Fabrice Louyot n’aime pas “stagner”. Il fait ses armes en Alsace, dans les meilleures maisons : Kieny à Riedisheim (1 étoiles Michelin), l’Auberge de l’Ill à Illhauesern, le Crocodile à Strasbourg (3 étoiles)… Il effectue ensuite son service militaire au sein des cuisines de l’Hôtel Matignon, avant de devenir cuisinier particulier de l’ambassadeur de France à La Haye (Pays-Bas). Toujours avide de nouvelles expériences, il s’essaie aux spécialités régionales dans une taverne alsacienne puis au métier de traiteur, avant de décrocher en 2002 son premier poste de chef de cuisine à l’Alsace à table, un restaurant spécialisé dans les poissons et fruits de mer, situé à Strasbourg. “J’avais 19 cuisiniers sous mes ordres, dans un restaurant ouvert 7 jours sur 7, avec 150 couverts par service en moyenne”, se souvient-il.
Deux ans plus tard, le jeune chef s’envole pour la Nouvelle-Calédonie, où il officie dans les cuisines de la Coupole, le restaurant gastronomique de l’Anse Vata. “J’ai dû apprendre à m’adapter aux us et coutumes locales, ce qui n’a pas été évident. J’ai même failli reprendre l’avion et retourner d’où je venais tellement j’ai halluciné en arrivant ici. En métropole, on donne un ordre, la brigade répond ‘Oui chef’. Ici, c’est ‘ouais’, et encore… Je venais d’un milieu rigoureux. Ici, les cuisiniers ne faisaient pas attention au respect des produits et des recettes. Je résumerais l’état d’esprit par une expression locale : ‘Casse pas la tête’”, raconte-t-il.
Finalement, le chef passera cinq ans dans cet établissement, avant de monter, à Nouméa, La Table des gourmets, un établissement de spécialités régionales françaises, en 2009. “Je suis arrivé à la banque avec mon CV, sans argent. Ils y ont cru et j’ai pu accéder au fonds de commerce, glisse-t-il. Je me disais qu’il était insensé de faire de la cuisine gastronomique ici. Les produits de luxe sont hors de prix : un kilogramme de foie gras coûte 65 €. Il y a moins de 300 000 habitants en Nouvelle-Calédonie et la moitié n’a pas les moyens d’aller au restaurant. Il fallait faire quelque chose de plus simple.”
Patience et pédagogie
Aujourd’hui, l’adresse tourne bien, et Fabrice Louyot s’enthousiasme pour sa qualité de vie (“une maison devant le Pacifique”, des “paysages somptueux”…). Mais il lui aura fallu beaucoup de persévérance pour en arriver là. “Il est très compliqué de trouver du personnel, car les gens ne sont pas formés. Tous les jours, il faut rappeler les règles d’hygiène, être derrière, accompagner, encourager…Plutôt que de crier, j’ai formé mes équipes, sans répit. Et s’il faut aller au charbon, j’y vais avec mes salariés”, explique-t-il. Un mode de management qui finit par payer. “En dix ans, il n’y a eu aucun turn-over en cuisine. Zéro absence, zéro arrêt maladie”, poursuit-il.
Par ailleurs, l’approvisionnement s’avère délicat : “Faire des recettes de grand-mère - du cassoulet, du petit salé aux lentilles… -, avec un maximum de produits frais à l’autre bout du monde, c’est un défi. En métropole, les producteurs étaient aux petits soins pour nous fidéliser. Ici, on a peu de choix dans les produits, il faut faire avec. On travaille avec les producteurs locaux pour les fruits et légumes, le cochon... Mais pour la charcuterie, le bœuf et l’agneau, par exemple, on importe par bateau d’Australie ou de Nouvelle-Zélande, et il y a souvent des ruptures de stock.”
Fabrice Louyot, qui ne regrette aucunement son choix, ne le conseillerait pas pour autant : “Il y a de très grandes différences de salaires : un chef va gagner environ 2 900-3 300 € bruts, un second de cuisine 1 800-1 900 €, et une personne au smic, 1 300 €. Or, la vie est chère ici, notamment les loyers. Cela ne vaut pas le coup pour un saisonnier, à moins de venir à deux pour partager les frais.”
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Publié par Violaine BRISSART