Une nouvelle page s'ouvre pour Christophe Bibard. Celui qui a
fait ses armes au Plaza Athénée (Paris) auprès de Jean-François Piège,
puis participé à l'émission Top Chef en 2011, avait un rêve en tête :
travailler à l'étranger. En juin 2013, le chef passe à l'acte et embarque femme
et enfant, direction Miami. "J'étais parti deux fois en vacances dans cette
ville. Je m'étais un peu renseigné pour savoir s'il était facile d'y
travailler. Finalement, on est arrivé sans papiers - juste un visa de touriste
-, sans contact, sans rien, et on a tenté l'aventure !", raconte-t-il.
Rapidement, le jeune chef entre en relation avec un restaurateur
français, installé sur place de longue date. "Je savais qu'on pouvait se
faire sponsoriser par un employeur afin d'obtenir les papiers nécessaires, mais
à condition d'avoir des compétences particulières que les Américains n'ont pas
forcément. Avec mon parcours, j'avais mes chances", poursuit-il.
Depuis ses fourneaux, Christophe Bibard observe son pays d'adoption et
ses spécificités, le marché, les attentes de la clientèle… Son but ? Se
mettre à son compte. "Le visa le plus simple à obtenir est celui pour les investisseurs.
Il faut compter entre 50 000 et 80 000 $ minimum, mais cela se
joue aussi en fonction de chaque cas", précise-t-il. L'avocat de l'immigration
qui s'occupe de son dossier lui déniche un local, situé dans un condominium
(une résidence fermée). Un pari risqué. "Le local ne possède aucune
visibilité depuis la rue. Il faut donc travailler sur internet, être
présent sur des sites comme Tripadvisor ou Yelp… Les Américains regardent
beaucoup les commentaires, c'est très important ici", souligne le Français.
Tendance bistronomique
L'Edito ouvre finalement ses portes il y a un an. Pour faire fonctionner
ce restaurant de 35 places assises, Christophe Bibard commence seul aux
fourneaux, tandis que sa compagne gère la salle. La cuisine est de style international,
afin de toucher la clientèle la plus large possible. "On propose aussi bien
des escargots et de la soupe à l'oignon que du couscous ou des plats d'origine
asiatique. Mais notre best-seller reste le boeuf bourguignon, même par 40
degrés !", s'amuse-t-il.
Le bouche à oreille fait vite son oeuvre, et en haute saison, l'établissement
affiche complet tous les soirs. Les prix modérés expliquent en partie ce
succès. "Le ticket moyen se situe entre 30 et 40 $ [environ 26 à
35 € NDLR], boisson comprise. Les clients trouvent souvent que ce n'est
pas assez cher. Miami est une grosse ville touristique, et beaucoup de
restaurants en profitent. Nous, nous avons un loyer peu élevé, nous sommes une
petite équipe et nous le répercutons sur nos prix", explique le chef. En
parallèle, L'Edito surfe sur la vague de la bistronomie. "On travaille
beaucoup sur la présentation de l'assiette, ce que ne font pas les autres
restaurateurs. 90 % de nos clients prennent des photos de nos plats, cela
fait plaisir !", note-t-il.
Un avenir incertain
Encouragé par ces résultats prometteurs, Christophe Bibard espère ouvrir
un fast good, un service traiteur et peut-être même une adresse plus
gastronomique. Cependant, rien n'est gagné. Certes, la Floride est très peu
taxée, mais d'autres difficultés jalonnent le parcours de l'expatrié. "Ici,
l'offre de produits est ultra-limitée. Il y a une dizaine de poissons
différents seulement. Le veau, la viande de faisan, de caille ou de pigeon sont
introuvables", constate-t-il.
La question des ressources humaines s'avère elle aussi épineuse. "Pour
le personnel, c'est encore plus compliqué qu'en France. Les gens manquent
souvent d'une bonne formation et il y a une véritable absence de
professionnalisme. Il arrive souvent que des employés ne viennent pas
travailler, sans même vous prévenir", déplore-t-il. Le volet administratif,
quant à lui, n'est pas à prendre à la légère. "Il faut respecter les règles
à la lettre et payer les taxes en temps et en heure. Tout est contrôlé - les taxes,
les ventes d'alcool… - de manière très pointilleuse. De plus, les
papiers sont difficiles à obtenir et temporaires. Par exemple, je suis en train
de renouveler mon visa, mais rien ne me garantit à 100 % que ma demande
sera acceptée…"
Publié par Violaine BRISSART