Le secteur des CHR est particulièrement dynamique dans le domaine des créations et reprises d'entreprises. Il s'agit d'un secteur à risque, notamment aux yeux des banquiers qui sont donc particulièrement sélectifs dans le choix des dossiers à financer.
La préparation de la création et la réalisation d'un business plan complet et sincère sont indispensables pour espérer obtenir la confiance des banquiers et augmenter les chances de réussite durable.
Le business plan (plan d'affaires en français, ou plus simplement dossier de création d'entreprise) est indispensable pour valider l'idée et organiser la création et le démarrage de l'entreprise. C'est un document de communication essentiel dont dépendra en partie la crédibilité du projet auprès des partenaires (associés, fournisseurs…) et des banquiers.
Tous les projets ne font pas l'objet d'une étude de faisabilité financière complète qui prend plusieurs heures voire plusieurs jours avec l'aide de conseils. Pour les reprises en particulier, une étude de faisabilité sommaire est réalisée qui débouche sur la poursuite des négociations avec le vendeur ou sur le rejet du projet. Lorsque les négociations avec le vendeur aboutissent, un business plan complet est réalisé.
Voici un exemple d'étude de faisabilité sommaire.
Deux personnes non professionnelles de la restauration m'ont consulté pour l'étude de faisabilité de l'achat d'un fonds de commerce bar-restaurant situé dans le centre d'une ville de 500 000 habitants :- 80 places sur environ 95 m2 ;
- ouvert de 7 h 30 à 19 h 30 sauf samedi et dimanche ;
- affaire exploitée en nom propre par un couple et 1,5 salarié ;
- loyer : 450 € HT par mois. Bail neuf ;
- prix demandé pour le fonds de commerce : 270 000 €.
1/ Se faire une première idée de l'affaire
À partir du compte de résultat comptable que le vendeur a l'obligation de communiquer à l'acquéreur, j'ai réalisé une synthèse en quelques minutes.
Chiffre d'affaires |
183 000 € |
100 % |
|
Matières |
80 000 € |
44 % |
|
Personnel |
58 000 € |
32 % |
Charges de personnel + résultat |
Frais généraux |
24 000 € |
13 % |
|
RBE |
21 000 € |
11 % |
• Pourquoi regrouper les charges de personnel et le résultat ?Dans une entreprise individuelle, la rémunération de l'exploitant ne figure pas dans les charges de personnel mais dans le résultat. Pour se faire une idée du coût du facteur travail, je regroupe les postes incluant la rémunération du travail. Dans une société, le résultat représente la rémunération des apports : il n'y aurait pas lieu dans ce cas-là d'en tenir compte pour le calcul du coût du personnel.
• Pourquoi la synthèse du compte de résultat s'arrête-t-elle au RBE ?Les coûts d'occupation dépendent du montage financier et de l'ancienneté de l'affaire. Ils seront forcément différents après la reprise puisque les acquéreurs mettront en place leur propre montage financier. Par contre, le RBE est intéressant à calculer car il nous donne une idée de la rentabilité d'exploitation de l'affaire et donc de sa capacité à couvrir les remboursements d'emprunt et à rémunérer les apports.
• Quelle est ma première impression sur les exigences du vendeur ?Pour se faire une première idée sur la valeur du fonds de commerce, on compare le chiffre d'affaires et le prix demandé pour le fonds :
CA ÷ prix du fonds = 183 000 ÷ 270 000 = 0,68.
Le chiffre d'affaires est largement inférieur au prix du fonds alors qu'il est généralement admis qu'un euro investi dans la restauration doit permettre de réaliser un CA de 1,3 à 1,8 €.Un tel prix ne peut se justifier que par un emplacement exceptionnel susceptible de permettre une croissance importante du CA.
2 / Étudier le projet en fonction des moyens des acquéreurs
Quelques questions me permettent de connaître les projets et les moyens des repreneurs.Investissement et financement :
- les acquéreurs n'envisagent pas de travaux dans un premier temps ;
- ils disposent d'un apport de 75 000 € et les frais d'acquisition sont estimés à 12 000 €.
Exploitation :
- l'équipe sera constituée du couple de repreneurs, tous deux salariés à 1 900 € bruts par mois et de 2 salariés à 1 500 € bruts par mois. Les cotisations s'élèvent à 39 % du brut pour l'employeur ;
- l'objectif est de 32 % de ratio matières et de 12 % de frais généraux, charges variables.
Je calcule l'emprunt nécessaire en estimant la trésorerie de départ à 7 000 € :
Montage financier :
Besoins |
Ressources |
||
Achat du fonds Frais Trésorerie |
270 000 12 000 7 000 |
Apport Emprunt |
75 000 214 000 |
289 000 |
289 000 |
J'en déduis le montant de l'annuité d'emprunt pour un taux de 6 % et une durée de 7 ans et la capacité d'autofinancement (CAF) nécessaire :
Annuité |
Intérêts |
Remboursement |
38 335 € |
12 840 € |
25 495 € |
Pour pouvoir rembourser l'emprunt, la capacité d'autofinancement dégagée la première année devra être au moins égale à 25 495 €.
J'estime le RBE nécessaire pour atteindre ce niveau de CAF (pas d'impôt) :
RBE - loyers - intérêts |
? 5 400 12 840 |
CAF nécessaire |
|
= CAF (*) |
25 495 |
En l'absence d'impôt, le RBE doit permettre de payer les loyers et les intérêts des emprunts. Le solde est égal à la CAF et doit être suffisant pour rembourser les emprunts.
Si CAF nécessaire = 25 495 € => RBE nécessaire = 25 495 + 5 400 (loyers) + 12 840 (intérêts) = 43 735 €
J'estime le CA nécessaire pour atteindre ce niveau de CAF :
CA |
Inconnu |
Matières Personnel (1) Frais généraux |
32 % x CA 113 424 € 12 % x CA |
RBE |
43 735 € |
Sachant que :
CA – (32 % x CA) – 113 424 – (12 % x CA) = 43 735 €
Il faut que CA = 280 641 € (1)
(2 x 1 900 + 2 x 1 500) x 1,39 x 12 = 113 424 €
3/ Que conclure ?
Voilà ce que j'ai dit aux acquéreurs potentiels : "Pour être solvable, votre restaurant devra réaliser un CA de 280 000 € contre 180 000 € aujourd'hui. Est-ce possible compte tenu de ce que vous savez de l'établissement : emplacement, prestation… Personnellement, cela me paraît difficile à réaliser quand je vois la fréquentation et l'addition moyenne actuelles qui sont déjà convenables. Je pense donc qu'il n'est pas possible de rentabiliser cet établissement en l'achetant à ce prix-là.
Si vous souhaitez poursuivre l'étude de ce dossier, il faut revenir vers le vendeur et lui montrer que l'étude de faisabilité sommaire que nous venons de réaliser conclut à la non-faisabilité aux conditions d'investissement et de financement actuelles."
Publié par Jean-Claude OULÉ