L'Hôtellerie Restauration No 3424 - page 2

35 heures :
l’arbre qui cache la forêt
L’édito
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La violence
gangrèn
LePremierministre,
Manuel Valls
, était l’invitédu20heuresdeFrance2,
dimanche7décembre.Un sujet a focalisé l’attentiondesmédias : la remise
encausedes35heures.Celui qui avait scandalisé soncampen2011 en
appelant àdéverrouiller les35heures adepuis revu saposition.
“Les 35
heures ont beaucoup évolué,
a-t-il expliqué.
Même la droite n’est pas revenue
dessus.N’ouvrons pas de faux débats : il n’y aura pas de remise en cause de
la durée légale du travail.D’ailleurs, la durée effective du travail en France est
de 39heures, supérieure à celle de l’Allemagne.”
Alors, cedébatméritait-il
vraiment d’être rouvert oune s’agit-il pasde l’arbrequi cache la forêt ?
Ladurée légaledu travail constitue la référence imposant à l’employeur de
payer unemajorationdu tauxhorairedesheuresde travail effectuées.Mais rien
n’interdit de faire travailler un salariéau-delàde ce seuil.Ceque revendiquent
les entreprises, et particulièrement lespetites, c’est plusde souplesseafinde
pouvoir adapter le tempsde travail de leurs salariés à leurs activités.
La remise en cause des 35 heures ne faisait pas partie des
revendications des 6 000 chefs d’entreprise à Paris et 4 000 àToulouse
qui ontmanifesté le 1
er
décembreà l’appel de laCGPME. Ilsdemandaient
auGouvernement de revenir sur troismesures synonymesde complexité
administrative,d’insécurité juridiqueet de coûts supplémentaires.
En ligne de
mire, le compte personnel de prévention de la pénibilité
,qui doit entrer
envigueur le 1
er
janvier prochain, et qui se révèleêtreune véritableusineà
gaz.
Visée également, l’obligation d’informer préalablement les salariés
en cas de cession d’entreprise
alorsmêmeque la confidentialitéest l’une
des clésde la réussitede la transmission.
Et enfin l’interdiction de recourir
à des contrats de travail à temps partiel demoins de 24 heures
, sauf
motifsdérogatoires, cequi découragebonnombred’employeursd’utiliser ces
contratsdepeur de se retrouver hors-la-loi.
Mais sur ces sujets, le Premier ministre ne s’est pas prononcé.Aucune
remise en cause en vue.
Aucontraire, il aplutôt stigmatisé lesmanifestants :
“Ce que je demande aupatronat, c’est de ne pas jeter enpermanence des
débats sur la suppressionde l’ISF, du smic, et de donner l’impression aux
salariés que les choses n’avancent pas.”
Cen’est pas la réponsequ’attendaient
ces chefsd’entreprise.
PASCALE CARBILLET
(Voir pages 4-5 les revendications de la profession
adressées au Premier ministre)
Q
u’il vente ou qu’il pleuve, les sujets
sur la cuisine déplacent les foules,
même lorsqu’il s’agit de thèmes aussi
peu savoureux que la violence physique,
l’abus de pouvoir, le machisme, le bizutage
ou même le racisme dans les coulisses
des restaurants. À l’heureuse initiative
du Fooding et du site gastronomique
Atabula, l’amphithéâtre Jacques Chapsal
de Sciences-Po Paris affichait complet,
le 17 novembre dernier, comme un soir
de première. Le public, très largement
féminin, a justifié une première espièglerie
de la maîtresse de cérémonie,
Maïtena
Biraben
:
Pourquoi y a-t-il autant de
filles ce soir ? Parce que l’on va parler de
cuisine ou parce que l’on va parler de
violence ?
