Après avoir transformé son restaurant étoilé du Vieux-Lyon en bistrot cet été, le chef Jérémy Galvan vient d’ouvrir le très mystérieux 220 BPM, dans les monts du Lyonnais. Un concept radical à tous points de vue. “On aimera ou pas mais je voulais pousser mes idées, aller jusqu’au bout”, confesse le chef.
À mi-chemin entre le dîner gastronomique, l’installation d’art contemporain et la performance, l’expérience commence immuablement par un trajet en van depuis la place Bellecour. Une fois embarqué, chaque convive (14 au maximum par service) est invité à laisser son téléphone dans une boîte avant d’enfiler un masque pour une direction inconnue. Le temps du trajet (40 minutes), bruits de cuisine, dialogues elliptiques et musique futuriste occupent les oreilles, façon mise en bouche, avant que l’on ingère une fiole au contenu inconnu.
Perte de repères
Àl’arrivée, devant une surprenante maison-construction en bois brûlé, tous les repères spatio-temporels ont déjà sauté. Une fois les manteaux accrochés, un plafond mobile, constellé d’épis de blé, laisse la place au chef et à sa directrice de salle, Rachel Benali. Tous deux, comme le reste de la brigade, sont costumés de noir et harnachés de cuir dans l’esprit “de guerriers ou de chasseurs-cueilleurs”.
La salle, plongée dans la pénombre, est à l’unisson. Il n’y a pas de tables mais de confortables fauteuils aux allures de trônes de fer installés devant des assemblages de branches. Ce sont des “paysages” sur lesquels vont se succéder durant plusieurs heures des verres sans pied et diverses séquences de trois ou quatre plats dont on ne connaît jamais ni l’intitulé, ni les ingrédients. Trente bouchées, bouillons, infusions et thés inclus, seront servis successivement. Chaque plat ou presque joue l’illusion, perturbant l’œil comme le palais. Sans couverts ni pain auxquels se raccrocher, le client pioche, tâtonne, gobe, lèche, hésite parfois devant des aliments qu’il suppose – à juste titre – clivants.
Coup de génie ou de folie, reste que le projet est très ambitieux avec deux formules proposées, l’une à 450 € pour l’accord mets-vins classique et l’autre à 650 € pour l’accord mets-grands crus. Le menu, si l’on peut appeler ainsi, s’adapte à tous les régimes alimentaires. D’ici quelques semaines, une poignée de chambres d’hôtes jouxteront aussi le restaurant afin de faciliter l’accueil de visiteurs étrangers.
Publié par Audrey GROSCLAUDE