Retour d'expérience : Au Café Joyeux, Garance Perrot a fait le choix d'un "univers plus humain"

Paris Actuellement chef de cuisine au Café Joyeux Opéra à Paris (IIe) qui emploie des personnes atteintes de handicap mental et cognitif, Garance Perrot a plusieurs expériences culinaires à son actif. Celle-ci, à visage social, semble toutefois être la plus marquante pour elle au niveau tant professionnel que personnel.

Publié le 22 août 2018 à 19:00
Ce lieu qui célèbre la différence en employant des personnes porteuses d'un handicap mental a d'abord ouvert à Rennes (Ille-et-Vilaine) en décembre 2017, avant de faire son apparition à Paris le 22 mars dernier. "Quand j'ai entendu parler du Café Joyeux, je me suis immédiatement intéressée à ce projet. L'aspect humain et social m'avait manqué au cours de mes expériences précédentes", relate Garance Perrot. Le travail de la jeune chef est double : il lui faut encadrer des employés aux capacités limitées tout en créant et respectant une carte composée de mets salés et sucrés. 

Âgée de 31 ans, Garance a d'abord obtenu une licence en agriculture biologique, puis s'est reconvertie en obtenant un CAP boulangerie, suivi d'un deuxième en cuisine. Après avoir occupé plusieurs postes dans la restauration dans un esprit bistronomique, à petite et grande échelle, elle accorde une importance considérable à la traçabilité et la qualité des produits, valeurs portées par les fondateurs bretons du Café Joyeux, Yann Bucaille Lanrezac et sa femme, Lydwine. 

Sa dernière expérience en tant que chef chez Rose Bakery, rue des Martyrs (Paris IXe), l'a familiarisée à l'esprit épicerie, salon de thé et cuisine végétarienne. Sensible à la transmission du savoir et la pédagogie, elle souhaitait s'orienter vers un "univers plus humain" afin de sortir du "schéma classique de la restauration où la hiérarchie autour du chef est parfois difficile à supporter".

Savoir dédramatiser

Le métier de restaurateur devient alors différent. Bien que la passion demeure, certaines compétences sont davantage mises en avant. "Il faut avoir un réel savoir-faire au niveau du management c'est-à-dire savoir gérer les équipes sans jamais laisser place au doute. J'invite d'ailleurs tous ceux que cela intéresse à me contacter", explique Garance qui gère quatre commis à différents moments de la journée. Les compétences de chaque cuisinier ont été étudiées en amont afin de pouvoir déterminer quel type de tâches ils devraient effectuer. "C'est comme ça qu'ils progresseront car on sait qu'ils en sont capables. S'ils y parviennent, ça représente une vraie victoire pour eux", ajoute-t-elle.

Le cadre de travail et la planification des tâches doivent être extrêmement rigoureux et de l'ordre du rituel. Établir des repères dans l'esprit des commis est un défi de taille. En s'éparpillant trop, la chef risquerait de les perdre. De plus en plus autonomes sur la confection des pâtisseries, ils ont déjà fait des erreurs qui se sont transformées en recette (en confondant les amandes avec les noix de pécan, par exemple). "Une très bonne ambiance règne en cuisine, on rigole bien. Il faut savoir dédramatiser car avant d'être handicapés, ce sont des individus, tous passionnés par la cuisine", raconte la chef.

Faire quelque chose qui a du sens

Les commis ne se plaignent presque jamais et montrent un enthousiasme surprenant à exercer les tâches en cuisine. Garance souligne que "travailler avec des personnes handicapées est très gratifiant". Même si elle ne partait pas avec de forts préjugés, "il y a un côté bluffant et la capacité d'apprentissage de ces jeunes est étonnante"

Sa plus belle récompense est de les voir progresser et s'épanouir dans ce qu'ils font, en plus de faire plaisir au client. Cela entraîne une ouverture d'esprit plus grande et un regard différent sur le monde du travail puisque le Café Joyeux s'apparente à une entreprise ordinaire. "On a la sensation de faire quelque chose qui a du sens et qui apporte vraiment de l'espoir et de la motivation, même si ce n'est qu'à quatre personnes", raconte Garance avec émotion. 

Le retour positif de certains parents est d'autant plus gratifiant. "Quand j'ai annoncé à l'une des mères des commis que son fils était embauché en CDI, elle m'a sauté au cou", a-t-elle ajouté. La motivation est telle que les commis souhaitent y travailler toute leur vie. Et pour l'avenir ? Une nouvelle carte, des recettes plus complexes, un service de vente à emporter et beaucoup de joie en prime... 

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Publié par Camille BORDERIE



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