L'Hôtellerie Restauration : En quoi les récentes réformes ont-elles redynamisé la formation professionnelle pour les métiers de l’hôtellerie et de la restauration ?
Michel Lugnier : Les réformes engagées depuis une dizaine d’années s’inscrivent dans un projet global qui vise à améliorer l’attractivité et la lisibilité des formations afin d’offrir des réponses adaptées aux besoins d’un secteur stratégique pour la France qui demeure le pays le plus visité au monde. En matière de formation, il s’agit d’élever le niveau des compétences liées à l’accueil et aux techniques professionnelles, afin de prendre en compte l’environnement technologique nouveau qui se dessine ainsi que les acquis de la recherche dans les domaines de la santé, de l’environnement, du développement durable… Ces évolutions en termes de formation sont rendues d’autant plus indispensables qu’au-delà de la maîtrise technique, la capacité d’adaptation est devenue un facteur important d’employabilité et d’évolution professionnelle. Ce qui singularise les formations du secteur HR, c’est l’existence d’une offre complète et diversifiée à tous les niveaux de qualification. C’est également une plus grande complémentarité entre les formations. C’est enfin des contenus qui intègrent les enjeux sociétaux relatifs aux transitions écologique, énergétique ou encore numérique.
Ces réformes vont-elles permettre d’avoir des profils de jeunes diplômés plus polyvalents ou, au contraire, plus spécialisés ?
L’hyper-spécialisation qui caractérise actuellement l’enseignement professionnel ne constitue en rien une réponse à la forte concentration de la demande des jeunes et des familles pour quelques formations. Elle contribue en revanche à sa faible lisibilité et constitue un défi de taille pour tous les prescripteurs en orientation. La voie professionnelle accueille, en effet, près de 100 spécialités de formations au niveau du baccalauréat et 200 au niveau du CAP. Au-delà du fait qu’il semble presque impossible de délivrer aux élèves et aux familles une information exhaustive et fiable, la réalité est que moins de 40 spécialités de CAP accueillent plus de 80 % des élèves tandis que trois spécialités de baccalauréat accueillent, à elles seules, les deux tiers des 310 000 élèves inscrits dans une spécialité de service. Il existe, à l’évidence, un décalage majeur entre une offre caractérisée par la présence de nombreuses spécialités de formation et l’expression d’une demande des jeunes et des familles qui se concentre sur quelques formations. Ces constats sont, pour partie, au fondement du processus de rationalisation de l’offre de CAP que nous avons opéré, avec la profession. Ils nous ont également conduits à rechercher les modalités destinées à atténuer l’effet de silo que l’on observait au niveau des BTS. Avec l’architecture retenue - une première année commune aux trois valences et une deuxième année professionnalisante autour d’une seule valence -, nous avons souhaité conférer toutes les bases nécessaires à l’exercice des responsabilités d’un cadre intermédiaire dans le secteur HR conscient de ce qui se joue dans son environnement professionnel et ce au-delà de la spécialité vers laquelle il se dirigera. Cette structuration répond à la nécessité de diversifier les parcours de formation tout en préservant la réversibilité des choix de l’étudiant. L’existence de cinq blocs de compétences dont quatre sont communs aux trois spécialités offre, en effet, au détenteur d’une spécialité du BTS MHR le choix entre une poursuite d’études en licence, l’insertion professionnelle ou encore l’obtention d’une autre spécialité du BTS MHR moyennant, dans ce dernier cas, la seule validation du pôle 1, spécifique à chacune des trois spécialités.
Comment faire pour que les programmes enseignés collent au plus près des attentes sur le terrain ?
Avec ses nombreux établissements de proximité, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration fait figure de locomotive pour l’économie nationale mais aussi pour le développement des territoires. Si le maillage étroit des entreprises sur le territoire national constitue un atout, il n’en demeure pas moins un défi en termes de prise en compte des attentes du monde professionnel. Nonobstant les quelques très grandes entreprises qui sont en mesure d’offrir des parcours professionnels diversifiés, les emplois se situent majoritairement dans des établissements deux fois plus petits que la moyenne des autres secteurs. Or, quelles que soient les caractéristiques des quelque 200 000 entreprises qui le composent, toutes sont confrontées aux mutations techniques, managériales et organisationnelles qui affectent ce secteur de l’activité économique. L’individualisation des demandes des clients, la diversification des modes et concepts de restauration, l’ouverture à l’international, le poids croissant des technologies d’information et de communication, la prise en compte des considérations liées à la santé, à la sécurité, au développement durable ou encore à la lutte contre le gaspillage entraînent des changements profonds dans les attitudes professionnelles. Si l’évolution et l’adaptation des contenus de formation s’avèrent indispensables pour permettre aux prestations réalisées par les entreprises de demeurer en phase avec les attentes et les besoins du marché, elles se doivent tout autant d’intégrer les caractéristiques spécifiques de ce secteur, qui tendent à le fragiliser : atomisation des entreprises, part importante des jeunes sans qualification, rotation importante du personnel, viabilité faible des entreprises… C’est la raison pour laquelle, toute rénovation engagée résulte systématiquement d’une étude préalable approfondie des besoins des entreprises conduite par les représentants de la profession. C’est à partir de ce diagnostic partagé que nous construisons ensemble des réponses en termes de formation qui se veulent les plus adaptées.
Michel Lugnier éducation nationale #Réforme#
Publié par Anne EVEILLARD