À 26 ans, Chloé Charles affiche déjà un solide parcours. "J'ai un champ de vision très large, j'ai vu des chefs très différents dans leur façon de cuisiner." Après un bac littéraire, la jeune femme passe un CAP de cuisine en apprentissage. Quand elle repense à sa première maison il y neuf ans, L'Épi Dupin (Paris VIe) avec François Pasteau, elle se souvient amusée du placard à oignons où elle se changeait. "J'étais la première et la seule fille. Le restaurant s'est agrandi par la suite et le chef a fait installer un vestiaire pour les filles."
Inscrite à l'ESCF Ferrandi en création d'entreprise, elle effectue un stage chez Lasserre avec Jean-Louis Nomicos. Elle y est encore la seule femme et restera au poisson durant les six mois de stage, ce qu'elle voit comme une chance : "il n'y a qu'avec la pratique que l'on apprend à faire les choses". À L'Astrance (Paris, XVIe) avec Pascal Barbot, "un chef qui donne beaucoup d'opportunités et laisse libre cours à la créativité de ses employés", Chloé Charles se retrouve pour la première fois avec des femmes en cuisine. Chaque soir après le service, elle 'refait le match' avec l'une de ses collaboratrices, comme elle dit. "Nous avions besoin d'analyser ce qui s'était passé, sans que cela n'interfère sur le travail", avant d'ajouter, "Si on exerce la cuisine à ce niveau-là, on n'est pas des minettes. On a toutes un côté masculin".
"Je suis enfin sûre de moi"
Elle travaille ensuite deux ans avec le chef Samuel Cavagnis au Versance (Paris IIe), d'abord au garde-manger, puis à la pâtisserie. "La pâtisserie, c'est indispensable, même si je préfère largement la cuisine." Après un voyage de deux mois en Australie, la jeune femme trouve une place à L'Agapé (Paris, XVIIe), grâce à Ferrandi. C'est à cette époque qu'elle rencontre le chef Bertrand Grébaut. Elle poursuit ensuite à L'Agapé Substances (Paris VIe) avec David Toutain. Elle y reste de septembre 2011 à juillet 2012, "ce qui était déjà bien, avec la fatigue, le stress et la promiscuité, à la fin je ressemblais à une loque. Mais je sais pourquoi je l'ai fait, l'ambiance était extraordinaire, nous formions une fratrie, nous nous sentions forts tous ensemble. David pouvait être dur et en même temps très reconnaissant du travail que nous fournissions. C'est aussi grâce à cette expérience que je suis second aujourd'hui."
Chloé Charles occupe le poste de second de cuisine chez Septime(Paris, XIe) depuis fin août 2012. "Il y a une majorité de femmes, nous sommes quatre pour trois hommes." C'est la première fois qu'elle est à ce poste et pense l'être véritablement depuis janvier. "Je suis enfin sûre de moi, je ne prends pas les erreurs de tout le monde comme si c'était les miennes. C'est une gestion, une vision d'ensemble et une transmission du savoir." La jeune femme se rend compte qu'elle aime transmettre, expliquer aux apprentis, mais qu'elle apprend d'eux aussi. "En fait, on apprend tout le temps."
Elle dit aimer réfléchir, "C'est un métier manuel, mais on n'est pas des machines. J'aime réfléchir à ce que je fais. Mes plats peuvent être assez intellectualisés. Comme les champignons cuits dans du café à basse température et accompagnés d'une crème de jaune d'oeuf que j'ai préparés pour le dîner de Fulgurance : beaucoup de gens m'ont dit qu'ils avaient moins aimé ou qu'ils avaient réfléchi. Il y a des plats gourmands qui n'amènent pas à réflexion et il y a des plats intellectualisés que nous chefs faisons de façon égoïste de temps en temps. J'aurais peur de m'ennuyer sinon." Pour l'instant, Chloé Charles apprend donc tout ce qu'elle peut et se dit qu'à 30 ans, elle aura sûrement son restaurant.
Publié par Caroline MIGNOT