Un ton moins ludique lorsque
les initiateurs de l’événement,
Alexandre
Cammas
, le père du Fooding, et
Franck
Pinay-Rabaroust
, fondateur et rédacteur
en chef d’Atabula, ont ouvert la séance
plénière. Le premier a évoqué l’histoire de
cet apprenti handicapé affecté ‘au froid’,
souffre-douleur d’une brigade entière qui
le cabossait de ‘béquilles’. Mais c’est le
second, très ému, qui a rendu compte de
faits édifiants tels que ce couteau planté
dans le mollet d’un apprenti pas assez
docile ou encore les coups de pied d’un
chef qui poussait certaines de ses victimes
à venir travailler avec des protège-tibias.
Franck Pinay-Rabaroust a évoqué
la réception de plus de 150 e-mails
consécutivement à la publication de son
article, en avril dernier, sur les brûlures
infligées par un chef de partie - qui venait
d’arriver - à un apprenti du Pré Catelan
(Paris, XVI
e
). Des faits confirmés par
Frédéric Anton
, qui a licencié le coupable
dès qu’il en eu connaissance.
“Il y a une frontière entre exigence
et méchanceté”
Des témoignages choc initiateurs d’un
débat passionnant entre le sociologue
Frédéric Brugeilles
, le directeur de la
prestigieuse école hôtelière Ferrandi
Bruno deMonte
, et huit grands noms
de la gastronomie :
Cyril Lignac
(Le
Quinzième, Le Chardenoux des Prés),
AdelineGrattard
(Yam’tcha), la star
des chefs français aux États-Unis
Ludo
Lefebvre
(Trois Mec et Petit Trois),
GrégoryMarchand
(Frenchie),
Christian
Etchebest
(La Cantine de La Cigale),
GérardCagna
(chef retraité et co-auteur
d’unmanifeste sur la violence en cuisine,
lire en page 3),
ThierryMarx
(Le Sur
mesure auMandarin Oriental) et
Alain
Passard
(L’Arpège), les deux derniers
étant présents par vidéo.
Coup de feu,
fusil, brigade…Voilà une rhétorique bien
guerrière…C’est donc ça la cuisine ?
,
interroge avec maliceMaïtena Biraben.
Une mise en bouche propre à faire
bouillonner Christian Etchebest :
J’en ai
pris des coups de pied aux fesses. J’estime
pourtant n’avoir jamais été victime de
violence. La télévision est arrivée, elle ne
montre que de belles choses. Mais il ne faut
pas venir [en cuisine] la fleur au fusil. Le
métier est dur. La discipline, ce n’est pas de
la violence gratuite. Il y a trente ans, c’était
marche ou crève. On ne posait jamais de
question sur les salaires ou les horaires.
Aujourd’hui, les jeunes pensent qu’ils vont
arriver et faire de belles assiettes mais
avant, il y a la plonge, les pluches…
Pour
Grégory Marchand, la cuisine
ce n’est pas
la vie de bureau
.
Et d’évoquer les brimades
qu’il subit à Londres :
Les cuisines sont
très dures en Angleterre. J’ai jeté mon tablier
après l’arrivée d’un nouveau chef. Il y a
une frontière entre exigence et méchanceté.
Même si, en cuisine, il fait chaud et que les
horaires et la pression sont rudes, il doit y
avoir du respect !
“Le machisme m’a donné la rage”
Ludo Lefebvre évoque alors le choc de
culture avec les Américains : “
Àmon
arrivée aux États-Unis, onm’a pris pour un
fou. Je criais tout le temps. Le management
outre-Atlantique est plus participatif avec
beaucoup de réunions où les problèmes sont
envisagés de manière collective. Par la suite,
j’ai eu un chef pâtissier dont je n’aimais pas
le travail. Je renvoyais souvent ses desserts.
Il m’a fait un procès pour ça. En France,
j’étais apprenti à 14 ans. J’ouvrais les
huîtres. J’ai pris un coup de poing une fois.
On avait tous peur du chef.
œ
Le 17 novembre dernier, un collège de grands noms de la
gastronomie était réuni à Science-Po Paris pour évoquer un sujet
encore tabou.
E
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Gran
Maïtena Biraben
et
Alexandre Cammas
.
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