"Alors que mes parents étaient hôteliers à Volonne, je n'étais pas prédestiné à ce métier. Ils ne voulaient pas que je m'oriente vers la restauration, un métier qu'ils jugeaient trop difficile. Ils faisaient beaucoup d'heures et ont connu des périodes difficiles, ils m'ont donc poussé à faire des études. J'ai d'abord suivi un cursus de droit, puis de psychologie. À la fin de mes études, en 1998, et malgré leurs réticences, j'ai rejoint la cuisine familiale. Je me suis mis à la cuisine sur le tard, à 27 ans.
J'ai beaucoup appris dans les livres
J'ai appris la cuisine aux côtés de mon père, Alain Paroche, qui m'a tout transmis. Ma cuisine est très liée à ce qu'il m'a appris, même si je considère que, pour poursuivre l'histoire et faire honneur à mes racines, il faut chaque jour se réinventer. Je n'ai pas travaillé dans d'autres maisons, j'ai beaucoup appris dans les livres, c'était mon principal moyen d'acquérir la technique. Mon père m'a donné beaucoup de liberté, mais aussi beaucoup poussé. Pour lui, ce qui comptait, c'était le résultat. Alors je reproduisais ce que j'avais vu dans les livres jusqu'à ce que ce soit maîtrisé.
Avec le temps, ma cuisine a évolué vers plus de justesse. J'aime quand la cuisine se dit clairement, sans être démonstrative, quand la nature du produit est respectée. C'est l'apparente simplicité des choses, ce que je livre de ma propre histoire, de mon univers, qui procurent l'émotion. C'est certainement parce que je n'ai pas suivi de formation classique que j'ose !
Des reconnaissances encourageantes
Après une quinzaine d'années de travail à apprendre chaque jour, j'ai reçu des reconnaissances de la profession : Les Logis m'ont nommé meilleur chef de France en 2007, j'ai reçu deux toques au Gault&Millau en 2009, puis le Coup de coeur en 2013, un Bib Gourmand Michelin en 2011 et, depuis peu, je suis chef référent au Collège culinaire de France pour mon département, aux côtés de Christophe Martin, chef à La Bastide de Moustiers. C'est un honneur pour moi qui me considère comme autodidacte, de côtoyer de tels chefs ! Je ne cache pas que j'aimerais un jour décrocher une étoile, mais dans notre département, ce n'est pas aisé.
Je me considère comme un aubergiste car si je gère la cuisine et que le restaurant a une place essentielle dans l'entreprise familiale, La Magnanerie compte également neuf chambres. Mes parents se sont installés à Aubignosc en 1999, mais ils ont arrêté du jour au lendemain, en 2004. Il a alors fallut me lancer seul.
Mon épouse, Fanny, m'a rejoint en 2008. Elle gère la partie hôtelière ainsi que la salle. Depuis son arrivée, l'établissement a beaucoup progressé, elle m'aide et surtout, elle me tempère ! L'entrée chez Châteaux & Hôtels Collection nous a aussi beaucoup apporté : depuis trois ans, l'hôtel connait une progression de 20 % chaque année. Cela m'a amené à côtoyer d'autres chefs : réaliser des dîners caritatifs aux côtés de quelqu'un comme Benoit Witz, c'est très enrichissant.
Depuis 2013 nous avons une associée, Nadine Rabelle, qui nous apporte son expertise financière et nous apprend beaucoup en termes de gestion. Elle nous aide à faire les bons choix au bon moment. Chaque année, nous investissons 20 000 € dans la rénovation de l'établissement. Nous faisons beaucoup de choses nous-mêmes pour modérer les coûts. La salle de restaurant a été plusieurs fois rénovée, nous améliorons la partie hôtelière et les extérieurs au fur et à mesure. Il y a deux ans, nous avons repensé l'organisation de la cuisine, l'année dernière, nous avons changé la climatisation, la vaisselle, les nappages. Cette année, nous refaisons les salles de bains des chambres.
Garder l'esprit auberge de famille
Aujourd'hui, le restaurant compte 50 couverts et peut accueillir jusqu'à 120 personnes en banquet, mais au quotidien, je limite volontairement les services à 35 couverts pour pouvoir assurer la qualité qui me tient à coeur.
Côte hôtellerie, nous envisageons d'augmenter la capacité dans les deux années à venir. Nous refusons du monde et je constate que de plus en plus de clients viennent de loin pour découvrir ma cuisine. C'est un projet, mais je souhaite garder l'aspect 'auberge'.
Ce qui fait notre force, c'est l'image de maison de famille, l'accueil personnalisé, un service de qualité. La Magnanerie, c'est un mélange entre tradition et modernité, une maison somme toute rurale mais avec une expérience contemporaine, loin des clichés de la standardisation. C'est un état d'esprit qui s'avère être aussi une clé pour fidéliser la clientèle. Ma femme me dit souvent que je suis un éternel insatisfait, mais je crois que l'envie de toujours s'améliorer permet de continuer à progresser !"
Publié par Marie TABACCHI
mardi 10 février 2015