L'Hôtellerie Restauration : Comment se porte le secteur après la saison estivale 2023 ?
Thierry Marx : La saison estivale a été plus que contrastée. L’activité touristique a été plutôt bonne, mais concrètement l’hôtellerie et la restauration traditionnelle n’ont pas été les grands gagnants de la période. Ce que l’on appelle l’arrière-saison tient ses promesses avec une météo clémente et surtout l’accueil de la coupe du monde de Rugby.
Ce qui est frappant c’est de voir les nouvelles habitudes qui s’installent. Les Français partent moins longtemps l’été car ils partent plus souvent au cours de l’année. La montagne et les régions développant un tourisme vert sont en plein essor au détriment des littoraux.
Les taux d’occupation en hôtellerie sont plutôt à la baisse, les vacanciers privilégiant d’autres formes d’hébergement, je le déplore, qui n’ont pas les mêmes obligations en matière d’hygiène, de sécurité, d’accessibilité, sans parler de leur fiscalité. Quant aux restaurants, la baisse du pouvoir d’achat s’est traduite par une baisse du ticket moyen.
Qu’est-ce qui attend les professionnels du secteur d’ici à la fin de l’année ? Et pour l’année 2024 ?
On ne peut pas se mentir, nous sommes dans une zone de turbulences économiques avec le renchérissement de tous les coûts. L’énergie qui peut atteindre + 25 %, les matières premières autour de + 15 %, la hausse des taux d’intérêts, l’inflation, etc. Les entreprises sont prises en étau. Je rappelle aussi que notre secteur, après une augmentation moyenne de 16 % sur les minimas de salaire, la nouvelle négociation a abouti à une augmentation des salaires de + 5 % pour tous les niveaux. La hausse des prix que certains pointent du doigt rattrape à peine l’inflation.
Aujourd’hui, s’ajoute la hausse de la taxe de séjour qui peut tripler en Île-de-France, mais qui a déjà connu une hausse importante en PACA, Occitanie et prochainement en Nouvelle Aquitaine.
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Devons-nous craindre de nouvelles hausses de prix d’ici la fin de l’année ?
Sur les prix, je souhaiterai que nous ne soyons pas obligés d’augmenter les prix, mais je crains que nous n’ayons pas le choix. C’est une question de survie de nos entreprises, de pérennisation des emplois de nos salariés. Mais nous sommes bien conscients que nous ne pouvons pas le faire indéfiniment, nos clients font également face à la baisse du pouvoir d’achat et à la hausse des coûts de l’énergie et des produits alimentaires.
Quels sont les défis qui attendent les professionnels sur les mois à venir ?
- Rendre nos métiers attractifs. Nous travaillons sur la formation et l’acquisition des compétences. Nous avons besoin d'un système de formation plus souple pour financer les formations dans les entreprises.
- Le logement : parallèlement, nous devons pouvoir proposer à nos jeunes salariés et à nos apprentis des possibilités de logement à proximité de nos établissements. L’UMIH a initié un partenariat avec Action Logement pour faciliter la mise en relation entre le jeune et les dispositifs existants. Dans notre secteur, tout ce qui freine l'accès au logement, freine la création d'emploi, et met donc en risque l'activité de nos entreprises.
- PGE. Ces prêts n’ont pas été un cadeau, mais souvent un 'respirateur artificiel' alors que la situation financière des entreprises se dégradait. L’UMIH doit proposer des solutions concrètes et viables : allongement de la durée de remboursement du PGE à 10 ans ou plus récemment la transformation des PGE en quasi-fonds propres avec l’aide d’un instrument financier supervisé par BPI France pour financer les investissements liés à la transition écologique. Nous attendons l’avis du Gouvernement sur ce point.
Le nombre de défaillances d’entreprises continue d’augmenter. Quelles sont les actions à mettre en place ?
L’hôtellerie-restauration détient un triste record ! Le plus lourd bilan de défaillance d’entreprise au 2e trimestre 2022 depuis 2016. + 32 % de défaillance dans l’hébergement par rapport à 2022, + 50 % de défaillance dans les débits de boissons, + 62 % de défaillance dans la restauration par rapport à 2022 dont + 43 % dans la restauration traditionnelle. Nombre d’établissements sont en danger. Les chefs d’entreprise sont pris à la gorge.
Nous n’avons pas d’autre choix que de transformer les contraintes (climat, ruptures technologiques, nouveaux comportement des consommateurs,…) en opportunités, pour travailler autrement, nous réinventer et gagner des parts de marché. Heureusement que nous sommes un secteur avec une immense capacité d’adaptation. Mais pour cela, les chefs d’entreprise que nous sommes, avons besoin d’une stabilité économique et fiscale pour pouvoir nous projeter dans l’avenir avec confiance et nous devons retrouver nos capacités d’investissement.
Publié par Romy CARRERE