyen est passé de 25 à 18 €. En parallèle, les prix des produits et des bouteilles de gaz ont fortement augmenté. On a terminé l’année avec un bilan déficitaire : on a préféré arrêter avant que la situation ne soit trop dégradée”, explique-t-il.
► Des équipes réduites
De son côté, l’Hôtel Barrière Le Westminster Le Touquet a dû fermer les portes de son restaurant gastronomique Le Pavillon... temporairement. Faute de personnel, l’établissement étoilé chapeauté par le chef William Elliott n’a pas fonctionné depuis décembre 2021. “Parmi nos équipes, certains ont décidé de changer de vie, d’autres se sont tournés vers des boutiques de boulangerie-pâtisserie, dont les horaires sont moins contraignants, constate le directeur général John Banizette. En avril 2022, la partie séminaire, qui représente 35 % du volume d’affaires, a repris très fort. Avec les problèmes de recrutement, il nous était impossible de mener tout de front - la brasserie, le petit déjeuner, le room service, les séminaires – et d’ouvrir Le Pavillon dans des conditions qui garantissent le niveau d’exigence d’un restaurant étoilé.”
► Rebondir
Il s’agit maintenant de rebondir. Le Pavillon devrait rouvrir en avril prochain, après avoir revu ses conditions salariales (treizième mois progressif, nouvelles grilles de rémunération, week-ends garantis, paiement trimestriel des heures supplémentaires…). Bastien Rouillard est devenu manager dans la grande distribution, ce qui lui permet de “retrouver une vie sociale le week-end”. Sébastien Riou, quant à lui, est passé chef de l’hôtel restaurant Charbonnel à Brantôme, en Dordogne : “J’étais prêt à arrêter le métier, mais la place est très intéressante. Le Charbonnel a eu une étoile il y a quarante ans : l’idée est de réactualiser les cartes de l’époque.” Très ébranlé par cette fermeture forcée, Sébastien Riou garde néanmoins le cap : redécrocher l’étoile perdue.
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Publié par Violaine BRISSART