Andoni Luis Aduriz : "Il faut savoir casser les codes pour rester sur une proposition créative"

Errenteria (Espagne) Le restaurant basque Mugaritz fêtera l'an prochain ses vingt ans. Deux décennies d'innovations et de recherche perpétuelle de la part du bouillonnant chef. Et cette année encore, il entend chambouler les règles.

Publié le 19 mai 2017 à 13:32

L'Hôtellerie Restauration : Quelles sont les principales nouveautés à la carte du Mugaritz cette année ?

Andoni Luis Aduriz : Nous travaillons avec une centaine de nouveaux plats cette année, comme la Raie croustillante au beurre noir, les Brins d'asperge à la sauce garum [sauce à base de poisson fermenté dans du sel et utilisée comme condiment durant l'Antiquité romaine, NDLR] ou le Tartare d'huîtres sur sa boule de glace. Ce dernier est l'un des plats les plus emblématiques de la nouvelle carte : il n'y a pas de cuisson. Tout est dans la finesse de la découpe et l'interaction entre les matières, de la saveur des huîtres jusqu'au contact de la glace sur les lèvres. Ce que nous voulons, c'est donner toute sa place à la sensorialité. Parce qu'il s'agit de raconter une histoire, en considérant chaque plat comme une séquence. Et sans forcer le protocole, sans imposer des règles extérieures à cette narration.


C'est pour cela que vous avez supprimé les desserts de la carte cette année ?

Oui, mais il faut contextualiser. C'est en fait une suite logique dans l'histoire du restaurant. Nous avions d'abord franchi une première étape en laissant la table nue, avec au centre une sculpture en mouvement perpétuel inspirée du sculpteur Jorge Oteiza. Nous avions décidé que tout ce qui arrivait ensuite sur la table ne serait plus un objet, mais un outil. Il s'agissait de donner à découvrir 25 plats, comme autant de pas pour inciter les clients à manger avec les doigts, si cela se justifie bien sûr, comme on a l'habitude de le faire avec les amuse-bouche. C'est un moyen de stimuler la sensorialité, parce que la bouche commence avec les doigts. Mais il faut pour cela s'affranchir des règles, y compris celle de terminer le repas avec un dessert. Attention, je ne suis pas contre le dessert ! Mais on doit pouvoir le choisir en toute liberté, pas par obligation.


Quelle est la place de l'innovation aujourd'hui dans votre travail ?

L'innovation est plus importante au niveau de la relation avec les clients qu'au niveau technique. Par exemple, dans le respect de la juste temporalité du service. Pour moi, la touche de sel sur un aliment est aussi importante que le temps du service. J'ai pris conscience de cette importance notamment au Japon, où les meilleurs restaurants de sushis se distinguent par un tempo qui ne supporte pas l'attente : le cuisinier prépare et le sushi doit être mangé à l'instant. On découvre ainsi que le protocole de notre culture peut se heurter à d'autres traditions culinaires. Il faut savoir casser les codes pour rester sur une proposition créative, c'est le lieu de l'innovation.


Vers où se portent vos recherches actuellement ?

Je travaille avec diverses unités de recherche, dont l'université berlinoise Humboldt, en collaboration avec des chercheurs en psychologie et neurosciences, pour savoir comment une expérience gastronomique peut influencer nos mémoires. Cela se retrouve dans la relation avec les clients du Mugaritz. Nous partons du principe que chacun est habitué à trouver beaucoup de plaisir dans ce qu'il se remémore, mais comme le cerveau est un peu paresseux, c'est à nous de créer les conditions pour aller au-delà de ces limites. Car, de même que l'apprentissage d'une autre langue développe nos capacités cognitives, la découverte de nouvelles saveurs enrichit notre rapport aux autres et au monde.


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Publié par Francis MATÉO



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