"Originaire du Puy-de-Dôme, fils d'un ouvrier mineur qui m'a mené la vie rude et d'une mère qui se consacrait à son foyer, j'ai commencé dans le monde du travail par un apprentissage en tant que plâtrier-peintre. À force de travail, j'ai construit une belle entreprise dans le bâtiment. Pourtant, j'étais attiré et passionné par le monde de l'hôtellerie depuis tout jeune : mon oncle était propriétaire des deux plus beaux hôtels d'Oran en Algérie, il m'a donné le goût et l'envie.
En même temps que je gérais mon entreprise dans le bâtiment, j'ai eu un jour l'opportunité d'investir dans un hôtel-restaurant aux Deux-Alpes, l'Orée des pistes, que j'ai acheté en 1975. C'était l'occasion, tant attendue, de mettre un pied dans l'hôtellerie. Pendant huit ans, mon épouse, Nicole, et moi-même, avons couru deux lièvres à la fois : la semaine dans le Puy-de-Dôme et le week-end à la montagne. Malgré la présence d'un directeur sur place, nous nous étions rendu compte qu'il était indispensable d'être là pour créer et garder le contact avec la clientèle.
Coup de foudre pour Saint-Tropez
Et puis, l'envie est venue de se rapprocher de la Côte d'Azur, au départ avec l'idée de faire travailler mon personnel de station en bord de mer lors de la saison estivale. Nous avons visité beaucoup d'établissements, jusqu'au jour où mon épouse a eu le coup de foudre pour La Pinède à Saint-Tropez. Nous avons alors tout vendu pour nous lancer dans ce challenge tropézien, en 1985. Les résultats de cet établissement n'était pas brillants mais j'étais persuadé qu'en changeant la méthode, La Pinède pourrait devenir bénéficiaire.
C'était un pari à l'époque mais, aujourd'hui, La Pinède est le seul hôtel à Saint-Tropez avec les pieds dans l'eau. La Vague d'or a été la première table étoilée de la cité et, en dix ans, Arnaud Donckele a amené ce restaurant au firmament avec l'obtention de la troisième étoile en 2013. Nous avons beaucoup de chance d'avoir un chef comme lui, qui comprend nos problématiques, qui s'investit autant dans notre entreprise, qui reste fidèle. Nous lui en sommes très reconnaissants.
En 1997, nous avons repris La Réserve, à Beaulieu-sur-Mer. C'est une grande villa d'inspiration florentine qui existe depuis 1880, fondée par la famille Lottier. Mais c'est Jean Potfer qui en a fait l'un des plus beaux palaces du monde. Nous avions étudié plusieurs projets, notre choix s'est porté sur cet établissement qui, à mes yeux, présentait un gros potentiel de développement.
J'ai toujours accordé de l'importance à la partie restauration. Si les clients séjournent chez nous avec tout le confort, il leur faut une table à la hauteur. À mon sens et pour être cohérent avec le standing de l'hôtel, La Réserve doit afficher deux étoiles au restaurant gastronomique. C'est aujourd'hui le défi de Yannick Franques, Meilleur ouvrier de France, doublement étoilé au Château Saint-Martin.
Investir tout en restant prévoyant
Aujourd'hui, nous avons un groupe bien structuré : deux hôtels, une résidence hôtelière, de beaux restaurants et un personnel qualifié et compétent ; c'est indispensable dans la réussite de nos maisons. En haute saison, le groupe emploie 200 personnes. 20 % de nos salariés nous sont fidèles depuis plus de vingt ans, à l'image d'Estelle Wicky, directrice générale de La Réserve, qui travaille avec nous depuis vingt-sept ans.
Côté gestion, j'ai toujours été prévoyant, il est nécessaire d'avoir de la réserve pour pouvoir continuer en cas de coup dur. Mais une grande partie des bénéfices est réinvestie chaque année. Nous avons entièrement refait les cuisines de La Pinède l'année dernière, ainsi que le salon et le bar. Cette année, nous y rénovons une vingtaine de chambres. À La Réserve, le patio vient d'être refait, tout comme les façades et les toitures, tandis que Yannick Franques et Arnaud Donckele travaillent à la création d'un bistrot qui ouvrira en mars. C'est une nouvelle expérience pour moi.
Cela fait quarante-cinq ans que je travaille, sept jours sur sept. Je suis quelqu'un d'exigeant, j'ai un oeil très critique. C'est peut-être par rapport à mon père que j'ai voulu prouver que, même avec un certificat d'études, on pouvait réussir. Je pense qu'il vaut mieux échouer que ne pas essayer.
Nicole compte beaucoup dans cette réussite. Elle m'a rapidement secondé et surtout, supporté, c'est une chance ! Un homme ne peut pas réussir tout seul. Une réussite ça se construit à deux, à trois maintenant avec notre fils, David, qui a rejoint l'entreprise. Même si je suis bien entouré, je ne suis pas sûr qu'un jour je prendrais ma retraite. J'ai toujours l'envie d'aller de l'avant."
Publié par Propos recueillis par Marie Tabacchi